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Je secoue son corps. Elle récite la shahada puis sa tête tombe sur le côté.

- Non, Syhem ! Non, ne me laisse pas ! Ne me laisse pas ! Syhem ! Dis-je en pleurant. Regardes mon coeur, on va rentrer à la maison et on apprendra à nos enfants le Coran et la religion ensemble. C'est ce qu'on a toujours voulu, pas vrai mon amour ? Syhem... Hayati...

- Syhem, petite soeur. Réveille toi ! Réveille toi, je ne vais pas pouvoir me relever. Réveille toi ! Dit Suhayl en pleurant.

Il se lève alors d'un coup puis se dirige vers Shehab.

- MA SOEUR EST MORTE ! TU AS TUÉ MA PERLE ! TOUT CE QUI ME RESTAIT ! QU'EST-CE QUE TU AS DANS LE COEUR ? UNE PIERRE ? TU AS RENDU UNE FAMILLE MALHEUREUSE ET DES ENFANTS ORPHELINS DE LEUR MERE ! ILS VONT GRANDIR SANS L'AMOUR DE LEUR MERE ! Crie-t-il plein de rage.

Il le frappe comme le frapperai mille homme. L'ambulance arrive et on va à l'hôpital. Je mets mes mains sur mon visage puis pleure inconsciemment. Ma femme est morte. Elle est morte sous mes yeux. Je ne veux pas y croire.

Le médecin arrive alors.

- Ina lilLah wa ina illayhi raji'un... Nous dit-il.

Mina s'évanouie sous nos pieds et moi, je reste à fixer le vide. Ma femme est réellement... Morte ? Suhayl tombe à genoux en criant et en pleurant. Sa petite soeur vient de mourir. On le ressentait mais on niait ce ressentit. Je commence à taper les murs de l'hôpital.

SUHAYL

Ils l'ont lavées, recouvert d'un linceul et on se dirige vers la mosquée du Prophète. J'ai envie de me réveiller de ce cauchemar, ma soeur est morte. Elle est morte une année après mon père. Qu'est-ce que je vais devenir ? Ô Allah, qu'est-ce que je vais devenir ?

- Allahu akbar ! 

Mes larmes coulent en même temps que je récite.

- Allahu akbar !

Je fais mes prières sur le Prophète, le cœur brisé.

- Allahu akbar !

J'invoque pour ma sœur en pleurant, j'ai perdu la moitié de ma vie. Ô Allah, fais lui miséricorde...

- Allahu akbar !

Puis on finit par tourner la tête à droite, puis à gauche.

Je sors de la mosquée en me disant que je viens de prier sur ma sœur. Ma sœur... 

- Tu as une soeur en Syrie, mon fils... Me dit mon père.

Je le regarde, choqué. Moi ? J'ai une soeur ?

- Baba, je vais partir à Gaza puis je partirais en Syrie. Je vais la chercher. Le prévenais-je.

Des amis à moi m'avaient aidés à trouver son nom, son prénom et à quoi elle ressemble. Je l'avais cherché de fond en comble et je l'avais enfin trouvée. Je n'ai pas réussi à l'empêcher de subir plusieurs horreurs. Je n'ai pas réussi à l'empêcher de souffrir mais avant tout, je n'ai pas réussi à la protéger.

- Je t'aime petite soeur, ne l'oublie pas. Chuchotais-je.

- Moi aussi, grand frère. Moi aussi, je t'aime. Dit-elle en souriant. Tu es le meilleur des grands frères qu'on puisse avoir.

Je porte son corps sur mes épaules avec Emin, son père et d'autres hommes. On se dirige vers le cimetière Al-Baqi. Là où repose les pieux compagnons du Prophète.

- Mon prochain fils, je l'appellerai Suhayl, si Allah le veut ! Dit-elle en souriant. Comme ça, il sera comme son oncle. Un grand homme.

J'aurais préféré que la Terre se fende et me prenne avec elle plutôt que d'enterrer ma propre sœur. J'aurais aimé que le ciel s'écrase sur moi plutôt que de prier sur ma sœur.

On arrive au cimetière. La tombe est déjà creusée, on descend le corps lentement. Je sens que je ne vais pas tenir. Avant qu'ils ne lui mettent de la terre par dessus, je soulève son linceul de son visage.

- C'est comme ça ? Je ne pourrais plus voir ton beau visage ? Dis-je les larmes aux yeux. Regarde Emin, regarde comment ta femme a de la lumière sur le visage, regarde comment elle brille...

Emin passe une main sur son visage en pleurant. On recouvre son visage et les hommes la couvre de terre. Puis ensuite, chacun s'en va. Chacun s'en va sauf nous trois, moi, Emin et son père.

- J'aurais préférée qu'on me prenne tous mes biens, ma maison, mon argent, ma santé et qu'on me prive de boire et de manger que de te perdre. Aujourd'hui, je suis mort avec toi, petite soeur. Je suis mort avec toi... Soufflais-je.

On reste quelques temps à parler à ma sœur puis on s'en va. En marchant, je me rappelle de la parole du Prophète où il disait que le mort entendait les pas de ses proches quand ils partent. Mon cœur se serre. Ma sœur entend nos pas qui s'éloigne d'elle. 

Elle est maintenant seule, devant ses deux anges. Mounkar et Nakir, ses deux anges questionneurs. On rentre chez nous puis je vais dans la chambre de ma soeur pendant qu'Emin part chercher ses enfants.

Je cherche dans son armoire, chercher quelque chose qui me rappellera d'elle. Je trouve ensuite un carnet. Il a l'air vieux. Je déballe les pages une par une.

"- J'ai découvert que j'ai un frère, en réalité, j'aurais aimée le savoir plutôt. Maintenant, j'espère que je serais heureuse avec lui. Je l'aime déjà, même si je viens de le connaître."

Elle parle de moi, ça me fait tellement mal. Je l'aime tellement ma petite sœur, tout l'or du monde ne pourrait la remplacer. Jamais.

"- Anis est venu demander ma main, j'ai peur mais je suis tellement heureuse ! C'est le premier homme que j'ai aimée, réellement aimé. Je l'ai plus que aimée, je suis tombée amoureuse de lui."

"- Aujourd'hui, 13 du mois Rabi' premier en l'an 1440, j'ai finis l'apprentissage du Coran. Je suis devenue Hafidhu- al Qur'an ! J'espère qu'il témoignera en ma faveur, le jour du Jugement Dernier."

Je me mets à sourire inconsciemment. Je suis tellement fier d'elle que j'ai envie de la prendre dans mes bras, là, maintenant. Mais je tombe de mon nuage quand je me rappelle de la triste vérité.

Je m'en vais chercher Emin et lui montre ce passage mais aussi celui du jour où il lui a demandé sa main. Il s'assoit alors en mettant sa main sur sa tête, il se met à pleurer. Je crois qu'on est condamné. Condamné à vivre une vie malheureuse, loin de ceux qu'on aime.

La Belle et le DjîhādîsteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant