Suhayl se lève et me prend dans ses bras.
- Tu n'es responsable de rien, tu ne pouvais pas savoir. Me dit-il. Par contre, je pense qu'on a assez laissé Shehab tranquille. Cette fois, je ne le laisserais pas en vie.
Emin acquiesce.
- Va te reposer, toi. Me dit-il.
Je lui embrasse la joue et prend Emin dans mes bras avant de rejoindre mes enfants, suivis de Mina.
- Est-ce que t'as peur ? Me demande-t-elle.
- Peur de ? Dis-je en fronçant les sourcils.
- De Shehab. Si Ahlam est réapparue, c'est que Shehab viendra aussi. Me dit-elle.
- Est-ce que Shehab et Ahlam sont en dessous du Trône d'Allah ou au dessus ? Lui demandais-je.
- En dessous. Me répond-elle.
- Alors pourquoi avoir peur d'eux ? Dis-je en souriant.
Je rentre dans la chambre et on parle un peu avant qu'elle s'en aille. Je ferme la porte à clé, remets mon voile et m'assois sur mon lit avec mon Coran. Je récite jusqu'à en avoir les larmes.
- ... "Ne nous impose pas ce que nous ne pouvons supporter, efface nos fautes, pardonne-nous et fais nous miséricorde. Tu es Notre Maître, accorde-nous donc la victoire sur les peuples infidèles." [Sourate Al Baqara, verset 286]
Je ferme ensuite le Coran et essuie mes larmes. C'était le dernier versets que j'avais à apprendre. Je viens de finir le Coran entier... mon rêve depuis toujours... J'ai appris la parole d'Allah entière ! Bien-sûr, je ne le dirais à personne par peur de tomber dans l'ostentation mais je sors mon petit carnet et je le note dessus.
21 novembre 2018, soit le 13ème jour du mois de Rabi' premier du calendrier musulman. C'est la date de la mort de mon bien-aimé Muhammad... le Prophète Muhammad, que la paix et le salut d'Allah soit sur lui.
Rehan et Hind se mettent à pleurer. Ils doivent avoir faim, je me lève et les prends pour les allaiter.
- Mama... Me disent-ils.
- Maman est là, mes chéries. Dis-je en souriant.
Je les regarde tous les deux en souriant. Ces deux enfants qui sont sortis de moi représentent ma réussite. J'ai réussis ma vie et j'espère que j'ai aussi réussi mon au-delà...
Des fois, je me rappelle des jours heureux que j'ai passée en Syrie. Avant la mort de ma mère et la destruction du pays. Et puis, je me dis que la Syrie me manque. Pas la Syrie d'aujourd'hui mais celle d'avant... Je prie tellement Allah de me donner une chance de revoir mon pays beau et fort. Remis sur ses deux pieds. Loin de la guerre et qu'Il sauve les habitants de là-bas.
Hind et Rehan s'endorment et je les remets dans leur berceau. J'entends quelqu'un ouvrir la porte et je vois que c'est Emin.
- Ils dorment ? Me demande-t-il.
Je hoche la tête puis il m'embrasse le front.
- Viens, j'ai fais à manger. Le prévenais-je.
Il me suit alors jusqu'à la cuisine puis on mange ensemble.
- Syhem... j'ai pensé à quelque chose. C'est de ma faute ce qu'il nous ait arrivé. Dit-il en grimaçant.
Je pose ma main sur la sienne.
- Tu ne t'en rappelle pas ? Tu m'avais prévenu et je t'avais dis qu'on subira à deux. Lui dis-je en souriant faiblement.
EMIN
Je baisse la tête en me rappelant de ce jour-là.
- Qui a dit que tu ne mérites pas ? Tu n'es pas comme eux et je l'ai compris depuis le début... Anis, s'il faut qu'on subisse, on sera deux. Anis, je... ne me lâche pas. Dit-elle les larmes aux yeux.
Mais... le jour où elle ne sera plus là, je subirais seul. Et si je pars avant elle, elle subira seule. Et c'est ce que je ne voulais pas.
Aujourd'hui, spécialement aujourd'hui, j'ai envie de prendre ma femme Syhem dans mes bras et ne jamais la lâcher. Qu'on meurt ou qu'on vie comme ça.
Elle se lève et s'apprête à sortir de la cuisine mais je me lève et l'attrape par le bras. Elle se retourne en me regardant.
- Je t'aime Syhem. Lui dis-je.
Je l'attrape par ses joues et je l'embrasse longuement et tendrement. Je pose ensuite mes mains sur sa taille. Elle se recule de moi puis me prends dans ses bras.
- Bientôt deux ans que nous sommes mariés. Dit-elle en souriant. Tu es le premier homme qui est rentré dans ma vie et je ne le regrette pas. Tu m'as donné une belle vie et de beaux enfants, tu m'as offert ton amour et tu as fais ressortir le mien. Tu ne sais pas à quel point ça me rend heureuse qu'Allah nous ai destiné à finir ensemble.
- Finalement, je me rends compte qu'Ahlam n'est rien face à toi. Tu es ma femme devant Allah et devant le monde, les plus beaux de mes jours sont ceux que j'ai passé avec toi. Qu'Allah puisse nous réunir dans l'au-delà, hayatim. Dis-je en lui embrassant les fronts.
On reste ensemble, à se raconter notre passé, comment on voit notre futur et comment on vit notre présent. Malgré ça, elle me manquait toujours. Elle dort à mes côtés mais elle me manque quand même. J'ai l'impression de perdre quelque chose, que je suis impuissant.
J'ai envie de l'aimer encore plus. J'ai envie de lui donner encore plus d'amour. J'ai envie de la garder avec moi. J'ai envie de l'éloigner de tous les maux. J'ai envie de pleins de choses mais je m'y sens incapable. Je me sens impuissant. Et je le suis.
Elle dort sur mes jambes pendant que je caresse ses cheveux. Elle est tellement belle ma femme, rien que de la regarder me rend heureux. Comment je ferais le jour où... ? N'y pense pas. N'y pense pas, Emin. Je crois que je deviendrais fou.
Petit à petit, elle se réveille. Elle remet ses habits rapidement et me dit qu'elle va faire ses grandes ablutions. Ce qui est normal. Et je m'en vais faire les miennes. Elle sort ensuite et enfile son niqab. Je mets mon qamis.
- On y va ensemble à la mosquée, du coup... qui va garder les enfants ? Me demande-t-elle.
- Mon père. Il va rester ici, il a dit. La prévenais-je.
Elle hoche la tête puis on demande à mon père de garder les enfants.
- Suhayl, t'es silencieux depuis tout à l'heure. Tu vas bien ? Demande-t-elle à son frère.
- Oui, j'ai juste mal au cœur... Dit-il en grimaçant.
Puis il s'arrête et tire Syhem vers lui. Il la prend dans ses bras.
- Je t'aime petite sœur, ne l'oublie pas. Chuchote-t-il.
- Moi aussi grand frère. Moi aussi, je t'aime. Dit-elle en souriant. Tu es le meilleur des grands frères qu'on puisse avoir.
Je pense qu'il ressent ce que je ressens en ce moment. Il a l'air de ne pas vouloir lâcher Syhem. Tout comme je ne le voulais pas non plus.
Et si seulement j'avais su...
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La Belle et le Djîhādîste
Teen FictionAlors que la guerre éclate en mars 2011, des milliers de civils se font tuer. En 2014, le groupe terroriste, Daesh, prennent Raqqa. Ils étaient vus dans la ville comme «héros» à leur entrée. Ils étaient doux avec les enfants, ils leur offraient des...