82.

364 37 5
                                    

Plusieurs mois sont passés, mon père n'est toujours pas revenu. Il nous a envoyé quelques lettres, rien de plus. Il nous a annoncé qu'il est maréchal de l'armée ! Je suis tellement fière de mon baba.

Maintenant, nous sommes à Damas avec mon frère et mon oncle. On passe par un marché, je commence à regarder ce qu'ils vendent. J'aimerais acheter quelque chose pour mon père. Il sera heureux.

- Rehan, regarde... Dis-je en me tournant.

Je ne vois alors ni Rehan ni tonton Suhayl derrière moi, ni même Yûsuf. J'achète le cadeau à mon père puis me mets à les chercher. Je commence à stresser. Je ne connais rien de Damas, je viens d'arriver et je me perds !

Je commence à  accélérer le pas et tourner sur moi. Je marche sans savoir où je vais puis sans faire exprès, je fonce dans quelqu'un. Je tombe à l'arrière puis la personne me tend sa main, que je prends.

- Excuse moi, je ne t'avais pas vu. Me  dit-il.

- Non, c'est à moi de m'excuser. Je ne regardais pas devant moi. Dis-je en souriant. En tout cas, merci.

Je relève la tête que j'avais  jusqu'à maintenant, baissée. Mon souffle se coupe à la vue de cet homme. Je le regarde dans les yeux et lui aussi. Je sens mon cœur battre fort. Je respire un coup puis m'en vais mais il me rattrape par le bras.

- Tu t'appelles comment ? Me demande-t-il.

-Hind. Dis-je timidement. Et toi ?

- Issa. Dit-il en souriant. D'ailleurs, tu cherchais quoi tout à l'heure ?

- Mon frère, mon oncle et mon cousin. Lui dis-je. Je ne les trouve pas.

- Viens, je vais t'aider. Me dit-il.

Je hoche la tête puis on marche côte à côte dans le silence. Je sens mon cœur battre fort quand il touche ma main avec la sienne mais il la retire directement.

- Hind ! Entendis-je.

Je vois mon frère venir vers moi, il me prend dans ses bras.

- J'ai eu peur ! J'ai cru que quelqu'un t'avais fais du mal. Me dit-il.

Je le serre fort contre moi.

- Ne t'inquiètes pas mon frère. Ici, c'est la paix. Personne ne veut du mal à personne, sauf les gens de l'extérieur. Lui dit Issa.

Mon frère le regarde en fronçant les sourcils.

- Oh ! Rehan, je te  présente Issa, il m'a aidé à vous retrouver. Dis-je en souriant.

Mon frère hoche la tête. Il le remercie puis dis qu'on doit aller voir mon père. Issa nous dit qu'il vit dans la même résidence que lui alors il nous suit.

On rentre dans la résidence puis on cherche son appartement . On toque à la porte puis on attend quelques secondes.

- Baba ! Dis-je en souriant.

Je le prends dans mes bras, Rehan, tonton Suhayl et Yûsuf aussi. Je passe nos retrouvailles puis mon père nous montre à chacun notre chambre. Rehan et Yûsuf partageront la même.

Je rentre dans la mienne puis me change, je me coiffe et me mets devant la fenêtre. Je regarde le ciel en pensant à l'homme de tout à l'heure, Issa... Je n'arrête pas de penser à lui. Même en fermant les yeux, je le vois.

D'un coup, je vois la lumière d'en face s'allumer. Une silhouette s'approche de la fenêtre et je vois Issa. Je me cache directement derrière le mur. Je ne porte pas mon voile, il ne peut pas me voir comme ça.

Je cours chercher mon jilbeb et l'enfile rapidement. Je me regarde dans le miroir puis me cache derrière le mur. Sortir par la fenêtre ? Non... Je ne veux pas attirer l'attention. Ya Allah, quoi faire ?

Je décide de me lever et fermer les volets de ma fenêtre. Sauf qu'avant de les fermer entièrement, je l'entends m'appeler.

- Tu ne dors toujours pas ? Me demande-t-il.

- Non, j'aime bien rester à réfléchir le soir. Lui dis-je.

- Comme moi. Dit-il en souriant. Je regarde le ciel puis je parle à Allah.

Je lui souris, gênée.

- Sinon, tu as quel âge ? Me demande-t-il.

- J'ai 16 ans, bientôt 17 ans. Lui dis-je. Et toi ?

- 17 ans. Répond-il. Tu sais Hind, je ne te ments pas que j'aimerais te connaître un peu plus.

- J'aimerais aussi mais c'est interdit qu'on se parle, Issa... un homme ne doit pas parler à une femme s'ils ne sont pas mariés. Dis-je en grimaçant.

- T'as raison mais je ne peux pas m'empêcher. Me dit-il doucement. Chaque fois que je ferme les yeux, je ne vois que toi.

Je commence à rougir.

- Je... Je dois y aller. Lui dis-je.

Puis je m'éloigne de la fenêtre mais il m'appelle encore une fois. Je me retourne alors et le regarde dans les yeux.

- Bonne nuit sous la protection d'Allah. Me dit-il.

Je hoche la tête puis me retourne en souriant et en essayant de contrôler ma respiration. Je me couche puis avant d'éteindre la lumière, je remarque une chose brille.

Je me lève et m'approche de cette chose, c'est un collier qui sort d'une boîte. Je prends la boîte, m'assois sur mon lit et l'ouvre. La première chose que je vois est un vieux carnet.

J'ouvre la première page de ce carnet, il y a un dessin. C'est une femme avec une petite fille. Une flèche pointe vers la femme et il est écrit "ummi" (ma mère) et une autre qui pointe  sur  la petite fille et il est écrit "ana" (moi).

Je balaye les pages, une par une. Jusqu'à que je tombe sur une... "je me suis marié à un homme. Ils m'ont mariés de force. J'ai peur de lui et j''espère qu'il ne va pas me violer. Il s'appelle Shehab." Puis petit à petit, elle raconte ses disputes avec lui, sa grossesse...etc.

Je ne sais toujours pas qui écrit ce carnet mais ce qu'elle écrit me rend mal. Est-elle en vie ? Et qu'est-ce que son carnet fait là ? Je continue ma lecture et mes larmes me montent aux yeux quand je tombe sur un dessin d'un homme que je reconnais.

- C'est toi qui a tué ma maman ?  Lui demandais-je.

- Oui, c'est moi. Me répondit-il.

...

- ... Monsieur, je ne te pardonne pas. On est tous triste à cause de toi.

Je me rappelle de cet homme. Mes lèvres commencent à trembler alors je continue ma lecture pour confirmer mes soupçons. J'ai un espoir que cette femme ne soit pas ma mère.

"Je suis enceinte. J'aurais une fille, je l'appellerais Hind, si Allah le veut." Mes larmes coulent seuls. Elle parle de moi, ça me confirme tout mes doutes. C'est ma mère. C'est elle.

"Hind et Rehan ont enfin commencés à parler. lls représentent ma réussite. Ils sont le fruit de mon amour pour Emin." Maman... mon cœur se serre;

Je tourne les pages dans le sens inverse et je relis les passages de sa vie en Syrie.

"Ô Allah ! Il m'a violé ! Il m'a battu ! Il m'a traité pire qu'un animal. Ô Allah, ils n'ont plus de conscience. Ils se comportent comme des chiens et je suis leur victime. Ô Allah ! Sauve moi..."

"Shehab est devenu fou. J'ai peur. J'ai envie  de ma cacher sous terre et ne plus en sortir. Serait-ce ça mon destin ? Où es-tu Anis ? Est-ce vrai que tu es mort et que tu m'as laissée ? Sors moi de cet enfer. Anis, tu n'es pas comme eux. J'en suis sûr. Tu n'es pas comme eux. Reviens Anis... Je veux mettre fin à mes jours."

Cela me tue de me dire que ma mère a été, un jour, tellement impuissante. Je m'endors alors en pleurant et en pensant à ma mère...

La Belle et le DjîhādîsteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant