Chapitre 3: Réalité

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Combien de temps s'était écoulé depuis Noël ? Je ne savais pas. J'avais perdu tout sens de la réalité.

J'étais revenue chez moi où le silence m'avait accueillie et je m'étais effondrée sur le canapé. Je ne savais pas combien de temps j'étais restée ainsi. Une part de moi ne voulait pas comprendre qu'il n'allait plus revenir. L'autre part plus lucide ne voulait pas me résonner.

Je savais que des jours avaient fini par s'enchaîner, car j'avais vu à travers ma fenêtre, allongée sur mon lit, amorphe, le soleil et la lune s'échanger leur place dans un rituel sans fin.

Le monde continuait de tourner.

Même quand le nôtre s'était arrêté.

Puis le gardien de l'immeuble était venu plusieurs fois tambouriner à ma porte pour réclamer le loyer et ça m'avait rappelé que je devais aller récupérer ma paye à la bijouterie.

C'était une des rares fois où j'étais sortie.

La tête dans un brouillard, les yeux peinant à regarder autour de moi, le pas désorienté, j'avais quitté l'appartement. Je n'avais toujours pas nettoyé le mot en sang sur ma porte. Ni rangé la maison. Je n'avais pas eu la force.

Une fois dehors, j'avais entendu les voisins parler sur moi quand j'étais passée à côté d'eux.

— Ils attendent quoi pour l'expulser ? À cause d'elle on va s'attirer les foudres de la mafia !

La nouvelle de la mort de mon frère s'était peu à peu propagée dans mon quartier comme une maladie contagieuse.

— Le gardien aurait dû les virer à la mort de leur père. Deux orphelins sans éducation, c'est jamais bon signe.

D'habitude, quand quelqu'un perdait un proche, on lui souhaitait les condoléances. Et on lui apportait du soutien dans le deuil, surtout quand la personne n'avait plus aucune famille.

Mais comme la mafia était impliquée, on me tourna le dos.

Y compris mon patron.

Personne ne souhaitait contrarier les clans, les gangs, et les mafieux de cette ville qu'était devenue un trou à rat. Personne ne voulait mourir dans d'étranges circonstances. Personne ne voulait mourir en revenant du travail ou en allant jeter ses poubelles.

Parce que c'était comme ça qu'on pouvait crever.

Aussi subitement que cruellement, à n'importe quelle heure, n'importe quel jour.

— Tu ne peux plus travailler ici.

J'avais lentement levé la tête vers mon employeur, le propriétaire d'une bijouterie dans notre quartier.

Il y avait eu une pointe de culpabilité dans son regard, mais son visage était resté fermé, comme si j'avais été responsable de ma situation et que c'était moi qui avais perdu sa confiance.

Depuis la disparition de Raf, j'avais réalisé que beaucoup de choses n'avaient pas de sens.

Comme blâmer la victime plutôt que le coupable.

— Ton père était un bon ami mais je ne peux plus te garder. J'ai le fils d'une connaissance qui cherche du travail et je lui ai dis que...

J'avais finalement rebaissé les yeux, désintéressée.

Absente.

Même lui, avait refusé de me dire la vérité.

On avait massacré mon frère en laissant une note de sang sur ma porte et pour me soutenir, il avait donné mon poste à quelqu'un d'autre - c'était bien connu, on volait les emplois des hommes.

LA FLEUR DU MAL [MAFIA ROMANCE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant