Chapitre 27 : Docteur X

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Si je pouvais retourner dans le passé, est-ce que je verrais ces petits détails qui avaient fait partie de mon quotidien et que j'avais manqués ? Ou serais-je une nouvelle fois aveugle à ce que j'avais refusé de voir ? Ces choses qui ne m'avaient jamais semblé importantes ?

Choisirais-je de rester sous le soleil, dans la chaleur qui avait bercé mon enfance et ces après-midi avec mon frère ? De ne pas chercher plus loin pour ne pas désacraliser la figure de mon père ? Mon père qui avait toujours été réservé, mais qui s'était toujours préoccupé de mon bien-être ?

Ne cherche pas plus loin.

La part de conscience qui voulait rester dans ce passé, celle qui avait grandi dans l'innocence et l'ignorance, celle qui ne voulait pas disparaître par la vérité, qui la tuerait, me chuchotait à l'oreille comme une vile sorcière, un démon, souhaitant me crever les yeux avec ses longs doigts glacés et macabres pour ne plus voir.

Ne cherche pas plus loin ou tu vas le regretter.

J'essayai toutefois de garder mon calme en la présence d'Ottavia, assise à côté de moi, dans une voiture qui nous ramenait au manoir.

— Est-ce ça, mon test ? Demandai-je dans une faible voix, en regardant la ville défiler. Aider cette femme ?

Je l'entendis se redresser et inspirer profondément.

— Ça, nous le ferons ensemble. Mon but, c'est de vous montrer l'envergure de mes responsabilités. Il y a des choses qui ne peuvent être adressées aux hommes et c'est la raison pour laquelle mes autres filles travaillent dur.

Signora, si c'est pour me parler de mes actions irréfléchies, ne vous inquiétez pas, je ne ferai plus rien qui...

Un bruit effroyable quitta mes lèvres.

Je venais d'avoir un haut-le-cœur.

— Nera ?

Je n'allais pas bien. J'avais beau prétendre le contraire, cette fois, c'était au-dessus de mes forces et c'était mon corps qui le disait.

Ottavia posa une main sur mon genou.

— Avez-vous besoin de voir le Dr. Diop ?

Je secouai la tête.

— N-non... Ça va aller. Je m'attendais pas à ça... Ça m'a secouée plus que je ne l'aurais cru...

— Je comprends. N'hésitez pas à aller à l'infirmerie s'il le faut. Ne vous surmenez pas.

Comprendre ? Comment pouvait-elle comprendre quelque chose que même moi, j'avais du mal à comprendre ?

Je ne savais même pas ce que je ressentais.

De la colère parce que l'homme qui avait été mon père avait caché une partie de qui il était ? De la déception de le découvrir sous un nouveau jour, des années après sa mort ? On n'enterrait jamais tous ses secrets dans la tombe et la vérité finissait toujours par remonter à la surface, même enfouie dans les profondeurs de la terre.

Ou ressentais-je du dégoût parce que l'argent qui nous avait nourri mon frère et moi, venait de la main d'un criminel qui avait eu pour quotidien de charcuter des ventre arrondis ?

Tuer des êtres en devenir ?

Sauf que si demain je tombais enceinte d'un client par accident, accepterais-je de finir ma vie comme mère célibataire, abandonnée et sans véritable logis à part le bordel ? Il était fort probable que j'aille à mon tour l'enlever de mes entrailles pour nous éviter mutuellement une vie d'éternelle souffrance. Si un client faisait un caprice en me fécondant, pourquoi, diantre, je le laisserai ruiner le restant de ma vie ?

LA FLEUR DU MAL [MAFIA ROMANCE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant