Chapitre 76 : La rencontre

208 22 10
                                    

40 ans plus tôt

Giuseppe Speranza n'avait jamais été féru du monde mondain.

Il avait toujours préféré ses bouquins aux gens, rester chez lui dans son petit confort, manger à la même heure chaque soir, dans une routine qui aurait pu être ennuyante pour d'autres, mais qui lui donnait un sens de sécurité pour lui.

Puis il fallait ajouter que sa timidité et son caractère calme et réservé ne l'avaient pas favorisé dans les relations sociales.

De génération en génération, c'était comme ça que les Speranza avaient vécu. Associés à la petite bourgeoisie, ils s'étaient contentés de ce qu'ils gagnaient et n'avaient jamais demandé plus, avec une fierté qui les avait empêchés de se mêler aux autres. Trop riches pour être associés à la classe populaire, mais pas assez pour les vrais aristocrates de la ville.

Chaque héritier était devenu médecin de ville, se transmettant ainsi le titre de père en fils dans un cabinet situé au cœur de Fiore. Giuseppe avait continué cette tradition, n'ayant jamais aspiré à autre chose.

Jusqu'au jour où son chemin avait croisé celui de Vito Verratti, l'homme qui lui avait fait découvrir le vrai monde et qui l'avait inspiré.

L'homme qui avait ruiné sa vie aussi, quand il lui avait brisé le cœur.

Mais comment un bourgeois lettré qui avait fait des études avait pu côtoyer un fils de paysan qui s'amusait à semer le chaos dans la ville ?

La réponse avait tout simplement été le hasard.

Cela avait été le hasard qui avait fait que Vito, vingt ans, s'était effondré dans la ruelle adjacente du cabinet de son père où il travaillait comme apprenti.

Le bruit l'avait alerté et Giuseppe était sorti pour découvrir un jeune homme brun, blessé, à terre, grimaçant de douleur.

Et il l'avait immédiatement reconnu.

Depuis quelque temps, un garçon faisait la une des journaux. Les articles le décrivaient comme un sale voyou des rues qui semait la zizanie. Et il en avait été son portrait craché.

Mais ça n'avait pas arrêté l'apprenti de seize ans, qui avait décidé d'ignorer son statut social et de ce qu'on pouvait lire dans le journal, pour le porter dans le cabinet et le soigner.

Et parce que cet homme, qui avait débarqué sans prévenir, l'avait rendu curieux.

— La blessure n'était pas si profonde, avait déclaré Giuseppe, agenouillé en finissant le bandage sur sa jambe. Mais il faudra la garder immobilisée pour...

Un son entre un grognement, un râle et un rire mauvais s'était échappé du jeune hors-la-loi avant de lui donner un coup de pied pour l'éloigner de lui.

— Pas b'soin. Faudra plus qu'une foutue guibolle pour m'mettre à terre.

Il était ensuite descendu de la table en grimaçant et il avait passé une main sale dans ses cheveux. Sa chemise était tachée de sang, sa salopette foncée était sale, boueuse comme s'il avait été traîné par terre et sa veste avait semblé trop large au niveau des épaules comme s'il l'avait empruntée à quelqu'un... Ou volée.

— Cette « guibolle » risque de s'infecter si vous ne la traitez pas, avait insisté l'apprenti, avec une assurance retrouvée quand il s'agissait de parler médecine. Il faudra changer le bandage aussi.

Le jeune des rues l'avait longuement regardé, agacé et alors qu'il avait cherché quoi lui répondre, la porte du cabinet s'était ouverte à la volée.

LA FLEUR DU MAL [MAFIA ROMANCE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant