Chapitre 52 : Le Studio 19

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Ironiquement, une prostituée et une espionne partageaient un point commun : elles vivaient dans l'ombre.

Si on découvrait qu'un homme marié trompait sa femme avec une fille du bordel, il ferait tout pour la faire disparaître. Les relations adultères existaient depuis la nuit des temps, mais elles se devaient de rester discrètes, au risque de briser des existences avec la cruelle vérité.

De plus, la prostituée était le symbole du déshonneur. Déflorée par des inconnus en échange d'argent, elle n'était pas considérée comme une femme qui méritait de faire partie de la société.

Quant à l'espionne, elle sacrifiait sa vie publique pour vivre dans l'obscurité. Si jamais on venait à découvrir sa véritable identité, l'emprisonnement, la torture ou la mort l'attendaient, au choix.

Je me figeai à sa suggestion et je l'obligeai à me lâcher.

— Nera ? m'appela-t-il, en fronçant des sourcils, quand je fis quelques pas en arrière pour mettre de la distance entre nous.

Luca me voulait à la lumière.

Volpe n'avait spécifiquement rien dit sur les photos, et je devrais pouvoir accepter. Après tout, cela faisait partie du rôle de Nera de se plier aux désirs de Luca. Mais mon véritable moi était confus. J'étais censée être morte. Morte avec mon frère.

Et les morts devaient rester morts.

— Qu'est-ce qu'il y a ? insista-t-il, la voix grave et sérieuse.

Me prendre en photo avec lui... Non pas que ça. Prendre du plaisir, m'amuser avec le fils du Parrain, m'enthousiasmer, comment avais-je l'audace de faire ça quand Raf avait été tué par sa famille ?

J'avais l'impression de cracher sur sa mort.

— Je ne sais pas... Tout le monde sait que vous m'avez recrutée au bordel, tentai-je de dire, en cherchant des excuses. Si jamais... Si jamais on découvre cette photo, on dira que je suis votre ca...

— Vous n'êtes plus au bordel, me coupa-t-il avec un ton autoritaire, toute tendresse disparue. Vous êtes avec moi. Et je ne vous laisserai pas y retourner. Vous faites à présent partie de la Famille, et dans l'organisation, on veille sur les siens.

Mon malaise s'accentua.

Je fais partie de la Famille.

Je savais qu'il avait dit ça pour me rassurer à sa manière, et non me menacer. Mais le choix de ses mots me rappela que je n'étais pas chez n'importe quelle famille lambda.

J'étais chez des mafieux qui pourraient me tuer à tout moment, si je faisais quelque chose de suspicieux.

Quand je gardai le silence, il lâcha un petit soupir et il réduisit la distance entre nous. Son pouce vint faire des petits mouvements circulaires sur ma pommette.

— Nera, continua-t-il, sur un ton compréhensif. Cette photo est pour nous seulement. Je pensais que cela vous ferait plaisir, mais je ne vous oblige à rien.

Une photo... Juste une photo... Une seule petite photo... Ça ne fera de mal à personne, non ?

— Je veux... Bien la faire, si vous insistez, marmonnai-je.

Officiellement, j'avais accepté pour satisfaire son envie. Officieusement ? Son satané massage sur ma joue avait brisé toutes mes barrières, et j'avais été incapable de réfléchir plus. Je m'en voulus même d'avoir cédé aussi facilement, mais un sentiment nouveau réchauffa mon corps entier quand je vis son visage s'illuminer, satisfait, et qu'il embrassa tendrement ma tempe comme récompense.

LA FLEUR DU MAL [MAFIA ROMANCE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant