Chapitre 7 : Rescousse

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Ottavia Mancini allait venir ce soir.

Pearl l'avait annoncé à une poignée d'entre nous, et la nouvelle avait eu le temps de faire le tour du bordel en dix minutes, alors qu'on était samedi soir et que la Maison Rouge avait été assaillie par la classe ouvrière.

L'alcool coulait à flots et les filles se surpassaient pour essayer d'avoir le plus de clients possibles et de pourboires : les hommes étaient pour nous des portefeuilles qu'on pouvait vider avec un sourire, mais aujourd'hui, il fallait briller encore plus.

Pour Ottavia Mancini.

Elle était leur espoir.

Et elle était mon ticket d'entrée pour la Famille.

Si je n'arrivais pas à la convaincre, tout s'arrêterait là.

Ma couverture. Ma vengeance. Ma vie.

Pearl avait voulu me ménager en m'attribuant au salon et la grande salle était remplie de conversation, de brouhaha, de rire gras, de musique.

J'avançai tant bien que mal entre les clients pour débarrasser les tables et je vis plusieurs filles qui étaient assises à côté d'eux ou sur leurs genoux. D'autres étaient debout, derrière eux pour masser leurs épaules et susurrer des mots doux à l'oreille.

Bien sûr, tout ce qu'elles faisaient, la moindre caresse, le moindre baiser, était payant.

Cela faisait quelques semaines que j'étais là et j'étais à présent une habituée de la Maison. Je reconnaissais la plupart des filles avec qui j'avais un rapport cordial, amical - Pearl et Volpe m'avaient conseillé de nouer des relations pour renforcer ma couverture - et je vis Mag s'approcher de moi.

— Ah poulette ! Tu tombes bien ! On avait besoin de renfort. Tu peux t'occuper de la rangée là-bas ?

Elle était une petite blonde joufflue qui avait toujours un sourire espiègle aux lèvres, et ses cheveux ébouriffés ajoutaient à son charme de lionne.

Et elle était surtout celle qui supervisait les nouvelles arrivantes. Ainsi, après Pearl, c'était la deuxième personne que j'avais rencontrée et qui m'avait aidée à m'habituer à la Maison.

— Compte sur moi !

Bien que ce rôle soit une couverture, cela ne changeait pas le fait que j'étais comme elles toutes.

Le monde avait choisi de nous abandonner.

Et chaque jour, c'était une lutte pour la survie.

Je marchai jusqu'à la rangée de tables qui avait besoin de moi. Sourde aux hommes qui blaguaient, riaient, criaient aux prostituées qui performaient sur la petite scène de se déshabiller, j'ignorai les mains qui se baladaient sur mon postérieur, pour me pencher avec mon chiffon.

— Comment tu t'appelles ma coquette ?! cria un client dans mon oreille. Les exotiques sont les meilleures !

— Qu'est-ce que tu sens drôlement bon toi ! s'exclama un autre. Tu me laisserais pas te renifler un peu pour voir ?

— C'est combien pour...

Pense à Raf. Il mérite la vérité. C'est pour lui que tu fais ça. Un jour, tu feras payer les Verratti pour tout ce que tu traverses.

Cette pensée eut un effet immédiat sur mes nerfs, et je détendis mon poing qui tenait le torchon.

Je me fendis alors de mon plus fau... Beau sourire et je laissai le visage d'un homme s'approcher de mon cou pour sentir mon parfum vanillé.

— Pas ce soir, m'excusai-je en essayant de rire et de contrôler ma voix qui tremblait. Pourquoi pas demain, si vous revenez...?

— Quel dommage ! J'aurai bien aimé voir tes mains en action, roucoula-t-il, avant de glisser quelques pièces dans mon décolleté.

LA FLEUR DU MAL [MAFIA ROMANCE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant