Un événement se profilait.
C'était le sujet de conversation des hommes quand j'entrai dans la salle à manger. Ils se servaient de la nourriture dans des marmites que Donna et des domestiques avaient ramenées, excités.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? demandai-je à la cuisinière en la retrouvant à une table.
En me voyant, sa main lâcha la louche qui retomba dans un bruit sourd dans la grande casserole.
— Ma fille ! s'écria-t-elle, folle de joie, oubliant ma question. Quel bonheur de te revoir ! Viens, je vais remplir ton estomac. Après toutes ces journées alitée, tu dois reprendre des forces !
Puis sans que je puisse intervenir, elle se tourna vers les hommes.
— Faites de la place pour la signorina ! ordonna-t-elle à tue-tête. Allez, on se bouge si vous ne voulez pas que ce soit votre dernier souper !
On entendit la majorité râler, mais un groupe d'hommes se démarqua des autres. Ils sifflaient et levaient la main pour attirer notre attention. Quand je les rejoignis, l'un d'eux se leva pour me céder sa place et je réprimai une grimace en les reconnaissant, tout à coup peu encline à dîner avec eux.
C'étaient des hommes de Dante.
Ceux-là étaient plutôt jeunes, entre la vingtaine et la trentaine.
Quand ils ne se moquaient pas ouvertement du fait qu'une femme savait se battre ou quand ils n'enviaient pas mes entraînements avec leur chef – s'ils savaient comment je morflais, ils ne seraient plus jaloux – ils pouvaient de temps en temps se montrer sympathiques.
Pénibles. Bruyants. Lourds.
Mais sympathiques.
Au-delà d'être reliés par le goût pour la baston, il y régnait un sens de camaraderie dans la brigade de Dante, comme une meute de chiens qui se serrait les coudes. Mais je n'oubliai pas ce que ces mêmes types avaient fait à Clemente, le laissant se défendre seul dans une bagarre. Rien que pour ça, ils méritaient ma colère.
Donna me tapota gentiment le dos pour m'inviter à prendre place. Je m'exécutai à contrecœur et quand je m'assis entre deux bruns, on siffla de nouveau.
— La poulette de Dante va manger avec nous ce soir ! Faites sortir l'alcool les gars !
Je demeurai de marbre.
Mais si je voulais des informations, j'allais devoir me secouer le popotin.
Nera existait uniquement pour ça.
Pour être utilisée quand la situation le demandait.
Des rires gras fusèrent mais ils ne durèrent pas longtemps quand Donna remplit mon assiette et qu'elle donna par la même occasion une tapette sur la tête d'un jeune qui se marrait.
— Dis, tu sais vraiment cogner ? demanda mon voisin de droite quand la cuisinière s'éclipsa. Moi j'aimerais bien te voir en action. Jamais vu une catin se bouger autre que dans le pieu.
Un sourire habilla mes lèvres.
Je mis ensuite mon coude sur la table et je posai mon menton sur ma main. Je le regardai ensuite comme s'il était l'homme le plus intéressant de la terre. Tout de suite, je le vis baisser du regard, devenant moins intimidant, comme si je venais de pénétrer sa première défense.
Les hommes adoraient l'attention. Et parfois il suffisait de si peu pour les déstabiliser, une fois qu'on entrait dans leur jeu.
— Tu veux me voir en action ? Intéressant, dis-je, amusée. La plupart des hommes ici ne veulent pas me voir tout court. C'est quoi ton nom déjà ? Silvano ?
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LA FLEUR DU MAL [MAFIA ROMANCE]
أدب تاريخيLa ville portuaire de Fiore est souillée, sous l'emprise de la pègre : jeux d'argent, prostitution, combats clandestins, les activités illégales pullulent depuis plus de vingt ans. Au milieu de tout ça, Nera, une jeune habitante de 23 ans voit sa vi...