Le lendemain de mon congé, la routine reprit son cours au Manoir, à une exception près.
Avec les derniers préparatifs de la Fête de Fiore qui allait avoir lieu à la fin du mois, on avait réquisitionné des mafieux pour les finitions.
Le rez-de-chaussée était plus animé que d'habitude et c'était même assez surréaliste de revoir des hommes de Dante, dont j'avais été témoin de leur violence quand ils allaient intimider des personnes endettées, découper des banderoles jaunes.
— Allez, raconte ! Je veux savoir ! Dis-moi ce que j'ai raté ! m'assomma Cécile.
Nous étions dans le hall d'entrée, en route pour la cuisine, en quête de nourriture pour nos estomacs qui n'avaient pas eu le temps de prendre le petit-déjeuner. Tôt ce matin, Lucia avait pris sa nièce pour aller faire un tour en ville, et nous les avions accompagnées.
À notre retour, Ophelia et Vania avaient pris le relais, et cette dernière m'avait fixée avec son éternel sourire innocent aux yeux de tous, mais que je savais était faux.
Elle n'avait rien dévoilé sur ma relation avec Luca, et je ne l'avais pas encore dénoncée à Andrea, mais on savait toutes les deux que ce n'était qu'une question de temps.
L'une ou l'autre ferait un jour le premier pas.
On ne savait pas quand.
Mais on le ferait.
C'était une guerre de nerf qui se jouait silencieusement entre nous deux.
— Pas grand-chose, les Verratti ont fait une photo, on a marché, on est allé dans un café, puis dans un restaurant, racontai-je en passant devant deux mafieux qui portaient des gros cartons de décoration.
Elle souffla à côté de moi.
— Je voulais tellement partir en week-end aussi ! Je voulais savoir comment était l'ambiance à Trieste ! Ce qui était à la mode ! Voir du beau monde ! Et à la place, j'ai dû aider ces gros bras avec la déco. Regarde mes doigts, se plaignit-elle en me montrant huit doigts recouverts de pansements, avant de se tourner vers les hommes qui l'avaient entendu et qui la fixaient avec un air arrogant. Oui, c'est bien de votre genre que je parle ! Ouste !
Je la regardai, étonnée et admirative.
À première vue, Cécile était la femme coquette qu'on décrivait dans les magazines féminins. Elle adorait le maquillage, les vêtements, les ragots et la raison de sa présence ici était un véritable mystère. Toutefois, elle avait ce petit côté assertif comme Ophelia, ce qui était précieux quand on était chez des mafieux.
Et contrairement à moi qui avais été embauchée comme prostituée puis comme garde du corps, Cécile était endettée à la Famille. Il était fort probable que le prix de sa liberté n'était pas quelque chose de monétaire. À l'inverse de la prostituée qui utilisait son corps pour repayer sa dette, une personne endettée à la mafia donnait quelque chose de plus précieux que de l'argent.
— Ça fait longtemps que tu es chez les Verratti ?
— Mmmmh... Cinq ans ? Six ans ?
Je m'arrêtai dans le couloir et elle rit, amusée par la mine ébahie que je tirai. Elle ne devait pas avoir plus de deux ou trois ans de plus que moi. Ce qui voulait dire qu'elle était entrée dans l'organisation à ses vingt ans. Peut-être moins.
Comment une femme aussi jeune avait pu tomber dans leurs filets ?
Qu'avait-elle fait ?
Qu'avait-elle subi ?
— Six ans ? répétai-je. Et... Il n'y a pas un moyen de partir d'ici ? Je sais bien que les hommes sont soumis au Code de l'honneur. Partir, c'est mourir. Mais les filles d'Ottavia n'ont-elles pas...
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LA FLEUR DU MAL [MAFIA ROMANCE]
Historical FictionLa ville portuaire de Fiore est souillée, sous l'emprise de la pègre : jeux d'argent, prostitution, combats clandestins, les activités illégales pullulent depuis plus de vingt ans. Au milieu de tout ça, Nera, une jeune habitante de 23 ans voit sa vi...