Chapitre 1 : Châtiment

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Décembre 1932

Quand le médecin me conduisit à mon frère, il me fallut deux heures pour me faire sortir de la morgue.

La première heure, je la passais en silence, le regard scotché sur ce visage inconnu.

Incapable de dire si ça avait été autrefois Raffaele.

Car Raf avait été si beau, avec son sourire fin, son teint du soleil et son empathie dans le regard qu'il était impossible que cela soit le visage défiguré et décoloré que je regardais.

Et ça ne pouvait être lui.

Parce que mon frère était en vie.

— Des pêcheurs l'ont trouvé ce matin, au port. Noyer leur victime est une méthode courante dans la mafi...

Je ne l'écoutai pas.

Je restai juste debout à fixer le cadavre, ne comprenant pas moi-même comment tout ça avait commencé. Comment j'étais là, alors que c'était Noël et qu'on aurait dû échanger nos cadeaux, en buvant du chocolat chaud.

Mais quand on me présenta des vêtements sales et ensanglantés dans une boîte, et que mes yeux tombèrent sur le détail ridicule d'un trou dans son pull bordeaux qu'on avait recousu à la main d'une autre couleur, un sifflement bourdonna dans mes oreilles.

Toutefois, aucune voix ne sortit quand je voulus lâcher un cri d'effroi, d'horreur, d'épouvante, en redécouvrant son visage déformé et méconnaissable sur la table d'autopsie.

Il y eut juste du silence à la place.

Le silence des choses qui mourraient sans faire de bruit, comme mon cœur.

— Raf...? articulai-je, une éternité plus tard.

Mon bout de voix s'étrangla et je passai faiblement ma main sur ma gorge nouée.

Je repensai à la veille quand j'aurais dû le retrouver à la maison pour fêter le réveillon après le travail, mais qu'à la place, la résidence avait grouillé d'habitants et de policiers.

Il avait demeuré introuvable.

Et sur ma porte d'entrée, on avait marqué « CASTIGO ».

Avec du sang qui avait eu le temps de sécher.

Châtiment.

Je repensai à cette nuit, au commissariat lorsque j'avais voulu obtenir des réponses, désespérée, et qu'on m'avait juste répondu sur un ton nonchalant, entre deux bâillements et un café à la main :

— C'est l'œuvre de la mafia, signorina. Une bonne femme comme vous ne devrait pas mettre son nez là d'dans. Laissez-nous faire notre travail. Mais si vous voulez mon avis, vous avez tout intérêt à quitter la ville.

Je les avais alors laissés faire leur travail.

Voilà où ça m'avait mené de les écouter.

De leur obéir.

Je voulus crier mais je n'eus pas la force.

Mon frère allait devenir pédiatre.

Et il gisait à présent sur une table ?

Ça n'avait aucun sens.

Il avait été victime de la mafia alors qu'on avait toujours vécu sans problème ?

Ça n'avait aucun sens !

Il allait se réveiller.

Il devait se réveiller.

LA FLEUR DU MAL [MAFIA ROMANCE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant