Chapitre 53 : Secret

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Son étreinte sentait la cigarette. Et je pouvais distinguer son parfum de bois, de musc et d'extérieur. Il y avait une note florale qui adoucissait son odeur.

J'étais allongée sur lui et j'avais la tête sur son épaule, tandis que la sienne était apposée sur l'accoudoir. Un plaid nous couvrait. Des fois, il caressait mon dos. Et je fermais les yeux, me laissant aller contre son torse qui s'abaissait et s'affaissait sous moi.

Il m'avait proposé que nous nous reposions, profitant du fait que sa nièce fasse la sieste à côté et que sa sœur ne soit pas là.

Nous ne parlions pas. Nous profitions juste de la pleine présence de l'autre.

Je me concentrais sur son corps qui touchait le mien. Sur mes doigts qui frôlaient très doucement sa mâchoire pour descendre dans son cou, toucher sa pomme d'Adam et parcourir son torse. Je buvais ses respirations chaudes et profondes qui frôlaient mes cheveux. J'écoutais aussi la légère brise qui s'échappait des portes entrouvertes du balcon et qui sifflait dehors, entre les arbres. Et le summum du confort me gagnait quand il resserrait ses bras autour de moi pour me réchauffer.

— Ottavia m'a dit que vous avez appris à vous défendre à cause des fascistes, murmura-t-il plus tard.

C'était un mensonge absolu mais je ne laissai rien paraître.

— Ce n'est donc pas la première fois que ce genre de choses arrive, poursuivit-il, lugubre.

— Non, admis-je et ça, c'était la vérité.

Je sentis ses muscles se tendre et je levai la tête vers lui.

Il semblait préoccupé. Et pour le meilleur ou pour le pire, détendre un homme, c'était mon domaine d'expertise.

— Mais ce n'est rien, murmurai-je gentiment en déposant un baiser dans son cou. À part des mots mesquins ou des mauvaises blagues, je n'ai jamais été agressée.

Ma bouche remonta ensuite lentement sur sa peau et j'embrassai sa mâchoire tendue.

Il lâcha un profond soupir et je sentis son cœur battre un peu plus vite sous ma paume sur son torse.

— J'ai passé ces dernières années à Boston. On était loin de la montée en puissance de ces dictateurs en série, expliqua-t-il. J'aurais dû savoir que ce genre de choses pouvait arriver.

— Et... C'était comment Boston ? demandai-je, pour changer de sujet.

Un petit sourire écarta enfin ses lèvres.

— Folklorique et grisant. La libération des mœurs n'a jamais été plus excitante qu'aujourd'hui, quand on sait que c'est interdit.

Je l'observai, intriguée et à la fois envieuse.

— J'imagine que vous avez aimé votre vie là-bas ?

— Je vous aurais dit oui. Je suis parti après la mort de ma mère. J'avais besoin de changer d'air, mais...

Son expression s'assombrit et je sentis ses mains me serrer plus fort.

— Je ne peux pas m'empêcher de me demander si les choses se seraient passées différemment si j'étais resté, avoua-t-il, durement. J'aurais été aux côtés de Lucio. Peut-être qu'on aurait pu éviter sa mort. Et Lucetta aurait encore eu...

Il n'acheva pas sa phrase. Il n'en eut pas besoin. La culpabilité et la douleur étaient marquées dans tous ses traits.

La culpabilité du vivant.

Il avait dû se faire de nombreux scénarios pour s'imaginer une existence, une possibilité où, s'il s'était impliqué, son frère serait encore vivant aujourd'hui. Et il avait dû se briser à chaque fois un peu plus, en réalisant qu'on ne refaisait pas le monde avec des si, et que son frère ne reviendrait pas.

LA FLEUR DU MAL [MAFIA ROMANCE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant