Chapitre 56 : Test

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Du bout des doigts, je frôlai très doucement le front de Clemente. On avait dû lui donner quelque chose pour qu'il s'endorme. Malgré ses blessures, ses bleus, ses côtes recouvertes de bandage, il somnolait paisiblement. Et dans son sommeil, son âge le trahit.

Il était atrocement jeune.

Il m'avait dit qu'il avait dix-sept ans, mais il avait encore des traits d'enfant. Sa peau était imberbe, et ses cheveux bouclés qui retombaient sur son front lui donnaient un air d'ange. En l'observant distraitement, je repensai à ma conversation avec Liz qui avait disparu dans la réserve.

— Vous savez ce qu'il a volé ?

J'avais fait tous les efforts du monde pour garder ma voix calme et paraître à demi-intéressée, comme si nous parlions de potins. Et non quelque chose de crucial, vital, dont les réponses impacteraient ma vie.

— Eh bien, avait-elle commencé en désinfectant ses pinces métalliques. Certains disaient qu'il aurait volé de l'argent, d'autres un trésor, des bijoux, un sac d'émeraude, des agates. Ça a été le sujet de nombreuses spéculations, mais c'était un bien inestimable du Parrain qui...

— Non !

Je n'avais pu m'empêcher de crier, plus fort que moi, en écoutant l'énumération de ces richesses, absolument révoltée.

Parce que ça avait juste impossible.

Où avait été l'argent alors ? Où avaient été les dîners copieux pour nous remplir la panse ? On aurait vécu dans une grande et belle demeure, dans une villa, un palace même, au lieu de l'appartement dans lequel on avait vécu dans la discrétion avec des voisins exécrables qui m'avaient abandonnée, préférant critiquer Raf à sa mort au lieu de m'aider.

Mon père n'avait jamais été riche.

Liz avait levé la tête vers moi, surprise par ce cri véhément et j'avais tenté de me rattraper :

Noooon...? avais-je répété en jouant avec mon intonation pour feindre la surprise. Comment pourrait-on oser voler Don Vito ? Et personne ne sait ce qu'il a pris alors ?

— Personne.

Sachant que je n'allais rien tirer de plus d'elle, j'avais abandonné la conversation. Peut-être que le Dr. Diop aurait su un peu plus, mais poser trop de questions, m'aurait rendue suspecte : pourquoi une catin de la Maison Rouge qui n'avait aucun lien avec l'organisation, cherchait à tout prix des infos sur le premier médecin de la Famille ?

Mes doigts décalèrent gentiment ses boucles. Je pris ensuite une serviette propre posée sur la table de chevet, et je tamponnai le front et le cou de Clemente en sueur, des gestes que je devais à mon frère. Il avait toujours pris soin de moi quand j'avais été malade, allant jusqu'à manquer l'université pour rester à mes côtés.

Il m'avait été loyal comme Clemente avait toujours été loyal à l'organisation et à ses collègues. Et voilà comment on le remerciait. On le laissait se faire battre et on se moquait de lui parce qu'il était revenu au manoir en vie. Ces mafieux qui adoraient la baston, prêts à cogner sur n'importe qui, n'étaient pas mieux que des animaux sauvages.

Ils ne connaissaient rien à la véritable survie et je sentis mon sang pulser violemment dans mes oreilles quand je me remémorai dans quel état j'avais vu Clemente avant qu'on le soigne. Même Dante ne lui avait donné aucune chance.

S'il restait dans sa brigade, Clemente ne tiendrait pas l'année.

Il fallait faire quelque chose.

En toute honnêteté, je voulais me dire que je ne savais pas pourquoi j'étais aussi remontée pour lui. Pourquoi je voulais le savoir en sécurité, en lieu sûr, et qu'il n'ait plus à revenir dans cet état.

LA FLEUR DU MAL [MAFIA ROMANCE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant