Chapitre 41 : Candeur

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Aussitôt retournée au manoir, une employée de maison vint me trouver pour m'annoncer que Luca m'attendait dans la cuisine.

Et à la mention de son nom, j'avais senti mon estomac se retourner, nerveuse, maintenant qu'il m'avait déjà vu nue.

Pourtant, Dieu savait qu'il était loin d'être le premier homme à m'avoir vu nue.

J'avais entretenu des clients que j'avais dû croiser à nouveau, le lendemain soir, quand ils cherchaient une autre prostituée.

Si au début on se sentait honteuse, parce que la part humaine en nous, celle qui ressentait encore des émotions, pouvait nous faire culpabiliser en nous disant « tu n'as pas été assez bonne pour qu'il te reprenne », on finissait par s'y habituer. À ce que les hommes volent notre pudeur et fassent semblant de ne pas nous reconnaître. Et finalement, on acceptait que cela fasse partie du travail.

De s'adonner complètement et d'être jetée sur le côté comme un vêtement usé.

Mais hier soir ?

Ça avait été différent.

Il m'avait vu nue et il ne s'était rien passé. Il m'avait vu dans mon état le plus vulnérable et il n'en avait rien fait. Il ne s'était pas moqué. Il n'avait fait aucune remarque.

Et ironiquement, je n'avais jamais connu quelque chose d'aussi intime avec un homme alors qu'il n'y avait rien eu de charnel.

C'était précisément ça qui me perturbait.

Quand on arriva dans la cuisine, on entendit des rires et je reconnus les voix de Donna et Luca.

— Je me souviens encore quand Levana courrait derrière toi quand tu ne voulais pas t'habiller !

— Donna, que faites-vous donc en remettant ces anecdotes sur le tapis ? N'était-ce pas Ottavia qui m'avait capturé d'ailleurs ? Elle n'avait aucune pitié pour nous trois.

J'entrai dans la cuisine rustique où des odeurs d'un repas qui mijotait vinrent accueillir mes narines. Des casseroles et des herbes sèches pendaient au-dessus des plans de travail. Donna essuyait énergiquement des casseroles pendant qu'elle discutait avec le fils du Parrain.

Ce dernier était adossé contre le chambranle d'une des grandes portes ouvertes, qui donnaient accès sur les jardins du manoir.

Avant même que l'employée m'annonce, la cuisinière fut la première à me remarquer.

Ses yeux s'ouvrirent en grand, ravie.

Et j'en fus dépitée.

Comment pouvait-on sourire à une meurtrière ?

— Oh ma chérie ! Ne reste pas plantée là ! s'exclama-t-elle en posant bruyamment sa casserole et son torchon sur le plan de travail et en courant vers moi. Ma pauvre fille, Luca m'a raconté ce qu'il s'est passé. Viens là, je vais remplir ton estomac. Il n'y a pas mieux que la nourriture quand on ne se sent pas bien !

Je n'eus pas le temps de lui répondre qu'elle se mit derrière moi et avec ses deux mains sur mes épaules, elle m'avança jusqu'à la petite table rectangulaire, face au jardin, où des couverts avaient été dressés.

Je croisai les yeux bleus de Luca qui nous observa sans un mot, avec un petit sourire moqueur.

Absolument rien dans son visage ne trahissait la faiblesse qu'on avait partagée hier soir.

— Tu as faim, j'espère ? m'interrogea Donna en posant affectueusement sa main sur le haut de mon dos.

Elle me traitait comme si j'étais sa fille.

LA FLEUR DU MAL [MAFIA ROMANCE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant