Chapitre 29 : Sacrifice

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On disait que le Parrain avait créé son organisation à la vingtaine, en partant de rien. Et comme me l'avait dit Luca, ça avait commencé par le service à la personne, aussi bien dans la légalité que dans l'illégalité : de l'aide pour un nettoyage ? Venez chez les Verratti. De l'aide pour nettoyer quelqu'un ? Venez chez les Verratti.

Si vous n'aviez pas d'argent, ce n'était pas grave.

Vous pouviez payer en nature ou en dette. Puis un jour qui pouvait ne jamais venir, le Parrain ferait appel à vous.

Et les bienfaiteurs étaient comme des dieux : on les ignorait jusqu'à ce qu'on avait besoin d'eux.

Toutefois, si on le craignait comme la peste aujourd'hui, c'était à cause d'un événement qui avait marqué la ville de Fiore par le sang.

La Guerre des Trois Clans.

À l'époque où Fiore avait été partagée en trois territoires, les Verratti, les Lombardi et les Fontano, une guerre avait éclaté pour réclamer le titre du Parrain de Fiore.

Elle avait duré six ans.

Pour y mettre fin, Don Vito avait épousé une Lombardi et avait fait un bain de sang des Fontano, ne laissant aucun survivant.

Et cet homme était devant moi.

À ses côtés, se tenait Luca, la mine fermée. Et derrière eux, les cinq Capos des brigades étaient positionnés en ligne : Riccardo, Gregorio, Andrea, Armando et Dante. Un peu à l'écart, il y avait Ottavia et Donna.

Le Parrain leva lentement sa main et le brouhaha se transforma en silence.

Mais même quand le calme revint, mes oreilles continuèrent de siffler.

Vito Verratti était loin de l'homme qu'il avait été dans le portrait de famille. Le temps l'avait rendu moins imposant, fragile, tous ses cheveux étaient désormais blancs et il avait un teint blafard. Ses yeux regardaient l'assemblée, vitreux, loin de son regard ferme et pénétrant.

Le Parrain était devenu un vieux croûton affaibli.

Si je n'avais pas été face à lui, j'aurais lâché un rire sarcastique et désillusionné, mais je restais aussi stoïque qu'une tombe, sous le choc absolu.

C'était cet homme qui possédait Fiore.

Et je réalisai avec amertume qu'on avait été effrayé par une chimère. Tétanisé par ce qu'on ne voyait pas. On avait été soumis aveuglément à cette entité nommée le « Parrain » alors que c'était juste un vieillard qui pourrait tomber si on le poussait.

C'est cet homme-là qui est responsable de la mort de Raf ? C'est une blague hein ?

Un homme âgé parcourut l'étage et passa devant les Capos pour aller parler au Parrain.

Et je savais qu'il y avait une seule personne qui pouvait avoir l'audace de faire ça.

C'était le Consigliere.

Je sentis chaque particule de mon corps, chaque once de ma peau, chaque goutte de mon sang bouillir sous mes poils qui se hérissèrent, bouillir de haine et d'incompréhension.

Cet homme était celui qui avait assisté aux funérailles de mon père, quand Raf et moi étions partis. C'était lui qui avait posé une rose sur sa tombe.

Les faits étaient là, devant moi, impossible à nier.

Ma famille avait eu des liens avec les Verratti. Du moins, assez pour que le Consigliere de Don Vito vienne payer « ses respects » à mon père, et pourtant, ils avaient été les mêmes à enlever mon frère et le noyer.

LA FLEUR DU MAL [MAFIA ROMANCE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant