Vêtue d'une chemise blanche, d'une veste et d'une jupe noire qui s'arrêtait à mi-mollet, je retins une grimace en voyant la distillerie devant moi.
C'était le lieu de ma toute première mission.
Et la première chose qui me frappa fut l'odeur très forte, lourde, intense, de la fermentation qui inonda mes narines et me donna l'impression de se coller à ma peau. Ajoutée à cela, la chaleur estivale de la fin du mois de juin tapait sans relâche, rendant l'atmosphère étouffante.
Fabrication, production, métallurgie : nous étions dans la plus grande zone industrielle de Fiore, réservée aux ouvriers, tenue à l'écart de la population.
En contrepartie, les dépôts de fumées qui s'y échappaient tombaient sur le quartier qu'on appelait la Cité de Suie. Et ce n'était pas un hasard si c'était là que le bas peuple, les prostituées de rue, les travailleurs en difficulté, les pauvres, les étrangers trouvaient refuge. On ne les chasserait pas. À quoi bon ? Ils allaient probablement crever d'une maladie dans une ou deux décennies à cause de la fumée.
À notre arrivée, une cinquantaine de personnes couraient à droite et à gauche, gueulant dans tous les sens, entre mafieux et ouvriers. L'endroit n'appartenait pas aux Verratti, mais la distillerie, si. C'était même un de leurs business légaux, leur rapportant des sommes astronomiques.
L'urgence avait commencé par un accident à l'usine. Un des responsables avait appelé la Famille pour signaler un dysfonctionnement dans les valves. De ce dysfonctionnement, avaient suivi des fuites de liquide et de fumée. On avait alors demandé aux Capos et à Ottavia de mobiliser des personnes pour aider à l'évacuation, le temps que le problème soit résolu.
Mais leurs mines sombres à l'annonce les avaient trahis : c'était tout sauf un accident.
Pour eux, l'usine avait été sabotée.
Je suivis Ottavia, Ophelia et Vania un peu en retrait, peu encline à être à leurs côtés. Ophelia avait râlé quand Ottavia avait annoncé que j'allais participer à cette mission.
— On ne peut pas faire confiance à des filles de mauvaise vie ! avait-elle rouspété, devant moi, sans gêne.
Toutefois, je pouvais comprendre l'existence de cette animosité pour mon travail.
Ma profession brisait des mariages. Ma profession faisait voler en éclats l'amour et l'innocence des jeunes mariées qui croyaient sincèrement aux promesses de fidélité jusqu'à la mort, comme je l'avais été autrefois.
Mais l'amour était une illusion.
L'amour sincère, authentique et pur, était une chimère. Quelque chose qu'on ne pouvait ni voir ni toucher.
Alors comment attester que c'était réel ? Les mensonges de l'un, feraient le bonheur de l'autre. Et les secrets ? Que le Diable vienne en aide à ces pauvres âmes. Si seulement elles avaient conscience d'un cinquième des secrets que certains nous déballaient au lit.
Et quant à Vania, comment dire...
Mon intuition ne l'aimait pas. Elle m'avait rien fait pourtant, elle pouvait être souriante comme un cœur, mais une part de moi la trouvait trop parfaite.
Et j'avais réalisé que j'étais jalouse.
Et je haïssais cette hideuse émotion qui s'insinuait dans mes pensées, et me faisait fixer, envier, tout ce que je n'avais pas. Quand elle souriait, charmante, elle était admirée. Quand je souriais, on me dévisageait pour condamner l'usage de mes charmes.
Nous étions le jour et la nuit.
— Vos équipes ont déjà été constituées, nous informa Ottavia en marchant énergiquement jusqu'à l'entrée de la distillerie. Vous serez chacune accompagnée de deux hommes de Dante.
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LA FLEUR DU MAL [MAFIA ROMANCE]
Historical FictionLa ville portuaire de Fiore est souillée, sous l'emprise de la pègre : jeux d'argent, prostitution, combats clandestins, les activités illégales pullulent depuis plus de vingt ans. Au milieu de tout ça, Nera, une jeune habitante de 23 ans voit sa vi...