Chapitre 51 : Trieste

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J'admirai la vue défiler à travers la vitre, impressionnée par le paysage. Les quartiers résidentiels avaient laissé place à des zones industrielles, et ces zones venaient d'être remplacées par la campagne et ses grandes plaines.

C'était la première fois que je quittais Fiore et je n'étais pas la seule bouche bée.

Lucetta, en face de moi, admirait le ciel bleu et ses nuages paisibles, la bouche légèrement entrouverte. On avait mis trois coussins sous son postérieur pour qu'elle puisse voir l'extérieur.

À côté de nous, Luca échangeait avec Lucia et Ophelia. Et des gardes du corps étaient assis dans l'autre rangée.

Après notre retour au manoir à l'aube, Luca et moi, on s'était séparé pour se retrouver quelques heures plus tard, dans le hall, avec Ottavia et Ophelia.

Lui et moi, on s'était salué comme employé et employeur, et il ne m'avait plus accordé un autre regard.

Absolument personne n'aurait pu imaginer que nous avions passé une nuit de folie ensemble, dans un hôtel de prestige. Toutefois, on aurait pu observer des légers cernes et des traces de fatigue inhabituelles sous ses yeux, ainsi que les miens. Mais pour moi, ce n'était pas flagrant.

J'étais constamment fatiguée.

Ottavia nous avait expliqué que Luca avait organisé ce week-end pour que sa sœur puisse se changer les idées, et que Lucetta quitte cette demeure étouffante.

J'avais ainsi fait personnellement la rencontre de sa sœur, qui m'avait dit :

— Il paraît que c'est grâce à toi que j'ai encore un frère... Tu as ma gratitude.

— Non, c'est un honneur.

Peu loquace avec les pions de l'organisation, la conversation s'était arrêtée là.

Deux heures plus tard, nous étions arrivés à la gare de Fiore et on avait évité la foule grâce à des privilèges des Verratti. Des employés étaient venus nous chercher et on s'était occupé de nos quelques bagages, avant de nous faire monter en première classe.

L'émerveillement qui avait suivi et que j'avais contenu devant les autres, m'avait fait oublier le réveil difficile de ce matin.

Je n'avais jamais pris le train, mais cela avait été le cas pour Raffaele qui avait dû passer des concours de médecine à la capitale. À son retour, je l'avais assailli de questions, mais tout ce qu'il m'avait répondu, ça avait été :

— Inconfortable. Tu as juste envie d'arriver vite. Le paysage était agréable, par contre.

En découvrant l'intérieur du wagon, j'avais réalisé qu'il avait dû voyager dans une classe inférieure pour qu'il puisse dire ça.

Le traitement qu'on nous réservait était tout le contraire d'inconfortable.

Les deux rangées étaient espacées pour permettre de marcher dans le couloir sans se bousculer. Les parois boisées étaient polies et brillaient. À la place des banquettes, il y avait des fauteuils rembourrés en velours bleu foncé. Les rideaux épais qui entouraient les grandes fenêtres avaient été attachés et la lumière de l'extérieur illuminait le luxe du wagon.

Il y avait même des petites tables avec des livres, des journaux et des postes de radio pour se divertir.

Tout avait été pensé pour offrir le confort maximum au voyageur et, installée dans un fauteuil, j'admirais l'extérieur.

Je ne participais pas à la conversation. Je n'en avais pas le droit. En public, je n'étais pas l'amante de Luca, mais un pion comme les autres qui devait respecter la hiérarchie.

LA FLEUR DU MAL [MAFIA ROMANCE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant