Chapitre 54 : Assoiffée

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Le reste du week-end se passa dans une ambiance étrange et je savais que c'était à cause de moi.

Après le dîner au restaurant, samedi soir, Lucia était venue toquer à ma chambre et j'avais eu le malheur de lui ouvrir, pensant que c'était son frère qui était venu me rendre une visite nocturne. Je m'étais tout de suite figée, mal à l'aise, mais elle nous avait épargné à toutes les deux plus d'embarras, en allant droit au but.

— J'ai perdu mon jumeau... Mais je ne laisserai personne me prendre mon petit frère aussi.

Elle m'avait regardée avec froideur, mais je savais que derrière son regard de glace, se cachait la même souffrance qui avait déformé ses traits, devant le studio du photographe.

— Et je sais où il t'a recruté. Sache que je n'ai rien contre toi. Mais dans la famille, on a déjà assez donné avec les prostituées.

J'avais contenu tout sentiment et je n'avais rien laissé paraître. Mais Luca n'avait jamais mentionné l'existence d'une autre poule dans la Famille et c'était définitivement quelque chose d'étrange.

— Donc si tu éprouves ne serait-ce qu'un minimum de respect pour lui, tu le quitterais.

— Pourquoi...? avais-je presque chuchoté, l'incompréhension me gagnant. Nous... Nous ne faisons rien de mal.

Je lui avais sincèrement posé la question, désireuse de comprendre pourquoi cela la gênait tant que ça que son frère voit une femme. Et cela n'avait aucun sens. Quand les hommes faisaient la guerre, on les condamnait. Quand ils faisaient l'amour, on les condamnait encore.

Ce n'était pas comme s'il était marié. Ou s'il avait quelqu'un dans sa vie. Et nous ne faisions pas l'étalage de notre relation en public. Nous restions très discrets pour éviter toute rumeur sur nous.

Nous avions bien évidemment échoué si la sœur de Luca venait me faire des remontrances au beau milieu de la nuit, mais la relation que nous entretenions, ne concernait que nous.

Et Volpe.

Que. Nous.

Et la garde.

QUE. NOUS.

— Pourquoi ? Pourquoi ?! avait-elle répété plus fort, en agrippant mon épaule et en enfonçant ses ongles dans ma peau, et j'avais eu peur que sa voix perçante réveille les autres. Parce que je sais ce que les femmes comme toi font ! Elles prétendent aimer un homme pour profiter de leur richesse ! Puis un jour, tu le quitteras quand tu auras tout eu de lui ! Et Luca ne peut pas se permettre d'avoir le cœur brisé ! Pas maintenant !

Pour la seconde fois, j'avais gardé le silence, parce qu'elle avait raison et que je n'avais pas eu la force de nier.

Un jour, je lui prendrai tout.

Un jour, je le quitterai.

Et cette pensée m'avait tenue éveillée toute la nuit, car j'avais senti mon cœur se compresser, perdu, confus, et désespéré dans l'océan de mes émotions. Mes sentiments avaient changé. J'avais changé. Et l'idée que je puisse faire du mal à cet homme qui me comblait d'attention et de tendresse, m'avait tétanisée au plus haut point.

*

J'entrai à la Maison Rouge et je pris les escaliers.

À notre retour de Trieste, on m'avait accordé un jour de repos et j'avais discrètement appelé Caterina pour faire mon rapport. Elle m'avait dit que cela tombait bien, car Volpe voulait me voir et j'avais senti mon sang se glacer dans mes veines.

À sa mention, je m'étais rappelée du laboratoire abandonné et ce que nous avions fait.

Ce qu'il m'avait fait faire.

LA FLEUR DU MAL [MAFIA ROMANCE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant