Chapitre 73 : Famille

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— On est arrivé, m'informa le chauffeur. Ils sont là-bas.

Je jetai un œil à ma vitre et je vis Luca et Lucia discuter à côté d'un étalage d'objets en porcelaine, au marché de Noël du territoire. Lucetta tenait la main de sa tante et elle était en train de manger une part de gâteau, du pandoro, en regardant distraitement les guirlandes de Noël.

À une quinzaine de mètres d'eux, dans la foule, je reconnus des hommes de Riccardo qui gardaient un œil sur les alentours.

J'ouvris la portière et mes talons rencontrèrent le pavé qu'on avait déblayé de la neige. Je quittai la voiture et j'inspirai profondément pour faire disparaître la boule de nervosité qui m'avait gagnée, depuis qu'on m'avait demandé de rejoindre Luca en ville.

Lui et moi, nous nous n'étions pas revus depuis notre face-à-face.

Il avait été quasiment absent pour s'occuper de l'organisation de l'anniversaire et des affaires de la Famille.

Et le réveillon était dans cinq jours.

On ne parlait que de ça au manoir, qui avait été plongé dans la magie de Noël. Le hall avait été grandement décoré et j'avais repéré pas moins de quatre sapins dans les salles à manger. Chaque jour, Donna adorait préparer différents sablés et quand je descendais dîner, je sentais la vanille et la cannelle adoucir l'odeur âcre du tabac que les mafieux hauts-gradés fumaient dans les salons.

Les mains dans les poches de mon manteau, je les rejoignis.

Les rues du marché étaient encombrées de stands de nourriture. Les marchands proposaient des chocolats ou des vins chauds, l'odeur du pain d'épice voyageait dans nos narines et les enfants criaient et riaient, excités, quand ils apercevaient une vitrine de jouets.

Et rien de tout ça ne me concernait.

Je ne ressentis ni joie ni enthousiasme, car Noël était pour moi le rappel constant et vivide de ce qu'il s'était passé l'an dernier. Quand les gens avaient célébré la fin d'année, j'avais été dehors dans le froid, perdue.

Seule.

En arrivant près des Verratti, Lucetta fut la première à me remarquer.

— Ne'a, souffla-t-elle d'une petite voix douce, avec des miettes autour de la bouche.

Ma bouche lui sourit.

Depuis Trieste, il semblerait qu'elle eût pris à cœur l'apprentissage de mon nom.

— Bonjour Lucetta. Signore, signora, dis-je ensuite quand Luca et Lucia se tournèrent vers moi.

Si Luca demeura imperturbable, Lucia fronça des sourcils.

Elle jeta un petit regard à son frère, mais il ne le remarqua pas. En sa présence, elle semblait vouloir dissimuler son déplaisir de me voir, mais sa mine fermée ne me laissa aucun doute ; elle n'avait pas changé d'avis sur moi.

Qu'elle ne s'inquiète pas, je n'avais pas oublié sa visite nocturne non plus. Puis son vœu sera bientôt exaucé : je quitterai son tendre frère. En revanche, pas sûre qu'il soit encore en vie quand je le ferai.

— Lucia, on se rejoint ce soir ? J'ai quelque chose à faire.

— Je vois ça, répondit-elle sur un ton acrimonieux.

Elle commença à tourner les talons en tenant toujours la main de sa nièce, mais je vis le regard de cette dernière passer de Luca à moi, plusieurs fois.

— On se voit tout à l'heure, ma princesse, lui dit chaudement son oncle en sortant un mouchoir pour nettoyer ses lèvres.

Il lui fit ensuite un clin d'œil et elles nous laissèrent. Luca fit un signe de tête aux gardes du corps plus loin et le groupe se divisa en deux.

LA FLEUR DU MAL [MAFIA ROMANCE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant