Chapitre 39 : Sang

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Du sang.

Je ne voyais que le sang.

Je ne savais même comment j'avais fait pour revenir au manoir. Je n'en avais aucun souvenir. Mon cerveau avait été obnubilé par les yeux d'Enzo grands ouverts, qui m'avait fixé pendant que je le massacrais, préférant être témoin de chaque seconde de mon atrocité.

Chancelant, la tête qui tournait, je m'étais réfugiée dans la salle de bain pour laver mes mains, mais il avait suffi d'un coup d'œil sur elles pour que je perde absolument toutes mes capacités.

Un cri effroyable s'était échappé de mes lèvres et puis je m'étais mise à frapper mon propre crâne comme si cela allait m'aider à enlever l'image de son visage dans ma tête.

Ça n'avait pas fonctionné, bien sûr.

Et il resterait dans ma tête.

Parce que j'avais tué.

J'avais vraiment tué.

Combien de fois avais-je crié vengeance et par arrogance, avais-je pensé à trucider des personnes qui m'énervaient ? Combien de fois avais-je dit à Volpe que j'étais prête à tout quitte à me salir les mains ? Parce que la justice pour mon frère passait avant tout ?

La vérité était tout autre.

La vérité, c'était qu'on ne savait pas de quoi on était vraiment capable avant de passer à l'acte. Et c'était une fois qu'on prenait la vie de quelqu'un qu'on réalisait qui on était vraiment.

Que l'horreur de l'humanité, sa part sombre et atroce qu'on retrouvait chez les autres et qu'on condamnait, était aussi en nous.

J'avais été pleine de paroles en l'air, de menaces vides de sens, aveuglée par la colère.

Et avec à peine un regard sur ma peau, tachée par son sang qui avait séché, j'étais devenue une épave, un légume, une loque.

Ma respiration s'était accélérée. Vite. Très vite. Trop vite. J'avais manqué d'air. Mes poumons n'avaient plus été suffisants pour contenir mon souffle. Incapable de calmer la panique qui m'avait submergée, la salle de bain avait commencé à bouger et le moment d'après je m'étais découverte par terre, réveillée par la froideur et la dureté du sol contre ma joue.

Je ne m'étais souvenue de rien encore une fois. Ni quand mes jambes avaient lâché. Ni quand j'avais fermé les yeux. Mon esprit s'était brisé, ma mémoire éparpillée, déchirée et ce soir, elle n'allait pas m'aider. Ce soir, elle serait ma conscience. Ce soir, elle m'obligerait à me rappeler ce que je n'aurais jamais dû faire.

Recroquevillée, la tête dans mes genoux, inspirant, expirant, inspirant, expirant, avec sa voix qui me revenait et me suppliait de baisser mon arme, je me sentis... Détruite.

À chaque fois, quand je pensais que j'avais vécu le pire, on me rappelait qu'il existait encore pire. Alors quand, quand cette souffrance constante s'arrêterait ?

— Jamais.

Je levai immédiatement la tête, le souffle coupé et il me fallut quelques secondes pour réaliser que cette voix venait de ma tête.

Ah...

Ha... Ha... Ha !

Un rire brisé, bref, désabusé, délirant, quitta mes lèvres.

C'était vrai. Elle ne s'arrêtera jamais. Pas après aujourd'hui. Parce qu'elle était méritée.

Je mordis ma lèvre pour réprimer un sanglot brûlant, étouffant, qui suffoquait lui-même dans ma gorge et qui ne demandait qu'à sortir. Pour réprimer un hurlement aussi et combler ce silence dans la pièce et ne plus entendre le bruit dans ma tête.

LA FLEUR DU MAL [MAFIA ROMANCE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant