- On est des professionnels, assura la voix de l'homme qui m'étranglait il y a peine quelques secondes.
- Permettez-moi d'en douter, Enrique, répliqua le professeur Kendra en s'avançant vers eux.
Elle était elle aussi munie d'une mini-lampe de poche qu'elle tenait à la main, restant ainsi volontairement dans l'ombre. L'homme qui avait tenu mes poignets dans l'étau de ses mains se tourna vers elle et émit un son rageur.
- Qu'est-ce que vous insinuez ? gronda-t-il en se rapprochant d'elle, l'air menaçant.
- Sam, n'essayez pas de m'impressionner, je vous en prie, fit-elle en se tournant vers lui avec un soupçon de mépris dans la voix. Même si vous êtes bien plus baraqué que votre ami Liam ici présent – je me demande d'ailleurs pourquoi vous l'avez amené ici, celui-là –, vous n'en restez pas moins un simple d'esprit.
- J'ai le sang-froid et la jugeote qui lui manque, ne vous inquiétez pas, s'agaça l'homme qui avait eu tant de mal à me maintenir les jambes.
- Alors dans ce cas, pourquoi ne faites-vous pas remarquer à Sam qu'il y a derrière moi toute une équipe prête à agir au premier signe de violence de la part de l'un de vous quatre ? lui fit remarquer la jeune femme avec un franc mépris dont elle ne se cachait pas cette fois. Allez, c'est inutile de vous vexer pour si peu de chose. Nous avons du pain sur la planche, je vous signale. Votre travail n'est pas encore tout à fait fini, il me semble.
- Hélène, vous n'avez pas le droit de saboter nos efforts...
- Taisez-vous Matt ! le coupa-t-elle sur un ton cassant. Premièrement, j'ai absolument tous les droits en ce qui vous concerne. Deuxièmement, ayez la décence de m'appeler par mon titre. Nous n'avons pas élevé les cochons ensemble, je vous rappelle.
- Heureusement pour moi, marmonna-t-il dans sa barbe.
- Maintenant que tout est dit, vous pourriez peut-être l'amener en salle de travail ? prit-elle le parti de l'ignorer.
- Pourquoi, elle va accoucher ? rigola bêtement Sam, imité par Liam.
- Non, c'est un terme que l'on emploie pour que cela reste accessible à des gens de votre niveau, rétorqua-t-elle en s'éloignant. Je pars devant, messieurs. Ne traînez pas, je n'ai pas que ça à faire.
Hélène – cela me fit bizarre d'attribuer pour la première fois de ma vie un prénom à cette femme – repartit par où elle était arrivée, dans l'ombre.
- Elle se prend pour Dieu le père ou quoi ? grogna Matt, l'air vexé d'avoir été ainsi rembarré.
- Elle est toujours comme ça à ce que m'a dit Eli, le réconforta Liam.
- Elijah a déjà eu affaire à cette femme-là ? intervint Sam, admiratif. Ça a dû donner.
- Ouais, il est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, lui, affirma son ami. Il l'a remise à sa place vite fait bien fait, la dernière fois. Il a au moins autant de répartie qu'elle.
- Je hais cette femme, conclut le dernier membre du quatuor.
- T'inquiète pas, Ric, elle nous fichera la paix après qu'on se soit occupé de la petite dernière... qui a l'air de s'être calmée, on dirait.
Liam avait en effet visé juste. Depuis l'entrée en scène du professeur Kendra, je m'étais figée, n'arrivant pas à croire ce que je venais d'entendre. Que cherchait-elle à faire ? Si c'était pour me donner des réponses, elle avait vraiment une drôle de manière de s'y prendre. Se pouvait-il qu'elle m'ait menti ? Bien sûr, pensai-je sans hésitation. Cette femme m'aimait autant que je l'aimais, c'est-à-dire vraiment pas beaucoup, si ce n'était pire. Mais que comptait-elle faire de moi dans ce cas ? Me tuer ? Me torturer ? Et puis, qu'avait-elle entendu par « salle de travail » ? Même si j'étais loin d'avoir trouvé intelligente l'intervention de Sam tout à l'heure, cela avait également été ma première pensée. Aussi, je n'essayais plus de bouger, n'osant imaginer ce qui m'attendait. Le pire n'avait pas l'air d'être à craindre de ces quatre-là apparemment, mais plutôt de ma tutrice. Quoique, ils pourraient toujours se révéler n'être que ses instruments dans je ne savais quelle opération tordue tout droit sortie de la cervelle étriquée et détraquée de cette bonne femme.
La panique me faisait réfléchir différemment qu'à l'accoutumée. Une haine sourde commençait à m'envahir contre le professeur Kendra et je lui souhaitais de ne pas se retrouver dans une situation où je l'aurais sous la main, à ma merci.
- Ça marchera peut-être pas cette fois, observa Liam. Elle s'est vachement vite calmée. Ça peut influer.
- Tu vois pas la panique dans ses yeux ? lui fit remarquer Sam en braquant de nouveau le faisceau de lumière sur moi.
Je les détournai rapidement vers la droite et ne pus retenir mes larmes plus longtemps. J'étais en colère, j'avais peur, et j'avais l'impression de n'être qu'un jouet entre leurs mains.
- Elle pleure, ironisa Matt en lâchant un rire méprisant. Si c'est pas mignon...
- C'est bon, t'en as assez fait comme ça, protesta Enrique en le repoussant.
Il était frustrant de ne pas pouvoir discerner leurs visages, ni l'endroit où nous nous trouvions, et ce n'était pas les larmes qui embuaient ma vue à présent qui allaient m'y aider.
- Eh, mais c'est que t'as l'âme chevaleresque, ce soir, Ric ! le charria le plus débile de tout le lot, celui qui avait l'air de prendre tant de plaisir à ligoter les gens au sortir de leur sommeil. Dis-moi, tu serais pas tombé amoureux de la nouvelle, par hasard ?
- Y paraît que ça vous tombe dessus sans prévenir, renchérit Sam. Le coup de foudre que ça s'appelle, ou un truc dans le genre. Tu devrais peut-être nous montrer tes yeux...
- Aucun rapport, se défendit énergiquement mon défenseur provisoire. On lui a déjà flanqué une frousse monumentale, inutile d'en rajouter.
- Comme tu veux, mec, comme tu veux, le taquina Matt.
- Bon allez, Ric a raison, intervint Liam. On va pas la laisser traîner-là.
Vraiment trop gentil d'y avoir pensé ! Je fermai les paupières aussi fort que je le pus, afin d'évacuer les larmes qui troublaient ma vision déjà vacillante, sans que le résultat n'en soit plus brillant pour autant.
- Sèche ses larmes, Ric, qu'est-ce que t'attends ? plaisanta Matt, sarcastique.
Personne ne croyait réellement qu'il allait le faire, moi la dernière. Nous prenant tous au dépourvu, il essuya la traînée humide sur ma joue du revers de la main. Je me braquai brutalement à son contact, ulcérée qu'il ose me toucher. Heureusement que la prise de l'adhésif autour de ma tête était assez lâche pour me le permettre.
- Eh ben ! sifflèrent ses amis en chœur.
- Je crois bien que ton petit cœur a été touché, Ric, ajouta Matt, l'air ébahi.
- Rien à voir, rétorqua celui-ci. Je crois que Liam a raison, elle a toutes les chances d'y passer. Vu d'où elle vient, on est pratiquement sûrs qu'elle va clamser. C'est pas la peine d'être brutal avec elle.
Qu'est qu'il racontait ? Je n'allais pas mourir ! Pourquoi disait-il ça ? Je pivotai violemment la tête sur la gauche, cherchant à éviter son contact révulsant.
- Ben, c'est pas réciproque en tout cas, constata son copain en lui tapant sur l'épaule – du moins, à en juger par le bruit qu'il se fit à côté de moi. Perds pas ton temps en psychologie à deux francs. C'est bon pour Sherry, ça.
- Un peu de douceur dans ce monde de brutes, ça n'a jamais tué personne, non ? déclara Enrique sur un ton théâtral.
Tous les quatre éclatèrent de rire.
- Bon allez, Kendra nous attend, reprit-il en se plaçant derrière la tête de mon lit.
- Alors, c'est parti, suivirent-ils à l'unisson.
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PHENOMENE - Parce que le combat ne sera jamais terminé
Science FictionEireen vit depuis toujours dans un Centre de Conditionnement sans en connaître la raison. Lassée de cette vie coupée du monde, elle se voit offrir à son dix-septième anniversaire la chance inespérée d'obtenir des réponses à ses questions. Brusquemen...