7. HEUREUX ÉLU (PARTIE I)

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Je fis semblant de dormir environ cinq minutes, avant de me laisser prendre au jeu. Ce fut un éclat de voix qui me réveilla en sursaut. Je me redressai brusquement, gagnée par l'anxiété, et constatai avec stupeur l'absence de Skyler dans les parages. Je me levai sans bruit et remontai le plus discrètement possible la piste qui menait à la source du bruit. Je le repérai non-loin du camp, en train de faire les cents pas, l'oreille collée à son téléphone. Curieuse de savoir qui il s'était décidé à appeler, j'allai me cacher derrière une roche qui s'élevait de terre en créant une sorte de renfoncement – à croire qu'il était justement destiné à l'usage que je lui réservais. En essayant d'occulter mes pensées encore embrouillées par le sommeil, je tendis l'oreille.

- Arrête de crier ! enjoignit-il à son interlocuteur en se passant une main sur le visage.

Il y eut une pause.

- Ne m'oblige à me répéter, tu m'as parfaitement entendu. Sinon, tu ne réagirais pas comme ça !

La personne au bout du fil se mit à parler à un volume qui fit presque bourdonner l'appareil.

- Oui, quatre jours ! s'énerva Skyler.

Je pus voir son poing se serrer et ses jointures blanchir à la faveur de la pleine lune. Lorsqu'il se retourna brusquement pour arpenter le même petit espace dans l'autre sens, je baissai immédiatement la tête, alarmée à l'idée qu'il ait pu me voir. Mais il semblait trop absorbé par sa petite discussion.

- Je ne savais pas quoi faire, d'accord ? Je me suis autorisé à prendre le temps de la réflexion ! Elle est restée dans cet état pendant trois jours. Je voulais d'abord avoir une occasion de la faire parler sur ce qu'elle savait avant de décider ce que je devais faire d'elle.

Il y eut une autre pause.

- Elle n'a rien dit sur eux, mais ça ne m'étonne pas. Elle s'est contentée de dresser mon portrait et crois-moi, ce n'était vraiment pas flatteur ! (Temps d'arrêt). Elle m'a traité de dégénéré, ajouta-t-il d'une voix plus basse.

Le ton sembla se radoucir à l'autre bout du fil.

- Je sais que je ne dois pas l'écouter, assura-t-il fermement. Je sais parfaitement ce qu'elle est, et j'en sais même plus que toi. Non, je ne t'ai pas encore tout raconté, ajouta-t-il ensuite en relevant la tête vers le ciel étoilé.

Il écouta ce que l'autre avait à lui dire avant de lui répondre.

- C'est une Éphémère, lâcha-t-il tout-à-trac.

J'eus l'impression de recevoir un coup de poing dans l'estomac. Ce n'était pas possible, je l'aurais forcément su si j'en étais devenue une. Je me mis à repenser à tout ce que Chris m'avait dit et eus la sensation de me vider de toute consistance. Parce qu'il n'avait pas besoin d'aller plus loin pour me convaincre, parce que j'avais déjà compris. Parce que les preuves étaient sous mes yeux et que tout se recoupait avec une rapidité hallucinante. La réaction de Candy dans la voiture, la brûlure de mes yeux au moment de l'accident, mon état général, le trouble que j'éprouvais face à lui. Cette sensation que je ne pouvais plus bouger dès qu'il posait les yeux sur moi, que je ne pouvais plus respirer dès qu'il s'approchait de moi, cette réaction soudaine qui me secouait toute entière dès qu'il me touchait... Ça ne pouvait vouloir dire qu'une seule chose. Aussi irrationnel que puisse être ce sentiment envers quelqu'un que j'étais censé haïr – et que je venais tout juste de rencontrer –, je compris que je l'aimais. Alors même que je ne le connaissais pas. Alors même qu'il avait voulu me tuer. Alors même que j'avais moi-même voulu le tuer.

Une goutte d'eau roula sur ma joue. Je n'eus pas besoin de regarder le ciel pour me rendre compte que la pluie n'était nullement en cause.

- Comment tu veux que je le sache ? s'agaça-t-il au bout d'un moment. Si elle n'a rien dit sur le reste, tu crois vraiment qu'elle va me dire « Au fait, je sors avec untel » ? Sois sérieuse.

PHENOMENE - Parce que le combat ne sera jamais terminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant