7. HEUREUX ÉLU (PARTIE IV)

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- Je suis tellement contente de te voir, commençai-je en voyant qu'il n'arrivait pas suffisamment à se concentrer pour occulter le regard de son ennemi, qui se trouvait pourtant déjà loin.

- Si tu savais comment je me suis inquiété, soupira-t-il en revenant à moi.

- Comment ça se fait ? l'interrogeai-je à voix haute. Je n'étais partie que depuis quatre jours...

- Tu ne t'en es pas douté ?

Je secouai la tête.

- Il y a eu un blackout total, suivi de près par un autre et une intégration.

- Je suis perdue, avouai-je.

- Souviens-toi, on est connectés entre nous, fit-il en touchant inconsciemment sa tempe. Tu as dû le ressentir, toi aussi.

Dans notre jargon, un blackout n'était ni plus ni moins que la disparition définitive d'un représentant de notre espèce. Une intégration consistait en son exact opposé, et n'intervenait généralement qu'après la pratique d'un CES. Mon arrivée était encore trop récente pour que je puisse prétendre avoir déjà vécu l'un ou l'autre de ces phénomènes. Encore moins ces derniers jours. Il allait insister lorsque la compréhension illumina son visage.

- C'était une ré-intégration, saisit-il. Et c'était toi.

Il posa sa main sur son front.

- Alors, j'avais raison, c'était bien toi.

Le doute et l'inquiétude assombrirent brusquement ses traits.

- Candy ? demanda-t-il seulement.

La rapidité avec laquelle mes larmes revinrent me stupéfia. Je me contentai de secouer la tête et il me reprit dans ses bras.

- C'est de ma faute, sanglotai-je.

- Ne dis pas n'importe quoi, me sermonna-t-il.

- Écoute-moi, c'est la vérité. J'ai laissé filer Skyler, je n'ai pas suivi le plan et... il l'a tuée !

- Quoi ? éclata-t-il en s'écartant.

- Ne m'en veux pas, le suppliai-je. Ce n'est pas moi qui ai décidé de devenir...

- Ce n'est pas à toi que j'en veux, me détrompa-t-il rapidement. C'est à lui. Pourquoi tu ne m'as pas laissé le tuer tout à l'heure ? D'accord, se ravisa-t-il, question stupide, j'imagine. Mais qu'est-ce qui t'es arrivé à toi ? Candy était à l'origine du premier blackout, mais pourquoi tu as fait l'objet d'une réintégration ?

Je lui expliquai l'accident et mon coma.

- Je vois, fit-il une fois que j'eus terminé.

- Mais toi, comment tu as su que tu devais venir vers moi, alors que tu ne savais même pas s'il s'agissait vraiment de nous ou de quelqu'un d'autre ?

- On sait à peu près toujours de qui il s'agit quand un blackout se produit. Il y a toujours quelqu'un pour faire un rapport et expliquer ce qu'il s'est passé.

- Mais il y a bien des Duplicateurs qui vivent leur vie de leur côté sans personne pour rapporter ce qu'il s'est passé, non ?

- Ils sont extrêmement rares, en règle générale. Et je crois qu'à ma connaissance, aucun d'entre eux ne s'est jamais fait attraper.

- D'accord, mais ça n'empêchait pas que ça aurait pu être Yann, ou Richelle, ou...

- Impossible, assura-t-il fermement. Zane et Luther avaient ordre de communiquer leur situation et tout ce qui pourrait être utile s'ils les retrouvaient, mais ils ne devaient pas passer à l'attaque avant.

- Comment tu as été mis au courant sur ce que Zane et Luther devaient faire ?

- J'ai écouté aux portes à la soirée organisée avant votre départ, en faisant semblant de m'intéresser à ce que Chris et les autres racontaient. Et comme je travaille à la salle de contrôle, toutes les communications passent par moi. En plus, ils m'ont appelé directement pour que je transmette un message à Jefferson. Ils m'ont dit qu'ils n'avaient pas trouvé ce qu'ils cherchaient là où ils auraient dû. Ce ne pouvait pas être eux. Et ce n'était pas les trois groupes de renfort non plus, ajouta-t-il avant que je n'objecte quoi que ce soit.

Il marqua une pause et prit le temps de réfléchir une seconde.

- En fait, je ne suis pas venu seulement pour cette histoire de blackout. Je sais quelque chose que je ne t'ai pas encore dite.

- Pourquoi tu ne me le dis que maintenant ?

- Je pensais qu'il serait préférable que tu n'en saches rien pour ne pas t'attirer des ennuis à l'Iron, mais je crois que c'est trop tard.

- Tu crois que j'ai des ennuis ? m'exclamai-je, interloquée.

- Je pensais que non, mais eux aussi le savent. Ils ont même l'air très bien au courant, c'est justement ce qui m'inquiète.

- Essaie d'être clair, le priai-je, désorientée. Savoir quoi ? Et qui ça, eux ?

- Je dois t'avouer quelque chose, recommença-t-il, l'air inquiet. Je suis un phénomène.

Je laissai planer le silence quelques secondes.

- Je te croyais moins nombriliste que ça, tentai-je de plaisanter, ne voyant absolument pas là où il voulait en venir.

- C'est sérieux, protesta-t-il. Je ne suis pas un phénomène dans ce sens-là, je suis un Phénomène. Avec une majuscule.

- Ça ne m'aide pas, avouai-je.

- O.K., je vais essayer de t'expliquer. Ne panique pas, d'accord ?

Je hochai la tête, inquiète.


PHENOMENE - Parce que le combat ne sera jamais terminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant