11. L'OEIL DU CYCLONE (PARTIE VI)

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- C'est à ça qu'on leur sert ? se stupéfia Gabriel en réalisant la logique de mon raisonnement.

- Et eux qui nous servaient leurs grands discours sur la pitié que nous devions avoir envers nos ennemis, en se contentant de les neutraliser plutôt que de les tuer... On s'est bien fait avoir !

- Ils ont dû comprendre ça quand Christian est devenu un Éphémère. Ça a dû changer le cours de leurs opérations.

- Je ne crois pas, non. Je suis certaine qu'ils ont toujours été au courant de ce détail. Le problème, c'était qu'ils ne pouvaient pas être les premiers à en parler, parce qu'on aurait tout de suite deviné leurs intentions de conquête – ou appelle ça comme tu veux. Ils ont dû penser au début que nous finirions par nous rendre compte de cet aspect-là très rapidement, mais les Cérébrals ont toujours su se défendre. Si bien que nous mourions très rapidement si nous ne les exécutions pas les premiers. Avec cette maladie, avec Christian, ils ont tenu leur aubaine de nous faire comprendre comment cela fonctionnait !

Mes propos restèrent suspendus au-dessus de notre tête. Je voyais bien que la pilule était difficile à avaler pour mon meilleur ami. En effet, même si j'étais plus que folle de rage de m'être fait voler ma vie avec autant d'aisance, la durée de toute cette histoire paraissait plutôt courte d'un point de vue extérieur. Comment comparer cinq mois à vingt-et-une années de mensonges ? Comment pourrait-il supporter d'avoir volé toutes ces vies alors que tout ce en quoi il avait cru était dénué d'intérêts justes ?

- Je me demande s'il n'y a pas pire que ça, répliqua-t-il subitement. Si on y réfléchit bien, on est les deux seuls Duplicateurs à être devenus des Phénomènes. Toi, tu as trouvé ton explication, mais moi...

- Attends, me glaçai-je, est-ce que tu es en train de sous-entendre... qu'ils t'auraient fait subir la même chose qu'à moi ?

Alors ça, c'en était trop ! Se pourrait-il qu'il soit lui aussi le fruit d'un enlèvement et d'un lavage de cerveau en bonne et due forme ? Après tout, quand on y réfléchissait, c'était logique. Si cet insignifiant détail que représentait une suite de paroles avait été la seule et unique chose à même de me rendre la mémoire, il n'était pas dit que Gabriel avait eu la même chance que moi. Peut-être qu'ils n'avaient pas fait l'erreur de l'envoyer vers des gens qu'il connaissait. À moins qu'il ne restait plus personne de son entourage...

- Peut-être qu'on devrait prendre le temps de réfléchir à tout ça, soupira-t-il.

- Ce qu'il te faudrait surtout, c'est un endroit où passer la nuit, avançai-je en captant le bruit de pas qui se rapprochaient de notre position. Mais tu peux nous arranger ça Hushnan, pas vrai ?

Mon sourire penaud réfréna quelque peu l'élan de son irritation.

- Il est écrit Winston sur mon front, ou quoi ? lança-t-il, dépassé par mon audace.

- Tu es plutôt bien conservé pour un vieillard, dans ce cas, rigolai-je.

Il se dérida un peu.

- Mouais. Je suppose que je suis en train de me faire avoir, là. Toi, écoute-moi, reprit-il sur un ton plus menaçant en s'adressant à Gabriel. Tu vas poser tes fesses là où je te dirai de les poser. À ce niveau, je te signale que ta seule chance de quitter ta chambre, c'est la porte par laquelle tu entreras et point barre.

Cela me rappela la sensation d'emprisonnement que j'avais ressenti en me réveillant dans la chambre de Gaby, lors de ma toute première soirée à l'Iron. Ni fenêtre, ni quelconque moyen de s'échapper.

- Si tu t'avises de faire le moindre pas en-dehors de cet espace, je te jure que je te réduis en miettes. Et je ne m'arrêterai pas en cours de route cette fois, peu importe ce qu'elle peut en penser – cette chère lady Croft est encore sous mon toit, après tout. Je te filme 24 heures sur 24, alors, je serais toi, je ne m'écarterais pas du droit chemin.

PHENOMENE - Parce que le combat ne sera jamais terminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant