8. IDENTITÉ (PARTIE VI)

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Nous passâmes cette nuit-là face à face, nos têtes reposant sur le même sac à dos peu confortable. Ce qui était le cadet de mes soucis, à vrai dire. Je ne m'étais jamais sentie aussi entière de toute ma vie, allongée auprès de lui pour ce qui me semblait être la première fois de ma vie – alors que c'était pourtant loin d'être le cas. Mais même chez lui, je percevais cette sensation de renouveau, que son regard fasciné me laissait entrevoir. Il ne restait absolument aucun espace entre nous deux – son bras avait fermement emprisonné ma taille, tandis que j'avais posé une main sur sa nuque sans jamais le relâcher. Il replaçait de temps à autre une mèche qui tombait sur mon visage avant de déposer un baiser dans mes cheveux, geste auquel je répondais le plus souvent en joignant mes lèvres aux siennes. Au bout de longs instants de contemplation néanmoins, je finis par m'endormir, bercée par le rythme de sa respiration silencieuse.

Il m'éveilla très tôt le lendemain matin, me tirant d'un sommeil sans rêve. J'avais presque du mal à croire que je n'étais pas justement en plein songe, lorsque je me rendais compte que je pouvais le toucher et le voir me rendre la pareille, au lieu de me repousser. J'effleurais enfin du doigt le sentiment de bonheur qui m'avait été arraché avec le reste. Seule une ombre obscurcissait le tableau – je me sentais terriblement coupable de ne pas pouvoir prévenir mon meilleur ami de ce qui l'attendait. Mais je n'avais pas le choix, j'étais contrainte de passer à autre chose. Je préférais me concentrer sur le chemin qu'il me restait encore à parcourir vers la mémoire retrouvée, au sens propre comme au figuré.

- Passe-moi l'autoradio, s'il te plaît, me lança Skyler en grimpant dans la Jeep après avoir chargé l'ultime sac.

- Où ça ? m'enquis-je en faisant glisser sur mon nez les lunettes de soleil que je lui avais empruntées, sans pour autant réussir à localiser sa position.

- Dans la boîte à gants, me renseigna-t-il en démarrant le moteur.

Je finis par trouver le drôle de rectangle plat couvert de boutons et d'inscriptions, et le lui tendis pour qu'il se charge du reste. Il l'enclencha dans le réceptacle prévu à cet effet, et entama une marche arrière pour se replacer sur le mince ruban de poussière qui serpentait à travers le décor désertique. Un horrible bruit de radio qui ne captait rien retentit dans l'habitacle et Skyler dut baisser le volume pour le faire taire – visiblement, il écoutait ses musiques beaucoup trop fort en temps normal. Il finit par tâtonner derrière lui en dessous de son siège, et parvint après maintes contorsions à attraper ce qu'il cherchait.

Alors qu'il s'engageait sur le chemin, il poussa un disque où le soleil s'y réfléchissait en rayons arc-en-ciel dans la fente prévue à cet effet. Moi qui étais persuadée que plus personne ne prenait la peine d'emporter plusieurs CDs, étant donné les possibilités de stockage qu'une simple clé USB offrait, je m'étais visiblement fourvoyée. En même temps, on aurait sûrement tort de trop s'appuyer sur la capacité d'une mémoire... J'étais bien placée pour le savoir.

Je pris sur moi-même de tourner le bouton du son, afin de parvenir à entendre quelque chose. Puis, nous commençâmes à rouler sous la surveillance perpétuelle de l'astre de feu.

J'entendis d'abord un bruit de voix mêlées à des cris d'oiseaux, avant que n'intervienne un son m'évoquant un crissement de pneus, suivi d'un bruit de verre cassé. Une note de guitare se répéta plusieurs fois, avant que la batterie ne la rejoigne et je me calai immédiatement sur la mesure rythmée mais douce de la chanson. La voix mélodieuse du chanteur s'éleva enfin. Le nom du groupe s'imposa immédiatement à moi : Hoobastank. Un rapide coup d'œil à l'écran digital m'apprit que je ne m'étais pas trompé. Une vague d'espoir me submergea lorsque je compris que c'était une chose que je connaissais, une chose qui appartenait à ma vie d'avant. En me tournant vers Skyler, je vis son expression ravagée par la tristesse, mais n'osai lui demander les raisons de ce revirement. Ça n'avait pas l'air d'être le moment. Je vis ses lèvres bouger en silence et décidai de me concentrer sur les paroles.

I'm not a perfect person

As many things I wish I didn't do

Sans comprendre pourquoi, j'eus la brusque sensation que mon esprit se débattait avec quelque chose d'immatériel.

But I continue learning

I never meant to do those things to you

Des liens invisibles commencèrent à s'agiter. Ils finirent par sauter un à un, comme des câbles d'acier s'inclinant sous une trop forte pression. Mes sens s'éclaircirent, et je sentis ma connexion synaptique décupler.

And so I have to say before I go

That I just want you to know

Dans un brusque sursaut de lucidité, ce qui n'était encore que des flashs s'alignèrent les uns à la suite des autres, pour devenir les maillons de la chaîne de mes souvenirs. Je dévidai lentement l'écheveau des dix-sept dernières années de ma vie.



Cette partie est vraiment plus courte que d'habitude, je le reconnais, mais c'est ici que se termine le chapitre 8. N'hésitez pas (comme toujours) à laisser vos impressions, suggestions, théories, remarques et autres, si vous le souhaitez.

La suite en 2017. Happy Rock'N'New Year !

PHENOMENE - Parce que le combat ne sera jamais terminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant