Je me rendis bientôt compte que je commençais à grelotter, à sonder le moindre recoin de la pièce dans cette tenue. Je repérai le sac de sport noir en question dont m'avait parlé le jeune homme avant de s'en aller, et m'accroupis par terre pour en fouiller le contenu. J'en sortis un paquet transparent que je m'empressai de défaire. Les affaires que l'on avait mises à ma disposition étaient on ne peut plus simples : un haut gris à manches longues sobre et un jean aux teintes bleues nuancées.
Les enfiler fut une expérience tout à fait nouvelle pour moi. Je n'avais jamais porté autre chose que ma blouse – une chemise légère tout droit sortie d'un hôpital, en réalité – que l'on avait simplement pris la peine de me changer lorsqu'elle commençait à devenir trop petite pour moi. Lors de mes heures d'études, j'avais souvent contemplé pendant de longs moments les personnes qui figuraient sur les photos, fascinée qu'eux puissent être autorisés à vivre normalement, s'habiller comme ils l'entendaient, manger ce dont ils avaient envie, avoir une maison, une famille... Je n'avais jamais rien eu de tout ça. Et encore, je devais m'estimer heureuse d'avoir pu entretenir ma condition physique et m'instruire comme tout un chacun. C'était du moins ce que m'avait constamment répété le professeur Kendra.
Rien qu'à la pensée de revoir cette femme, je me sentis nauséeuse. J'avais bien conscience que je n'y échapperais pas, que je serais contrainte de me retrouver de nouveau en sa présence, mais je savais que je ne l'affronterais plus de la même manière qu'auparavant. Pour la simple et bonne raison que je savais désormais qu'elle était dangereuse. Je n'aurais pas dû la laisser prendre le dessus sur moi de cette manière, mais je savais désormais que je nourrirais une inquiétude secrète enfouie au plus profond de moi-même. Celle de savoir qu'elle aurait le pouvoir de recommencer si elle le désirait.
Car j'étais de plus en plus certaine que je n'avais rien imaginé. Ma situation actuelle et la douleur qui tambourinait au fond de mon crâne étaient on ne peut plus tangibles. Mais dans ce cas, que pouvait bien me réserver la suite ? Je ne pouvais m'empêcher de me raccrocher à l'espoir de bientôt connaître ma vérité. Même si cette promesse m'avait été faite par le professeur Kendra et que je la prenais pour ce qu'elle était, une part de moi était convaincue que tout était lié à mon histoire. Je me doutais bien qu'elle tiendrait en trois ou quatre mots – j'avais passé les dix-sept années de mon existence dans ce centre de conditionnement –, mais je saurais au moins à quoi m'en tenir. Et j'obtiendrais peut-être enfin la réponse à la question que je me posais depuis toujours.
Je fus interrompue dans le cheminement de mes pensées par des coups répétés contre la porte.
- Tu as terminé ? m'interrogea la voix étouffée du propriétaire de la chambre.
- Non, condescendis-je à répondre d'une voix rauque.
Curieusement, malgré l'insolence de ma réponse, il n'insista pas et me laissa tranquille. Je préférai ne pas trop pousser ma chance et décidai de finir de m'habiller en vitesse. J'enfilai rapidement mon haut et rencontrai un problème au niveau des manches. Celles-ci étaient trop longues et recouvraient à moitié mes mains. C'est alors que je remarquai les discrètes ouvertures qui me permirent de glisser mes pouces à l'intérieur, ce qui ressemblait au final à une sorte de paire de mitaines très courtes. Je ne m'attardai pas plus longtemps sur l'esthétique de ma tenue – même si je me sentais agréablement à l'aise dedans – et me décidai enfin à faire quelques pas jusqu'à la porte, avant de me racler la gorge.
- Ca y est ? s'enquit le jeune homme d'une voix légèrement impatientée.
- J'ai terminé, acquiesçai-je en restant plantée là.
- Dans ce cas, aurais-tu l'obligeance de déverrouiller la porte ? répliqua-t-il sur un ton théâtral.
Je m'exécutai, pas certaine encore de prendre la meilleure des décisions. J'ouvris la porte et fis face à mon interlocuteur.
- Super, tu es prête ! s'enthousiasma-t-il. On peut y aller ?
Je secouai la tête.
- Pourquoi ? s'étonna-t-il.
Je désignai mon absence de chaussures d'un signe de tête. J'aurais pu faire l'effort de lui parler, mais je n'en avais vraiment pas très envie. Je n'accorderais pas ma confiance aussi facilement.
- C'est vrai, j'ai oublié, s'excusa-t-il. Ne bouge pas, je reviens. Oh, un truc, n'essaie pas de t'en aller, s'il te plaît. On le saurait tout de suite et tu risques de t'attirer des problèmes.
J'aurais pourtant été bien tentée d'essayer de trouver un chemin vers la sortie toute seule. Ce serait peut-être ma première et dernière occasion de m'évader de ma nouvelle prison.
- Pas de souci, obtempérai-je néanmoins.
Je savais qu'il avait raison. Je devais probablement être surveillée de près et si je tenais à rester en vie, j'avais plutôt intérêt à me tenir tranquille et faire profil bas. Un sourire éclaira son visage avant qu'il ne disparaisse dans l'obscurité du couloir. Il faisait si sombre que je n'y voyais rien. J'avais l'impression d'être face à un écran noir.
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PHENOMENE - Parce que le combat ne sera jamais terminé
FantascienzaEireen vit depuis toujours dans un Centre de Conditionnement sans en connaître la raison. Lassée de cette vie coupée du monde, elle se voit offrir à son dix-septième anniversaire la chance inespérée d'obtenir des réponses à ses questions. Brusquemen...