La pièce était plongée dans l'obscurité la plus totale. J'avais beau y avoir été habituée depuis ma plus tendre enfance, je supportais mal de rester dans le noir complet la nuit, hantée par la désagréable sensation d'être aveugle. Je m'en sortais plutôt bien en général, dans la mesure où je faisais en sorte de sombrer avant l'extinction des feux. Cette nuit, pourtant, je ne parvenais pas à m'endormir, trop excitée pour parvenir à trouver le sommeil. Si le professeur Kendra ne m'avait pas menti, j'allais connaître dès demain toutes les réponses auxquelles j'aspirais depuis si longtemps. Nous avions même déjà dû dépasser les minuit, ce qui signifiait que nous devions officiellement être le 15 janvier, jour anniversaire de mon apparition dans ce monde – que je ne connaissais pas.
Je retournais dans ma tête toutes les questions que j'allais lui poser et l'ordre dans lequel j'allais le faire, afin d'être certaine de n'en oublier aucune. Ce manège dura - ou du moins, me sembla durer – plusieurs heures, si bien que malgré moi, je m'assoupis au beau milieu de mes réflexions.
Je fis un rêve curieux. J'étais incapable de savoir où je me trouvais tant il faisait noir, mais il me semblait bien sentir le matelas rigide sur lequel je venais de m'endormir vibrer dans mon dos. Quelque chose d'étrange était en train de se passer. Le lit tremblait sans raison apparente, comme si le sol s'était mis à se déplacer tout seul. J'avais la sensation de m'enfoncer progressivement, comme si je me trouvais sur la plateforme d'un ascenseur. Je résolus de me réveiller, ne supportant pas de ne pas retrouver mes repères. J'étais plutôt douée pour sortir de mon sommeil par un simple effort de volonté. Aussi, je m'y essayai immédiatement et fus choquée de constater que cela ne fonctionnait absolument pas. Je levai mon bras pour pincer l'autre aussi fort que je le pus, lorsqu'une douleur aigüe se fit ressentir au niveau de mon coude, celui-ci venant tout juste de heurter de plein fouet la paroi qui venait de se matérialiser sur ma droite. Dans un soubresaut vertigineux, mon rêve devint réalité.
Je m'assis brusquement et tendis les mains de part et d'autre de moi. Je rencontrai la dureté du béton sous chacune de mes paumes, alors que je n'aurais rien dû rencontrer d'autre que le vide. J'étais vraiment en train de m'enfoncer dans un boyau, pétrifiée sur le lit sur lequel j'avais entamé ma descente – restait à savoir si celle-ci me mènerait aux Enfers. Mon voyage dura moins d'une vingtaine de secondes, mais elles furent à compter parmi les plus longues de ma vie. Je ne comprenais rien à ce qui m'arrivait, ni pourquoi cela se produisait justement au moment où j'allais bientôt connaître la vérité.
Soudainement, je pris conscience que les deux évènements devaient être liés – c'était la seule explication possible. J'allais peut-être enfin quitter ce lieu pour la première fois de toute mon existence. Mais pourquoi en pleine nuit ? Pourquoi au beau milieu de mon sommeil, sans me prévenir ? Autant de questions dont je n'avais pas encore la réponse. Me rallongeant à demi sur les coudes, j'attendis d'avoir touché le fond en fermant les yeux. Ce qui mit très peu de temps à se produire. Lorsque je sentis que le sol avait enfin cessé de bouger, je rouvris les paupières, mais n'eus pas le temps d'esquisser un geste pour me relever qu'un puissant coup porté à la poitrine m'en dissuada. Je retombai lourdement sur le dos et fus maintenue plaquée sur le lit par une grande main serrée autour de ma gorge.
Paniquée, je me débattis furieusement en me mettant à crier. Une deuxième main se plaqua sur ma bouche et j'entendis quelqu'un grogner. Je continuai à ruer dans tous les sens et tentai de planter mes ongles dans la main qui m'étranglait à moitié. Celle-ci se desserra légèrement, mais ne me relâcha pas pour autant. Mes poignets furent tout à coup emprisonnés dans l'étau d'une nouvelle paire de mains et je pris le parti de jeter mes jambes en l'air, espérant atteindre quelqu'un. Je ne voyais toujours absolument rien, et j'eus à peine la lucidité de me demander comment mes agresseurs pouvaient y voir quoi que ce soit dans une telle obscurité. Ce facteur ne jouait pas en ma faveur, mais ne semblait en rien entraver leurs intentions, en tout cas.
- Eh, tu fous quoi là ? grogna subitement une voix grave, juste à côté de moi.
Pour autant que je pouvais en juger dans la situation périlleuse dans laquelle je me trouvais, la voix masculine semblait appartenir à celui qui m'empêchait de me relever.
- Tu vois bien qu'elle est hystérique ! renchérit une deuxième voix – probablement celle de l'homme qui m'empêchait de garder les mains libres. Tiens-lui les jambes, au moins !
Le lit commençait à effectuer un léger roulis de droite à gauche sous l'effet de mes ruades désordonnées.
- Attends, la visée nocturne déconne, répondit une troisième voix dont je ne pus identifier la provenance, cette fois.
- La mienne aussi, râla une quatrième voix, plus lointaine. Foutues lunettes ! Je vais devoir utiliser...
- On s'en fout, magne-toi ! le pressa le premier à avoir ouvert la bouche.
Sans crier gare, un léger faisceau de lumière fut braqué sur mes pupilles et m'aveugla momentanément, jusqu'à qu'il ne redescende légèrement avant de s'agiter dans tous les sens. Celui qui tenait la mini-lampe de poche à la main était en train de l'ajuster au-dessus de son oreille. Je n'y voyais pas clairement mieux mais au moins, j'entrevoyais désormais les silhouettes de mes agresseurs et pus cerner un peu mieux la situation. Il ne fallait pas espérer que je puisse distinguer le visage ne serait-ce que de celui qui tenait la lampe, la lumière restant malgré tout trop éblouissante au milieu de toute cette obscurité. L'une des silhouettes se détacha de l'ombre et vint me saisir les jambes.
- Je la tiens ! déclara nerveusement la troisième voix qui peinait un peu sous l'effort à fournir pour me retenir. Attache-la, maintenant !
L'homme à la lumière avança jusqu'à moi et commença à dérouler devant mes yeux ce que je crus reconnaître comme étant un long rouleau de scotch.
- Alors, c'est le grand jour, hein ? ricana-t-il, alors que l'homme qui me tenait les poignets me flanquait les bras le long du corps.
- Tu joueras quand tu l'auras attachée, Matt, le pressa ce dernier avec impatience.
- Qu'est-ce que tu veux qu'elle fasse ? lui répondit son interlocuteur en s'exécutant tout de même.
Consciencieusement, Matt appliqua l'adhésif sur le haut de mon corps et fit plusieurs fois le tour du lit, jusqu'à ce que je ne puisse plus bouger. Je lançai mes jambes de plus belle, refusant de me laisser faire.
- Je vais pas tenir longtemps, le prévint le nerveux d'une voix un peu essoufflée.
Le débile recommença son opération au niveau de mes jambes et je fus bientôt solidement ligotée.
- Oublie pas la tête, lui conseilla la première voix. Je crois qu'elle mord.
- Vraiment ? fit-il mine de s'inquiéter. Alors dans ce cas...
- Fais quand même gaffe à ses cheveux.
Je n'arrivais pas à y croire ! Comment pouvait-il avoir une pensée pour mes cheveux, au vu de ce qu'ils étaient en train de m'infliger ? Ma tête fut bientôt attachée au lit et je sentis la prise autour de ma gorge disparaître, avant que ma bouche ne soit libérée à son tour. Je hurlai à pleins poumons.
- La ferme ! s'énerva Matt en arrachant une dernière bande avant de me la coller sur les lèvres.
Je ne pouvais plus rien faire désormais. Je n'arrivais cependant pas à me résoudre à attendre mon sort sans broncher. J'endurais difficilement d'être traitée de cette manière, aussi brutalement et sans raison apparente. Si j'avais pu me douter de ce qui allait m'arriver seulement cinq minutes plus tôt...
- Je me demande vraiment pourquoi j'ai fait appel à vous, les critiqua une voix féminine que je ne pouvais pas manquer de reconnaître, cette fois.
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PHENOMENE - Parce que le combat ne sera jamais terminé
Science-FictionEireen vit depuis toujours dans un Centre de Conditionnement sans en connaître la raison. Lassée de cette vie coupée du monde, elle se voit offrir à son dix-septième anniversaire la chance inespérée d'obtenir des réponses à ses questions. Brusquemen...