4. REPÈRES (PARTIE VI)

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- Fais attention.

- C'est la cinquième fois que tu me le répètes, bougonnai-je en avançant prudemment néanmoins.

Nous longions un long couloir en pierre qui s'élevait en pente depuis quelques secondes seulement, et j'avais déjà du mal à respirer tellement cet exercice était inhabituel pour moi. On ne m'avait jamais entraîné au point de faire de moi une athlète née, après tout. Mes séances d'éducation sportive étaient surtout destinées à me dépenser un tant soit peu pour ne pas sombrer dans la folie. Mes exercices étaient cantonnés à des distances parcourues en vélo elliptique, des sessions de marche sur place et des étirements. Mon « conditionnement » au niveau physique n'avait jamais été très loin. J'ignorais jusque-là que cette étape ne viendrait qu'une fois que j'aurais quitté le centre une fois pour toutes.

Je calculai que j'avais en moyenne passé treize jours sans faire de réelle activité physique – deux jours passés dans le coma, sept autres à visiter l'Iron avec Gabriel, trois à me morfondre à l'infirmerie et en comptant aujourd'hui, même si nous n'étions qu'en milieu de matinée, le compte y était.

- Laisse-moi passer devant, fit mon camarade en interrompant le fil de mes réflexions.

Nous étions arrivés légèrement courbés au bout de cet espèce de tunnel et nous faisions désormais face à un mur – nous étions dans un cul-de-sac. Au-dessus de nous, une plaque en verre de taille moyenne parsemée de taches noires irrégulières laissait difficilement filtrer les rayons du soleil à travers une sorte de flou. Gaby posa sa main dessus et la fit glisser avec aisance à l'horizontale, offrant désormais une ouverture lumineuse à ma vue. Je clignai des yeux en plaçant ma main en visière avant que l'ombre de mon guide en train de se hisser rende mon geste inutile. Bientôt, il se retrouva en équilibre en position accroupie et me tendit la main.

- Attrape.

Je m'exécutai en poussant un grognement lorsqu'il me tira vigoureusement vers le haut pour me faire sortir. Je finis sur le ventre sans vraiment comprendre comment et mis un certain temps avant de me redresser. Lorsque je rouvris les yeux, le monde explosa autour de moi.

Une profusion de couleurs inonda mes iris. Partout, le vert, le marron et le mordoré occupaient une place bien définie au sein de ce décor irréel. Mes mains s'attardèrent sur la végétation à la fois dense et humide qui serpentait à mes pieds. Je respirai à pleins poumons l'odeur enivrante de la pluie, devenue presque familière à travers les pierres mal scellées en hauteur du réfectoire. La pluie qui n'avait pas manqué d'humidifier les murs le jour où elle avait fait une rapide apparition – si rapide que je m'étais demandé si je ne l'avais pas rêvée. Le soleil matinal l'avait chassée tout aussi précipitamment cette fois.

Je levai mes paumes à hauteur de mon visage et regardai avec fascination l'eau ruisseler sur les lignes de ma main. Je n'osais soutenir trop longtemps le spectacle de la forêt qui revêtait des couleurs bien plus crues que celles auxquelles j'avais jamais été habituées, de peur de replonger trop vivement dans un tourbillon d'émotions trop fortes pour moi. Je relevai enfin les yeux vers Gabriel qui me considérait d'un air attentif, un sourire dessiné sur les lèvres.

- C'est... magnifique ! m'exclamai-je lorsque je retrouvai enfin ma voix.

- Et ici, ce n'est rien en comparaison de tout le reste, précisa-t-il.

Il se rapprocha de moi et me hissa sur mes pieds.

- Ça fait plusieurs jours déjà que je me demandais pourquoi tu ne me demandais pas de te montrer tout ça.

Il me fit avancer un peu et nous prîmes finalement place sur un énorme rocher couvert çà et là de mousse. Je m'émerveillais un peu plus à chaque seconde. Même si j'essayais de me taire, il devait me trouver franchement risible avec ma bouche grande ouverte. Pourtant, ce fut avec une expression tout à fait déterminée sur le visage qu'il reprit la parole.

PHENOMENE - Parce que le combat ne sera jamais terminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant