16. L'EMBRASEMENT (PARTIE I)

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- Je n'en reviens pas ! me révoltai-je, dégoûtée. Comment ont-ils osé faire ça ?

On avait arraché l'identité de mon meilleur ami de la même manière que l'on m'avait arrachée à mon petit ami... son frère ! Je n'arrivais toujours pas à y croire. Cette énième révélation, encore plus difficile à digérer que la précédente si cela était possible, soulevait tant de questions. Pourquoi changer son prénom ? Pourquoi le garder en vie ? Pourquoi ne pas avoir achevé son frère lorsqu'ils étaient venus me chercher, ou bien même lui faire subir le même sort ? Comment Skyler allait-il prendre le fait que non seulement Kyne n'avait pas été tué, mais qu'il était en plus devenu le sujet d'une expérience d'envergure, après laquelle il avait éliminé plus d'un représentant de sa véritable espèce ? Et enfin, la plus importante de toute, comment allait-il réagir en découvrant que son frère n'était autre que celui qu'il avait jusqu'à récemment considéré à tort comme son ennemi et rival ?

Sans compter qu'il paraissait tout sauf logique que Jefferson et tout son petit monde nous aient laissé nouer une telle amitié sans nous surveiller de très près. J'aurais aimé tirer cette partie de l'histoire au clair, mais je devrais déjà m'estimer heureuse si nous sortions de l'Iron vivants. Cela faisait déjà sept minutes que l'alarme s'était déclenchée si j'en croyais l'horloge, et nous n'avions pas encore découvert les points de rassemblement qui nous permettraient – peut-être – de sauver notre peau.

- Ça va ? pris-je quand même le temps de m'assurer en avisant la mine blanche qu'affichait le frère de mon compagnon.

- Finissons-en, qu'on se casse d'ici, maugréa-t-il en se remettant au travail.

- Tu veux en parler ?

- Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, nous sommes au beau milieu d'une alerte maximale, et le temps ne joue pas vraiment en notre faveur.

Je reportai mon attention sur l'écran, douchée. Jamais il ne m'avait cassée de la sorte.

- Désolé si je me suis montré désagréable, s'excusa-t-il en affichant un air penaud.

- Je comprends, et je te donne raison avec ça, fis-je en posant une main sur son épaule. Il faut vraiment qu'on se magne.

Avec un mince sourire, il termina d'accéder aux données visées.

- Tiens, c'est ici que sont traitées les données de leur informateur. Regarde-moi ça, lâcha-t-il lorsque un globe centré sur les États-Unis apparut à l'écran, faisant ressortir en rouge chaque Cérébral fiché.

- Ils sont nombreux, observai-je. Très nombreux.

- Apparemment, ils travaillent depuis ces neuf dernières années avec un certain Ronan Clayton, commenta-t-il en naviguant dans le fichier. Ça te parle ?

- Non, reconnus-je, n'ayant pas le souvenir d'avoir jamais entendu prononcer ce nom.

- Jetons un coup d'œil à son dossier pendant que je télécharge tout ça, proposa-t-il en extirpant une clé USB miniaturisée de sa poche.

Après deux ou trois manipulations, Gaby déplaça la barre « Download » qui venait de s'afficher à l'écran et sélectionna le dénommé Clayton.

- Alors ça, c'est le coup de trop ! pestâmes-nous à l'unisson tandis que ma patience acheva d'imploser.

La photo du jeune homme blond remontait à quelques années maintenant, mais aucun doute là-dessus, c'était bien Hushnan qui nous regardait sur cet écran.

- Non mais regarde-moi ça, répéta-t-il en faisant défiler les informations à toute vitesse. Il est impliqué dans ton enlèvement... et dans le mien.

- Skyler va le tuer, grondai-je. Si je ne lui ai pas déjà fait la peau d'ici là.

Un signal sonore nous prévint de la fin du téléchargement.

- Barrons-nous d'ici, lançai-je en entraînant Gabriel avec moi, bouillonnante de colère.

Nous eûmes tôt fait de revenir au centre médical, malgré la cohue ambiante. On aurait naturellement pu penser qu'en l'espace de dix minutes, tout le personnel aurait déjà eu la présence d'esprit d'évacuer les lieux. Mais de tous côtés, je voyais des scientifiques de tout âge tenter de transférer leurs précieux documents d'un endroit à l'autre, à peine attentifs à ce qui les entourait. Pensaient-ils vraiment que le réseau informatique allait s'effondrer sous l'attaque lancée contre le QG ? Et surtout, avaient-ils vraiment pris la peine de tout garder sur papier malgré les progrès technologiques de notre monde actuel ?

Je chassai ces questions insignifiantes de mon esprit et remontai comme une damnée les couloirs qui menaient au réfectoire. Il serait plus efficace de traverser la grande salle et d'atterrir dans les cuisines, pour ensuite atteindre l'Aperçu – et la sortie. Nous aurions toutes les chances de tomber en pleine embuscade si nous contournions directement la salle de contrôle et la salle d'entraînement. Si nous pouvions foncer nous réfugier dans les douches individuelles, nous n'aurions plus qu'à déboucher dans la zone de préparation et regagner la sortie.

- Eireen, attention ! hurla Gabriel en me plaquant au sol, au moment même où je faisais irruption dans le réfectoire.

Une vague d'eau de près de deux mètres de haut s'abattit non-loin de nous, alors que je découvrais, stupéfaite, l'étendue de la bataille engagée ici. Un bon nombre de mes anciens camarades se battaient contre des personnes dont le visage m'était parfaitement inconnu – surtout celui de la jeune fille à la chevelure ébène, relevée par une mèche d'un violet intense, et dont la peau avait subi plus d'une fois la torture du piercing. Je reconnus les Cérébrals parmi cette marée humaine, grâce à la profusion d'énergie qui entourait ceux-ci.

Un petit groupe contrôlait un globe d'eau de taille impressionnante, tandis que d'autres usaient du feu provoqué par l'embrasement de nos magnifiques tables comme de projectiles méchamment efficaces. Les courants d'air tantôt glacials et tantôt brûlants qui cinglaient la pièce leurs prêtaient renfort, et semblaient satisfaire leurs commanditaires, reconnaissables au sourire malveillant qui les animait. Quant au lierre, il avait été efficacement employé à freiner les Duplicateurs dans leur élan, tandis que la plante s'arrachait progressivement du plafond, révélant la roche nue, seul matériau détonnant de ce complexe souterrain. Tandis que je relevais tous ces détails en quelques secondes, une voix familière retentit non-loin de nous.

- Pas eux ! hurla-t-il en se rapprochant de nous.

Je me remis tant bien que mal debout, tandis que deux bras puissants me soulevèrent de terre.

- Skyler ! pleurai-je presque en me jetant à son cou.

- Tout va bien, Reen, me rassura-t-il en caressant mes cheveux.

Il me mit à l'abri derrière un banc retourné, m'obligeant à le relâcher momentanément, puis tendit le bras à Gabriel pour l'aider à se relever.

- Content de voir que tu protèges comme il se doit ce qui m'appartient, le salua-t-il en le tirant brusquement, ce qui leur fit exécuter une roulade leur permettant tout juste d'éviter une immense boule de feu.

Kyle poussa son frère contre moi et se releva en affichant un air mauvais.


PHENOMENE - Parce que le combat ne sera jamais terminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant