14. HEUREUX ÉVÈNEMENT (PARTIE VI)

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- Comment t'expliquer ça ? se concentra-t-elle finalement avec un petit soupir. Être Éphémère, c'est être atteint de troubles neurodégénératifs. Ils sont provoqués par la presque parfaite incompatibilité de ton énergie et de celle de ton copain. Ce serait comme... deux batteries mal branchées, les plus avec les plus, les moins avec les moins. Une fois que les deux énergies contraires sont en contact, ton côté Duplicateur en absorbe automatiquement une partie et la stocke. C'est pour ça que les effets ne sont pas visibles immédiatement. Par qu'elle n'est délivrée dans ton système nerveux que par à-coups. Ça provoque des microlésions dangereuses à partir de la création de substances neuroplégiques, qui finissent par toucher l'intégralité de ton système cellulaire. Et après... tu sais comment ça se termine.

- En effet, murmurai-je. Mais j'ai du mal à comprendre. Comment le fait d'être en contact avec une énergie contraire conduit-il à provoquer le sentiment amoureux ?

- C'est difficile à dire, répondit-elle en dodelinant de la tête. Nous avons tendance à penser que ce sont les troubles neurodégénératifs qui vous poussent à tomber amoureux. Votre système essaie d'ériger des barrières défensives en créant un phénomène d'aimantation, qui pousse les deux énergies à trouver le maximum de points complémentaires où s'ancrer – ce qu'on pourrait définir par des atomes crochus – afin de résister à cette spirale destructrice. Tout est une question de combinaison chimique. C'est comme si vous faisiez en sorte de corriger les mauvais branchements en accordant les plus avec les moins, et que vous laissiez toute votre énergie à maintenir ce cap. Jusqu'au moment où ce n'est plus possible. J'imagine que ça va même au-delà de ça. À ce jour, nous n'avons pas encore trouvé de corrélation bien définie entre les émotions et les réponses biologiques qui en résultent.

- Eh ben ! soufflai-je. C'est dingue.

- En effet.

- Mais si, comme tu dis, nous emmagasinons une partie de l'énergie contraire, le fait de nous séparer l'un de l'autre ne servira pas à grand-chose, non ?

- Je n'en suis pas tellement sûre, admit-elle. Mais si le fait d'être en contact vous a mené à activer vos cellules « duplicatrices », on ne peut pas être certain que l'opération ne se répètera pas tant que vous serez ensemble, et donc, que ça n'accélèrera pas le processus dégénératif.

Je devais admettre que l'excuse était bien trouvée. Cassie semblait sûre de ses explications, néanmoins, et quelque chose – mon instinct, peut-être – me poussait à croire qu'elle n'était pas plongée jusqu'au cou dans leur mer de mensonges. Un pion comme tant d'autres, en somme.

 Décidant qu'il valait mieux ne pas l'abrutir de questions dès les premières heures, ne serait-ce que pour éviter d'attirer l'attention de ses supérieurs, je trouvai le moyen de dériver vers des sujets moins dangereux. Nous discutâmes de nos points communs, et nous rendîmes compte qu'ils étaient nombreux. J'étais persuadée que si je l'avais rencontrée en tant que camarade à l'époque où j'étais encore dans l'ignorance la plus totale, nous aurions été de grandes amies, elle et moi. Cassandre était une tête sympathique, là où je m'attendais à ne trouver que les regards froids et désincarnés d'un ou deux malheureux scientifiques, subordonnés de Kendra. Celle-ci ne faisait d'ailleurs que quelques apparitions, histoire de me faire subir un ou deux tests bidons, faisant de son assistante ma presque unique interlocutrice. J'en revenais progressivement à ma situation première en ces lieux.

Les jours passèrent et l'angoisse ne cessait de m'étreindre pour autant. Je n'étais jamais livrée à moi-même ne serait-ce que l'espace d'une minute, et ne pouvais donc en aucun cas mener les recherches qui nous avaient poussé à revenir ici. J'espérais que Gabriel aurait plus de chances que moi de ce côté-là, mais je ne pouvais m'empêcher de douter.

PHENOMENE - Parce que le combat ne sera jamais terminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant