La journée du lendemain fut éprouvante au plus haut point. Il fallut décider de ce que nous allions faire de Gabriel avant de partir de chez Hushnan. Trois propositions s'étaient dégagées d'un débat interminable, qui avait quant à lui consisté en un flot de jurons, de menaces et d'une quantité de venin astronomique.
1° Nous pouvions l'abandonner ici et laisser Hushnan se charger de lui – ça, c'était l'idée de cet abruti, que mon abruti de copain était tenté d'accepter.
2° Skyler pouvait s'en charger lui-même – idée contre laquelle j'avais piqué une crise encore plus violente que la précédente, ce qui l'avait amené à condescendre à l'abandonner sur le bord de la route sans lui faire le moindre mal.
3° Il faisait partie du voyage et resterait avec nous jusqu'à ce que je ne représente plus une menace pour lui.
Il était évident que les Duplicateurs essaieraient de le retrouver quand ils auraient compris qu'il s'était lancé à ma recherche – vu qu'il avait quitté l'enceinte de l'Iron sans même en avertir un de ses camarades, les soupçons se porteraient immédiatement sur moi, surtout sachant combien nous avions toujours été proches lui et moi. Sans avoir besoin de le préciser, je sous-entendais qu'une fois morte, Gaby ne leur serait plus d'aucune utilité. Il serait toujours temps de mentir et d'inventer un bateau que je ne serais plus là pour contredire sous l'effet de la torture ou de quoi que ce soit d'autre. De plus, là où le professeur Kendra avait immédiatement compris que j'étais un Phénomène, Gabriel ne s'était quant à lui jamais fait démasqué. Il lui suffirait seulement de vivre encore quelque temps là-bas, avant de prétexter une envie de quitter le système pour être définitivement tranquille. Du moins, je l'espérais.
Finalement, après bien des difficultés, j'avais réussi à faire primer mon avis – et par conséquent, celui de mon meilleur ami –, non sans avoir eu au préalable recours à une bonne dose de chantage déloyal, mais nécessaire. Le moment du départ fut quasi-surréaliste, Skyler, Gabriel et moi réunis au cours d'un même voyage. Ils avaient néanmoins convenus de rester dans leur véhicule respectif, afin d'éviter tout contact inutile. J'avais l'impression de revenir au temps où Jane et mon compagnon avaient appris à se supporter, mais en bien pire cette fois. Je n'avais même pas la moindre once d'espoir de réconciliation de leur part. Nous fîmes le trajet de Jackson jusqu'à Macon en nous accordant de rares pauses, et n'arrivâmes que tard dans la soirée.
En retrouvant les paysages de ma ville natale, je sentis l'excitation parcourir mes veines. J'avais l'impression de ne pas y avoir remis les pieds depuis des siècles, m'attendant à ce que mon petit monde ait singulièrement changé en notre absence. Mais j'aurais dû me douter que si je n'avais pas ressenti un tel effet lorsque Jane et moi y étions revenues après de nombreuses années passées avec notre mère, je ne me sentirais probablement pas dépaysée après une petite année. Lorsque nous tournâmes à l'angle de la GA-49 et atterrîmes pile devant notre ancienne maison, j'eus envie de pleurer de nervosité.
- Tu es sûr qu'elle nous attend ? murmurai-je en l'imaginant stressée derrière la porte d'entrée.
- C'est toi qu'elle attend, précisa-t-il en hochant positivement la tête. Je crois qu'elle n'en a rien à faire de l'autre hurluberlu.
- Skyler ! protestai-je.
- Ne me regarde pas comme ça, c'est la vérité. Tu auras déjà de la chance si elle ne le tue pas. Souviens-toi quand elle m'a vu débarquer la première fois. L'idée lui a vraiment traversé l'esprit, tu peux me croire. Alors un Duplicateur...
- Le fait que je ne sois pas en train de l'embrasser devrait jouer en ma faveur, n'est-ce pas ?
Il se fendit d'un sourire complice. J'ouvris la portière et respirai l'air nocturne glacial. En frissonnant, je fis signe à Gabriel de baisser la vitre de sa voiture, restée à l'arrêt à côté de nous.
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PHENOMENE - Parce que le combat ne sera jamais terminé
Science FictionEireen vit depuis toujours dans un Centre de Conditionnement sans en connaître la raison. Lassée de cette vie coupée du monde, elle se voit offrir à son dix-septième anniversaire la chance inespérée d'obtenir des réponses à ses questions. Brusquemen...