15. LE DÉBUT DE LA FIN (PARTIE IV)

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- J'ai mal à la tête, admis-je alors que je sentais comme un nuage compact faire pression sur mon crâne. Je déteste être malade. Ça me fait toujours le même effet.

- Attends, je vais te trouver de l'aspirine, lança-t-il en ouvrant la porte sur laquelle il s'était appuyé.

- Si Gianna te voyait...

- Elle serait furax, finit-il à ma place en haussant les épaules, malgré le geste affirmatif de sa tête. Ils ont détourné un convoi de compresses, ou quoi ? râla-t-il lorsqu'un petit tas de gaze hydrophile tomba sur le sol. Il y aurait de quoi rhabiller une momie, là-dedans !

Il les remit en place avant de refermer l'armoire, et de chercher son bonheur dans une autre.

- Ah, c'est mieux, observa-t-il en attrapant un flacon de comprimés qu'il agita dans sa main, avant de le reposer.

Il fouilla et dérangea beaucoup d'autres flacons du même type.

- C'est vraiment la caverne d'Ali Baba pour les drogués, fit-il en fronçant les sourcils. Et pas une boîte d'Advil dans tout ça, bien sûr. Eh, attends !

- Tu as enfin trouvé ce que tu cherchais ?

- Pas exactement, répondit-il d'une voix blanche.

Je l'observai avec inquiétude.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

Je me retins d'ajouter « encore ».

- C'est écrit « Pour Dani » là-dessus, articula-t-il avec peine, les yeux rivés sur le bouchon rouge d'un tube transparent, rempli de pilules rouges et oranges, qui me parurent tout sauf inoffensives.

- Dani suit un traitement ? crus-je comprendre. Il est malade ?

- Non, Eireen, contesta-t-il en s'emportant progressivement. C'est un émétique.

Le poids de sa révélation s'abattit de tout son poids sur mes épaules.

- Il n'a pas pu faire ça, niai-je d'une petite voix. Non, non, non, non !

- Tu avais raison, haussa-t-il la voix, furieux comme je ne l'avais encore jamais vu l'être. Je lui ai fait confiance, je lui ai demandé de nous aider, et ce fumier n'a rien trouvé de mieux que de t'empoisonner !

Sa voix avait dû porter jusqu'au bout du couloir. En priant le ciel pour que personne ne soit passé par là à cet instant précis, je me relevai d'un coup et le pris dans mes bras.

- Calme-toi, tentai-je de l'apaiser.

Le fait d'avoir sa sœur dans les bras ne le fit pas redescendre pour autant, mais lui ôta au moins l'envie de fracasser la porte métallique.

- Je suis désolé, tellement désolé, gronda-t-il en serrant ma tête contre son épaule, comme s'il comptait me protéger de la vue des ennemis qui avaient surgi tout autour de nous. Tu avais raison. Tu m'avais dit de ne pas faire confiance à n'importe qui.

- Ce n'était pas n'importe qui, objectai-je en reculant pour le regarder dans les yeux. C'était ton meilleur ami avant que je ne débarque dans ta vie, et vous avez tout partagé ensemble. Je ne t'ai pas dit que tu avais tort de te confier à lui parce que je me doutais de quoi que ce soit le concernant ou parce mon instinct me criait qu'il représentait déjà une menace. J'étais seulement convaincue qu'on était capable de faire cavalier seul. Et là-dessus, j'avais tort, puisque je ne sais pas comment on va faire pour partir de l'Iron sans déclencher des soupçons qui nous mèneront à une bataille perdue d'avance.

- Je vais le tuer quand même, rétorqua-t-il d'une voix un peu moins brutale néanmoins.

- Mauvaise idée, contrai-je en secouant la tête. Je te rappelle qu'on a une mission à remplir.

- Et je vais régler ça en deux temps trois mouvements.

Sa détermination m'inquiéta.

- Il n'est plus temps de s'embarrasser de faux semblants, maintenant, continua-t-il. On ne fera plus profil bas très longtemps.

- C'est-à-dire ?

- Nous allons là-bas et nous attendons d'être seuls – ce sera dur, mais on y arrivera. Je pirate leur banque de données sans chercher à effacer mes traces, ce qui réduira certes le temps qu'ils mettront à remonter jusqu'à nous, mais qui nous en laissera suffisamment pour prendre la fuite sans que personne ne songe sur l'instant à nous arrêter. Mais tout va se passer très vite, alors je veux que tu te tiennes prête.

La nouvelle de la trahison de Dani avait visiblement bouleversé ses plans. En effet, d'ici peu, nous ne serions définitivement plus en sécurité, ici. Autant que tout se passe au plus vite. En plus, nos compagnons respectifs devaient s'impatienter depuis les deux semaines que nous étions partis.

- Je serai prête, assurai-je. Je le suis déjà.

Après une courte seconde de silence où nous prîmes la mesure de ce que nous allions faire, nous fonçâmes au laboratoire. Gabriel demanda à ce que je passe des examens pour le rassurer, du moins en apparence. Le professeur Kendra me toisa d'un air désagréable qu'elle s'efforça de dissimuler, avant d'y consentir. Elle lui assura qu'il ne pouvait pas rester avec moi durant les tests, déclarant qu'il nuirait incontestablement au bon déroulement de ceux-ci. Il fit mine de rechigner, mais je savais qu'il était intérieurement soulagé. Nous avions compté sur cette réaction pour que Gabriel puisse s'absenter et mener ses ultimes recherches. Comble de l'ironie, elle l'envoya là où il avait partagé des instants tellement privilégiés avec Spencer, précisant la momentanée absence de celui-ci. Je me souvins de ne plus jamais mettre en doute l'existence de notre bonne étoile – même si elle ne remplissait son office qu'une heure sur les 8 760 autres de l'année. Aujourd'hui, il ne m'en fallait pas plus.

- Restez avec Cassie une minute, me somma-t-elle d'un ton cassant, en fusillant celle-ci du regard en signe d'avertissement.

La porte claqua derrière nous, et je songeai que c'était une bonne chose que nous ne nous attardions pas plus longtemps sur notre comédie en ces lieux. Je m'attendais presque à ce qu'il soit déjà trop tard.

- Ça va ? la saluai-je avec un mince sourire.

Cassandre baissa les yeux en hochant à peine la tête.

- Tu en es sûre ? ne pus-je m'empêcher d'insister.

Elle me répondit de la même manière, et passa près de moi pour attraper un document sur l'un des bureaux. La lumière se refléta sur sa joue, et je fus suffisamment près pour remarquer la couleur bleutée que cachait efficacement une couche de fond de teint qui ne lui était pas coutumière. Je ne pus retenir un petit hoquet de stupeur, même si je m'étais pourtant attendue à une issue bien pire la concernant. Le simple fait de la voir dans ce bureau m'avait laissé croire qu'elle avait eu droit à un meilleur sort que celui que je lui avais présagé. Mais l'hématome impressionnant qui lui recouvrait la moitié du visage, comme je pus le constater une fois que je fis abstraction du subterfuge très habile de son maquillage, marquait indubitablement l'embrasement de notre couverture.

Comme je le soupçonnais déjà, tous nos subterfuges reposaient désormais en un tas de cendres. Quiconque ayant un peu de jugeote aurait compris que les informations que nous avions échangées avec Cassie ne pouvaient pas être le fruit d'un simple badinage, dans mon cas.


PHENOMENE - Parce que le combat ne sera jamais terminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant