- Comment tu te sens ? s'enquit l'homme en blanc, l'air soucieux.
Je m'obstinai à ne rien répondre. Je n'arrivais toujours pas à digérer la manière dont je m'étais faite berner, et n'étais pas prête à ce que l'on m'y reprenne.
- Tu n'es pas très loquace, on dirait, constata-t-il. J'imagine que ça te passera avec le temps.
Avec le temps... Cela signifiait-il qu'il m'en restait encore à vivre ? Pourquoi seulement espérer qu'une telle chose soit possible ? L'espoir m'était interdit.
- Je me doute que tu dois te poser une multitude de questions en ce moment-même, reprit le vieil homme. À commencer par d'où te vient cette fichue migraine, se mit-il à rire.
Je fis mine d'être surprise. Je n'avais pas oublié ce que Gabriel m'avait demandé. Ce n'était pas parce qu'il m'avait trahie que je devais lui rendre la pareille – surtout si cela pouvait m'attirer des ennuis supplémentaires, chose que j'étais encore capable de croire, même si ce n'était que ses dires, après tout. S'il lui restait un minimum de conscience, il aurait peut-être la décence de se sentir coupable de m'avoir fait une chose pareille sans aucun motif valable, une fois que je serais morte. En particulier si de mon côté, je m'en étais tenu à ce que nous avions convenu.
- Oh, rassure-toi, je ne lis pas dans les pensées, plaisanta-t-il. C'est seulement que tu n'es pas la seule à être passée par-là. Tu dois déjà t'en douter, je pense. Tous ceux qui sont présents ici – il engloba le groupe d'un geste du bras – ont traversé la même épreuve.
Vraiment ? pensai-je. Ils se sont tous fait électrocuter jusqu'à la mort et ils ont malgré tout accepté de rester ici ? Je ne pouvais évidemment pas répondre cela, mais je ne pus cependant retenir une moue sceptique. Je notai au passage le froncement de sourcils de Gabriel, qui avait rejoint le groupe derrière le vieil homme.
- Je t'assure que c'est la pure vérité. Mais je conçois ta désorientation. Ne t'en fais pas, l'heure est venue de tout t'expliquer.
- J'ai déjà entendu ça quelque part, répliquai-je sèchement. Mais je ne sais toujours rien pour le moment, et je suis même encore plus perdue qu'avant.
- Bien, se réjouit-il. Pour un premier discours fait devant notre assemblée, je t'assure que nous avons déjà entendu pire, ajouta-t-il en jetant un coup d'œil par-dessus son épaule.
Plusieurs visages se fendirent d'un sourire. C'était complètement idiot, mais j'étais presque rassurée de savoir que d'autres avaient vécu cette épreuve d'une manière pire que la mienne. Au moins, cela signifiait que je ne gérais pas la situation si mal que ça.
- Que dirais-tu de t'asseoir, histoire qu'on discute un peu ? me proposa-t-il en me désignant le banc qui se tenait sur ma gauche.
J'acceptai son invitation. J'aurais préféré être capable de lui tenir tête en restant debout, mais je me sentais trop faible physiquement pour pouvoir tenir le coup encore bien longtemps. Et puis, j'étais suffisamment observée comme ça.
Je pris place en travers du banc, une jambe repliée sous l'autre. J'avais conscience que ce n'était pas une tenue très correcte, mais ils devraient s'en contenter. L'homme prit place en face de moi, un bras appuyé sur la table et les jambes traînant dans l'allée.
Ce fut alors comme si un signal venait d'être lancé. Les spectateurs avancèrent brusquement et je me sentis aussitôt menacée. J'allais me relever d'un bond lorsque la main de l'ancien se posa sur mon bras. Il m'arrêta d'un regard et je constatai bien vite mon erreur. En effet, tout le monde s'installait sur les bancs, la majorité en face de nous, de l'autre côté de la table. Personne ne s'était assis derrière moi. Le plus proche de nous était Gabriel, et encore se tenait-il à deux ou trois places derrière le doyen.
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PHENOMENE - Parce que le combat ne sera jamais terminé
Ciencia FicciónEireen vit depuis toujours dans un Centre de Conditionnement sans en connaître la raison. Lassée de cette vie coupée du monde, elle se voit offrir à son dix-septième anniversaire la chance inespérée d'obtenir des réponses à ses questions. Brusquemen...