12. NOS ÉTOILES CONTRAIRES (PARTIE II)

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Sans un mot, je me levai du lit et ne m'attardai qu'une seconde sur le pas de la porte. Devant l'air sombre de son visage, je redescendis les escaliers le cœur serré. Arrivée au pied de ceux-ci, j'allai chercher un plaid dans le placard et le jetai sur mes épaules, avant de regagner le salon d'une démarche traînante. Je me laissai tomber dans le canapé aux côtés de Skyler et posai ma tête sur son épaule en rabattant mes jambes sous moi.

- J'aimerais que la vie soit plus simple, quelquefois, soupirai-je longuement.

- Bienvenue au club, répondit Sky en appuyant sa joue sur le sommet de mon crâne, un bras passé autour de mes épaules.

- Pourquoi tu le protèges comme ça ? m'interrogea ma sœur, sur la défensive.

Elle s'était renfoncée dans son fauteuil non-loin de nous, les bras croisés.

- Il m'a énormément soutenue là-bas. Dans la vie qu'ils m'ont créé, j'étais seule depuis très longtemps, depuis mon enfance, en fait. Aujourd'hui encore, malgré ma mémoire retrouvée, j'ai des difficultés à reconnaître le vrai du faux. C'est encore récent... et confus.

Je réfléchis un moment, et décidai qu'il était temps de raconter tout ce qu'il m'était arrivé depuis notre séparation.

- J'imagine que Kyle t'a déjà raconté comment s'est passé notre accident, fis-je en frissonnant malgré moi.

- Plusieurs fois, reconnut-il en resserrant son étreinte.

- J'ai été enlevé par deux types, poursuivis-je en évitant volontairement de les nommer pour le moment. Je crois que l'accident m'a plongé dans le coma. Toujours est-il qu'entre ce jour...

- C'était le treize novembre, précisa-t-il au passage.

- Qu'entre le treize novembre et début décembre, je ne me souviens absolument de rien. Ensuite, quand j'ai atterri au Centre de Conditionnement, j'avais la certitude d'y avoir vécu toute ma vie. C'est dans les deux mois qui ont suivi que ça s'est gâté. J'ai cru sur le moment que c'était le fait de vieillir qui me poussait à vouloir sortir de ma prison dorée, mais j'ignorais alors que cette progressive défection correspondait en réalité au délai écoulé depuis ma mise en cellule. Pour mon dix-septième anniversaire, ils ont décidé qu'il était temps de m'insérer dans l'Iron Shell, avec mes « congénères ». Mais je devais d'abord en passer par une opération... douloureuse. Ils appellent ça un Choc Électromagnétique de Stabilisation. C'était aussi horrible que son nom le laisse entendre. Je n'ai appris que plus tard que je n'étais pas censé me souvenir de ce qu'on m'avait infligé juste avant et pendant le processus. C'est ce qui a fini de me pousser à me méfier de ceux qui m'entouraient. Mais Gabriel a été là dès le début, et c'est grâce à lui que j'ai évité d'attirer l'attention sur ce que je n'aurais pas dû savoir. Parce qu'il est lui aussi un Phénomène.

- Qu'est-ce que tu entends par là ? me coupa ma sœur, dubitative.

- Il n'y a pas que trois catégories de personnes, comme nous l'avons toujours cru jusque-là. Il y a les Humains, les Cérébrals, dont les pouvoirs se manifestent très vite, et il y a les Duplicateurs, dont une région latente de leur cerveau abrite une capacité annihilatrice, ou plus précisément adaptative. Passé un certain âge, cette région se développe au-delà du raisonnable et entraîne des ravages irréversibles. C'est pourquoi tous les Duplicateurs doivent passer par le CES pour libérer leurs facultés. Mais dans mon cas, comme dans celui de Gabriel, il s'est révélé que ça n'a pas donné le même résultat. J'ai une théorie sur ce qu'il s'est passé. Je pense qu'après mon accident, ils ont dû s'apercevoir que j'avais perdu, ou du moins bloqué mes facultés de Cérébrals. Leur intervention avait enrayé le processus de mes pouvoirs, ça, je peux vous le garantir. J'étais tout ce qu'il y avait de plus normal durant ces deux mois passés au Centre. Pour une raison que j'ignore encore, il se trouve que j'abritais sans le savoir une partie Duplicateur enfouie dans mon cerveau. À défaut de pouvoir exploiter mon côté Cérébral, ils ont libéré cette autre facette de ma nature profonde. Mais au cours de l'opération, mes dons sont inexplicablement remontés à la surface et ils ont fait de moi un Phénomène, un être hybride. Comme Gabriel. C'est ce qui nous a poussé à croire qu'il n'avait pas dû mener exactement la vie qu'il avait crû mené jusque-là.

PHENOMENE - Parce que le combat ne sera jamais terminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant