1. CONTACT (Partie IV)

3.4K 460 191
                                    

Le cortège s'ébranla enfin. Enrique fit rouler le lit en avant et nous nous enfonçâmes progressivement dans l'obscurité. Les trois autres le précédaient, Liam et Sam me flanquant à droite, tandis que Matt leur avait préféré le côté gauche. Mesure de précaution inutile, au vu de la manière dont j'étais scotchée à mon lit.

Le silence ne dura pas bien longtemps, malheureusement. Moins d'une vingtaine de secondes plus tard, Liam commença à se plaindre.

- Matt, c'est pas la peine de rester de l'autre côté. Viens m'éclairer, j'y vois rien sans les lunettes.

- Ça va, j'arrive, soupira l'intéressé en me contournant pour aller rejoindre les deux autres.

- En tout cas, c'est la première et dernière fois que je fais ce sale boulot, commenta Sam au bout d'un moment.

- Tu t'en es pas trop mal sorti pour une première fois, lui fit remarquer Liam.

- Normal, il n'avait pas besoin de réfléchir sur ce coup-là, se moqua Enrique.

- Ça va, je crois que Kendra m'a suffisamment cassé de ce côté-là pour ce soir.

- On peut pas dire non plus qu'elle avait vraiment tort ...

- Je te conseille de la fermer, Matt. Je plaisante pas.

- Arrête, tu vas me flanquer les jetons, rigola celui-ci.

- Discute pas et éclaire, intervint Liam.

- Tu sauras la prochaine fois qu'il faut toujours emporter quelque chose pour se dépanner.

- C'était interdit, je te rappelle. T'avais pas le droit d'avoir ce genre de truc ! Elle aurait pu voir nos visages.

- Whouah, le secret ! Hélène nous a tous nommés un par un, je te signale. De toute façon, tu sais bien qu'elle s'en souviendra pas si elle survit. Et puis, tu l'as dit toi-même, t'as pas trop l'air d'y croire, à sa survie.

Ils auraient pu m'épargner, au moins. L'idée que j'allais mourir intégrait lentement mon esprit, comme un poison s'insinuant dans mes veines. Il était horrible d'imaginer que ma vie – si l'on pouvait appeler ça une vie – puisse se terminer d'une manière aussi brutale.

- Ouais, mais imagine qu'on se goure...

- M'étonnerait, l'interrompit-il. On en rediscutera plus tard, je crois qu'on est bientôt arrivés.

Arrivés ? Mais où ça ? Je ne voyais strictement rien. Rien qui aurait pu laisser présager que nous étions arrivés quelque part.

- Eh, pourquoi on s'arrête ? s'exclama Ric, alors que Matt venait de stopper brutalement notre avancée.

- Un dernier truc à faire, répondit-il simplement. T'as pas intérêt à crier, poursuivit-il en m'arrachant l'adhésif de la bouche.

Je n'avais aucune idée de ce qu'il allait faire et n'étais pas très certaine d'avoir envie de le savoir.

- T'as un dernier truc à dire avant d'y passer ? m'interrogea-t-il enfin.

J'humidifiai mes lèvres sèches et réfléchis une seconde, avant de déglutir.

- Si je survis, je vous retrouverai. Tous, lâchai-je.

Ils rirent tous les quatre.

- On verra, on verra, s'esclaffa Matt en recollant la bande sur mes lèvres douloureuses. Allez, fais-la entrer, poursuivit-il en s'adressant à Ric, sans parvenir à s'arrêter de pouffer.

Un grincement de porte se fit entendre. Quelques secondes plus tard, le lit arrêta sa course, au beau milieu du noir complet. Les bruits de pas s'éloignèrent et une porte tourna sur ses gonds, avant que le silence ne finisse par être total. Je me mis à trembler violemment. Ils n'allaient quand même pas me laisser ici, toute seule, dans l'obscurité ? Le venin de la détresse commençait à me paralyser peu à peu et je n'avais même plus le courage de transpercer le silence par mes gémissements étouffés. Mon cerveau se refusait à réfléchir froidement, et j'étais incapable de trouver une raison tangible à ce brusque retournement de situation. Je me souvenais de quelle avait été ma première idée, à savoir que ce qu'il venait de se passer et ma prochaine connaissance de la vérité étaient liés. Mais je ne comprenais pas en quoi cette violence absurde allait m'amener à connaître ma véritable histoire. C'était illogique. Ils s'étaient trompés de personne, ça ne pouvait être que ça. Je m'évertuais à croire à cette possibilité, en vain.

Tout avait été soigneusement prémédité, en réalité. Démarrer l'opération au beau milieu de la nuit, histoire d'endormir ma vigilance. Me laisser entendre que rien ne bougerait avant trois jours, de sorte que je ne puisse m'attendre à rien de ce genre. J'étais bel et bien visée. Restait à savoir ce qu'il allait bien pouvoir advenir de ma personne. J'allais mourir, certains en semblaient convaincus. Je n'acceptais pas encore cette idée – qui aurait pu accepter l'idée d'être bientôt sur le point d'y passer ? – mais je devais l'envisager comme un fait établi.

Une seule chose parvenait à supplanter mes autres angoisses, la crainte de devoir souffrir avant que tout ne soit terminé. Car ce ne serait pas aussi simple que de fermer les yeux et de s'endormir, j'avais vraiment du mal à y croire.

Le grincement d'une porte se fit de nouveau entendre et le bruit d'un claquement de talons résonna dans la pièce. Je devinai bien évidemment de qui il s'agissait, et compris alors que l'épilogue de mon histoire allait bientôt se jouer. J'avais beau avoir eu très peu de temps pour intégrer ce fait, l'implication de cette femme ne pouvait laisser place au doute.

Je n'y comprenais décidément rien. Pourquoi m'avoir élevée durant dix-sept années dans ce centre, pour finalement m'envoyer à l'abattoir comme elle s'apprêtait à le faire ? C'était déroutant. Ma vie était déroutante. Et ma mort – je frissonnai à cette pensée – allait l'être tout autant.


PHENOMENE - Parce que le combat ne sera jamais terminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant