11. L'OEIL DU CYCLONE (PARTIE III)

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Une fois séchée et mes cheveux plus ou moins essorés, je choisis d'enfiler la veste de Skyler malgré les affaires qui n'attendaient plus que moi. Je rabattis la capuche – une chose que j'avais toujours aimé faire, y compris durant ma véritable vie – et observai le tissu s'imbiber progressivement d'eau. Les cheveux collés dans mon dos dégouttèrent sur ma peau, me procurant de violents frissons. Je ne remarquai qu'après un temps le fugace reflet violet dans le miroir. Stupéfaite, je découvris pour la première fois l'étendue de ma condition d'Éphémère, mes pupilles se rétrécissant lorsque j'écarquillai les yeux. Une magnifique mais inquiétante couleur qui oscillait entre l'améthyste et la violine parcourait la moindre veinule de mes iris, pour se renforcer en un cercle violet parfait autour de mes prunelles.

Au-delà du choc, quelque chose me frappa subitement. Comment, en me voyant débarquer comme une fleur chez lui, Hushnan avait-il pu réagir aussi naturellement, comme si nous nous connaissions depuis toujours ? Il n'avait manifesté aucune méfiance, ni même la moindre once de révulsion à l'idée d'accueillir un Duplicateur chez lui. À moins qu'il ne soit au courant de ma moitié Cérébral... Par quel miracle, je n'aurais su le dire, mais il allait falloir que j'en discute sérieusement avec Kyle. Je ne tenais pas à ce que son ami débarque subitement au milieu de la nuit pour me trancher la gorge dans mon sommeil. Plus perturbée que je ne le pensais par mon regard surnaturel, je tournai les talons et sortis de la salle de bain en réajustant le bas de ma veste.

- C'est marrant, quand c'est moi qui la porte, ça ne rend pas du tout la même chose, observa Kyle en lançant un regard insistant sur ma tenue.

Il était revenu dans la chambre sans que je m'en aperçoive – un rapide coup d'œil à l'horloge m'apprit que j'avais tout de même passé près d'une demi-heure sous la douche –, appuyé contre le chambranle de la porte d'entrée. Je m'approchai de lui jusqu'à ce que nos visages ne soient plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Je l'embrassai avec une lenteur délibérée, guettant le moment où je parviendrais enfin à détourner son attention. Il finit par céder en attrapant mon visage, avant de faire glisser la fermeture de ma veste vers le bas. Ses doigts se mirent à courir le long de ma gorge, alors même qu'il s'écartait de mon visage.

- Tu as conscience qu'il va falloir qu'on parle ?

Il n'attendit même pas ma réponse pour recommencer à m'embrasser.

- Plus tard, éludai-je entre deux baisers.

Je n'avais vraiment pas envie de discuter maintenant. Nous aurions tout le temps plus tard et je n'avais qu'une envie pour le moment : être avec lui, et rien d'autre. Skyler me souleva de terre et mes jambes emprisonnèrent sa taille, jusqu'à ce qu'il finisse par me jeter sur le lit. Alors que je venais tout juste de parvenir à lui enlever sa chemise, des coups répétés à la porte se firent entendre.

- C'est pas vrai, soupirâmes-nous à l'unisson.

Skyler posa un baiser sur ma gorge avant de se relever d'un mouvement leste.

- J'arrive, fit-il en tendant la main vers sa chemise que je tenais toujours.

Je me redressai sur les coudes, renfrognée.

- Écoute, je te promets que tu pourras me l'enlever quand tu voudras, jura-t-il avec un sourire malicieux. Mais pour l'instant, je vais devoir lui parler et j'aimerais que ce qu'il était en train de se passer ici ne paraisse pas trop évident.

Je la lui rendis en affichant une moue résignée.

- Je suppose que ça vaudrait mieux, en convins-je, avant de me lever à mon tour pour retourner dans la salle de bain. Laisse-moi une minute, je vais m'habiller.

- En toute autre circonstance, je t'aurais interdit de le faire, lança-t-il avec un bref haussement de sourcils, avant de se diriger vers la porte.

- Je sais, répliquai-je en riant.

J'attrapai mon haut vert et mon jean laissés en plan sur le sol, et les enfilai en toute hâte.

- Euh, Eireen...

- J'arrive, l'interrompis-je en tirant sur mes manches longues.

- Ça a l'air d'être urgent, insista-t-il d'une voix rauque.

Je sortis en trombe de la salle de bain et découvris Hushnan dans l'encadrement de la porte, une batte de base-ball tachée de sang à la main. J'ouvris la bouche mais ne pus proférer un son, choquée.

- J'aurais préféré m'occuper de ça tout seul, mais le gars que je viens d'assommer a prétendu être un de tes amis, alors...

- Un Duplicateur ? Un de mes amis ?

Skyler paraissait déconcerté. Le coup d'œil que me lança Hush finit d'éclaircir la situation.

- Je t'ai déjà expliqué qu'elle était un cas particulier. Jamais je ne ferais ami-ami avec un Duplicateur ! Non mais sans...

- Montre-le-moi, le coupai-je, brusquement envahie par un mauvais pressentiment.

- Je te préviens, ce n'est pas joli à voir...

Je n'attendis même pas qu'il termine pour forcer le passage et rejoindre le salon. Dans ma hâte, je trébuchai sur quelque chose placé en travers de mon chemin. J'atterris à deux mains dans les traces de sang dessinées pas la masse rampante qui avait réussi à se traîner jusqu'au canapé. Un dixième de seconde me suffit à le reconnaître – je ne m'étais évidemment pas trompé.

- Gabriel !

Je glissai jusqu'à lui, horrifiée.

- Oh mon Dieu, bredouillai-je alors qu'il arrivait à peine à ouvrir les yeux.

- Eireen ?

Sa voix déjà faible s'éteignit brutalement, et il porta ses deux mains à sa gorge en affichant un air paniqué.

- Arrête ça ! m'écriai-je d'une voix cinglante sans même jeter un regard à Hush.

Celui-ci dût s'exécuter, car Gabriel commença à recouvrer sa respiration.

- C'est ça les amis que tu te fais, maintenant ? parvint-il à plaisanter.

Je lâchai un drôle de rire étranglé en le prenant dans mes bras. Je perçus la frustration et la perplexité derrière moi, et me tournai vers mon soi-disant nouvel ami.

- Connard, lâchai-je d'un air mauvais.

- Eh, oh, j'essayais seulement de garantir ta sécurité...

Je ne l'écoutais déjà plus et aidai Gaby à se remettre debout tant bien que mal. Il porta une main à l'arrière de son crâne avant d'en examiner la teinte écarlate. Inquiète, je jetai un coup d'œil autour de moi et trouvai un coussin qui traînait dans la pièce. J'arrachai la taie d'oreiller sans écouter les protestations qui fusèrent et me dépêchai de la rouler en boule pour la tendre à mon meilleur ami.

- Non mais je rêve ! s'interloqua Hushnan. C'est qui ce mec ?

- Un prétendant un peu trop collant, si tu veux mon avis, répliqua Skyler avec un agacement évident.

Gab et moi échangeâmes un regard.

- Mais il est con ou il le fait exprès ? s'exaspéra-t-il en appuyant sur sa blessure.

Skyler bondit devant lui, prêt à se battre.


PHENOMENE - Parce que le combat ne sera jamais terminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant