J'allais apprendre à mes dépens qu'il n'y avait rien de plus gênant que de dormir toute la nuit de la manière dont je m'étais couchée. C'en était presque douloureux – notamment les endroits où les passants du jean s'enfonçaient dans ma chair, sans compter les minuscules morceaux de métal près des poches. J'étais engoncée, et je n'arrivais pas à m'étendre correctement dans ce haut sans l'entendre craquer d'une manière inquiétante. Je me demandai si Gabriel n'avait pas visé un peu petit en prenant la taille de Brooke comme comparatif, finalement. Ce n'était pourtant pas ce qu'il m'avait semblé quelques heures plus tôt.
Toutefois, ce ne fut pas cette sensation d'inconfort qui me tira de mon sommeil. Je ne fus pas désorientée, cette nuit-là. Je savais parfaitement où je me trouvais et je n'avais pas eu une seconde de réflexion ou de panique en me demandant d'où provenait la respiration voisine. Je n'avais même pas été inquiétée par l'obscurité qui m'environnait – mon camarade avait laissé sa montre de manière à ce qu'elle reste allumée, sur la table de chevet juste à côté de moi. Je notai au passage la gentillesse de son attention – il allait tout de même griller ses piles juste pour que je ne me retrouve pas prise au dépourvu. À moins qu'il n'ait voulu parer une éventuelle réaction violente de ma part si je me réveillais en pleine nuit, ce qui n'allait évidemment pas manquer de le tirer du sommeil à son tour. Mais je me refusais tout de même à croire que son geste ne pouvait être qu'égoïste.
J'écartai la mèche de cheveux que la sueur avait collés sur mon front et notai qu'il était trois heures du matin, à deux minutes près. J'avais horriblement chaud et une drôle de sensation me tordait l'estomac. Une sensation que je n'avais jamais éprouvée jusqu'ici. Mais je n'avais pas besoin de me l'entendre dire pour comprendre instinctivement de quoi il s'agissait. Me levant en hâte, je me débarrassai de mon pull que je jetai sur le sol. Je le regrettai déjà, mais je n'avais pas le choix. Je me sentais beaucoup trop à l'étroit et crasseuse pour rester comme ça. Je décidai toutefois de jeter une couverture sur mes épaules en songeant à ce que je m'apprêtais à faire. Si je devais réveiller mon camarade, autant éviter de se retrouver dans la même situation que la première fois.
- Gabriel, chuchotai-je en allumant la lampe, qui ne commença par émettre qu'une faible clarté.
Je sentis sa respiration s'accélérer. Il s'était éveillé au son de ma voix, mais n'avait pas l'air de vouloir réagir. Mais à quoi jouait-il ?
- Gabriel ! réitérai-je en m'impatientant quelque peu.
S'il attendait trop, ce serait à ses risques et périls. Je vis bien les coins de sa bouche frémir mais ne compris ce qu'il attendait de moi qu'une ou deux secondes plus tard.
- Gaby, soupirai-je en plaquant une main devant ma bouche.
Je sentais que cela n'allait plus tarder. Bon sang, mais il allait se bouger, oui ! Ce crétin afficha finalement un large sourire et je pus enfin croiser son regard bleu amusé.
- Je ne me sens pas bien, haletai-je en sentant mon pouls s'emballer.
Des points commencèrent à danser devant mes yeux et je me sentis vaciller. Gaby sauta sur ses pieds avec une promptitude déconcertante et me retint avant que je ne bascule.
- Il faut que j'aille...
Je ne terminai pas ma phrase, consciente que si je me risquais à ouvrir la bouche, je ne parviendrais pas à garder un semblant de dignité. Quoique, je me fichais pas mal de ma dignité pour le moment.
Il n'eut néanmoins pas besoin de mes explications pour comprendre ce que je désirais. Du moins, ce fut ce que je crus jusqu'à ce qu'il n'ouvre en grand son armoire et n'entre à l'intérieur, m'entraînant à sa suite sans me lâcher la main. Je n'essayai même pas de lui demander ce qu'il trafiquait – il fallait à tout prix que je reste concentrée. Il glissa sa main droite dans un petit renfoncement qui épousait à peine la forme de ses doigts et fit coulisser d'un seul coup le battant en bois vers la gauche. Une lumière automatique se diffusa dans la pièce qui s'était ouverte devant moi, et je dus cligner des yeux à plusieurs reprises tant elle était aveuglante. Elle me rappelait étrangement celle de ma cellule au centre. Quoique, il n'y avait sûrement rien d'étrange là-dedans.
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PHENOMENE - Parce que le combat ne sera jamais terminé
Bilim KurguEireen vit depuis toujours dans un Centre de Conditionnement sans en connaître la raison. Lassée de cette vie coupée du monde, elle se voit offrir à son dix-septième anniversaire la chance inespérée d'obtenir des réponses à ses questions. Brusquemen...