15. LE DÉBUT DE LA FIN (PARTIE I)

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Hélène revint me voir aux alentours de 19 heures, flanquée de Jefferson et d'un type un peu effrayant, habillé tout en noir. Il avait vaguement l'air d'un vigile, d'allure plutôt mince de premier abord, mais sous le tee-shirt duquel se dessinait une certaine musculature.

- Mlle Seaburn, je vous prierai de suivre Stefan là où il vous emmènera.

L'assistante obéit à sa supérieure, un peu prise au dépourvue. Le regard qu'elle me lança était mâtiné de crainte, mais sa physionomie laissait entrevoir la manière dont elle tentait de se rassurer. Je pouvais presque l'entendre se persuader que la raison pour laquelle on l'emmenait devait être logique. Je me doutais quant à moi de ce qui allait suivre pour elle. Une fois qu'elle eut disparu, Jefferson prit la parole et commença de manière décontractée, comme s'il allait m'annoncer une bonne nouvelle.

- Eireen, je suis content de te revoir ! me salua-t-il d'un hochement de tête appuyé. Comment vous vous portez, tous les deux ?

- Nous nous portons comme un charme, si l'on en croit les nombreux examens du professeur Kendra, répliquai-je avec un sourire circonspect.

- Oui, c'est ce qu'elle m'a confié, admit-il. J'en suis soulagé. Néanmoins, cela fait deux semaines que tu es ici à présent, et nous n'avons toujours pas trouvé de solution en ce qui te concerne. Nous aimerions faire une petite expérience.

- Laquelle ? m'enquis-je, flairant le piège.

- Nous pensons qu'il serait utile de tester si votre présence mutuelle vous affecte réellement ou non.

- Vous voulez dire, Gabriel et moi ? Ensemble ?

Je ne m'attendais pas au tour que prenait la conversation, mais m'efforçai néanmoins d'afficher la réaction de bonheur qui s'imposait en la circonstance.

- Si le résultat est négatif, vous aurez tôt fait de vous séparer et d'avoir néanmoins eu la chance de vous revoir pour un petit moment, poursuivit-il. Mais si le résultat est positif, même si ça ne nous avancera pas beaucoup de notre côté, vous pourrez définitivement rester ensemble pour affronter ça. Je t'avouerai que j'ai également derrière la tête l'idée que tu puisses convaincre Gabriel de régler la partie du problème qui le concerne.

- J'ai déjà essayé, soupirai-je, mais... j'essaierai encore, je vous le promets. En tout cas, je vous remercie. Quand est-ce que je pourrai le revoir ?

- Eh bien, que penserais-tu d'immédiatement ?

J'eus malgré moi un mouvement de joie, qui trahit mon impatience. Enfin, j'allais pouvoir parler à mon meilleur ami !

- Allons-y, rit le vieil homme en m'escortant jusqu'au centre médical.

- Au revoir, lançai-je à ma tutrice en passant.

- À bientôt, répondit-elle en me dévisageant d'un air en apparence neutre, mais qui ne me trompa pas sur ses véritables sentiments à mon égard.

Jefferson me mena au bout du couloir où j'avais été séparé de mon meilleur ami et m'enjoignis de finir le chemin retour toute seule. J'eus le sentiment d'être expédiée, mais ne m'en plaignis pas. Tandis que le vieil homme repartait faire je ne savais trop quoi, je me dépêchai de remonter les couloirs et atterris enfin au centre médical, déserté. Je franchis le sas et tombai sur Gabriel, appuyé contre une armoire métallique. Il décroisa les bras en m'apercevant, et je m'y jetai sans attendre son invitation. J'étais tellement heureuse de le revoir ! Deux semaines sans jamais croiser un visage familier et en lequel je pouvais avoir confiance commençait sérieusement à me peser.

- Viens ! se dépêcha-t-il de lancer en m'entraînant à sa suite.

Il me guida jusqu'à la Réserve en deux temps trois mouvements. Nous nous postâmes tout au fond, derrière des piles de draps qui devaient étouffer les sons.

- Tu vas bien ? me demanda-t-il, tous les sens en alerte.

Je hochai la tête de manière assurée et lui retournai la question.

- Ne t'en fais pas pour moi, fit-il en balayant mes paroles d'un geste de la main. Je vais bien.

- Tu n'essaierais pas de me mentir là-dessus, hein ?

Je ne tenais pas à ce qu'il me cache des choses par-dessus le marché. J'étais tout à fait capable de les affronter.

- Bien sûr que non, assura-t-il. Fais-moi confiance.

- Tu sais très bien que tu es le seul en qui j'ai confiance, ici. Ce qui n'est pas ton cas.

- Je savais bien que tu ne perdrais pas le nord, soupira-t-il sans pouvoir réprimer un sourire, néanmoins.

- Alors, comment ça s'est passé avec Dani ?

- Je n'ai pas pu lui parler tout de suite. Les premiers jours, j'ai préféré me tenir à carreau au labo. J'étais sous la relative surveillance d'un scientifique de seize ans, tu le crois ? Spencer m'arrive à l'épaule et ils utilisent ça pour me fliquer !

Une idée s'insinua dans mon esprit.

- Je crois qu'ils essaient de nous mettre en confiance, expliquai-je en jouant avec ma lèvre inférieure. Il y a une fille avec moi, Cassie, avec qui le courant est passé tout de suite. Je crois que le fait qu'ils soient jeunes et côtoient une société restreinte les poussent à se lier plus vite avec nous. C'est une manière de nous faire pactiser avec l'ennemi, pourquoi pas de nous confier à lui, en faisant en sorte que nous ne puissions pas soupçonner la manœuvre d'un côté comme de l'autre.

- Je t'arrête tout de suite, le courant n'est pas si bien passé que ça avec 1 m 12, rétorqua-t-il en levant les deux mains devant lui. C'en était à un point où j'aurais pu lui faire bouffer ses lunettes dès qu'il ouvrait sa bouche d'intello !

- Ils ont peut-être misé sur le mauvais cheval avec toi, mais ils ne se sont pas trompés sur Cassie et moi, fis-je valoir. Ça va d'ailleurs lui causer de sacrés ennuis.

Je lui expliquai toutes les données que j'avais pu lui soutirer et la manière dont tout avait été flanqué par terre.

- Ils vont la faire avouer, conclus-je d'un air sombre. Je ne donne pas cher de notre peau s'ils comprennent jusqu'à quel point nous connaissons la vérité. Surtout en ce qui me concerne.

- On sait au moins qu'on ne faisait pas fausse route. Mais je n'ai pas eu assez de temps pour comprendre comment accéder à leur base de données sans laisser de traces. Il y a pas mal d'histoires d'identifiants et de combinaisons terrifiantes. Il me faudrait encore quelques jours.

- Je pense qu'ils vont jouer la comédie du test une petite semaine avant de nous renvoyer là-bas. Ce sera à toi de te magner pour effectuer tes dernières recherches et nous n'aurons plus qu'à nous tirer d'ici. Kyle et Jane ne vont plus se tenir à l'écart très longtemps.

Il ferma les yeux à cette perspective.


PHENOMENE - Parce que le combat ne sera jamais terminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant