18. JUSQU'À CE QUE LA MORT NOUS SÉPARE (PARTIE I)

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Bien des personnes ayant côtoyé la mort de près ont déclaré avoir vu leur vie défiler devant leurs yeux ou encore l'image d'un très long couloir blanc. Certains scientifiques ont déclaré qu'il s'agissait d'un phénomène créé par le cerveau suite à ce qui avait provoqué cette expérience traumatisante. N'en déplaise à cette explication, j'avais plus souvent qu'à mon tour joué avec la mort et n'avais jamais rien vécu de tout cela. Cette fois pas plus que les autres, alors que ça n'avait plus rien d'un jeu, à présent. La vie avait enfin bel et bien eu raison de mon obsession pour elle.

Lorsque je me rendis compte que ma conscience subsistait toujours, ma première pensée brisa le silence du néant. Il y a donc un après ? J'avais toujours été convaincue au fond de moi que la réincarnation était le véritable secret de la vie. Que l'on gardait quelques souvenirs ou passions au passage et qu'on les emportait dans une autre vie. En l'occurrence, ce n'était pas le cas.

Aujourd'hui, pour la première fois de ma vie – enfin, de ma mort –, j'étais capable d'envisager une réponse à l'une des questions qui m'avait toujours hanté l'esprit. Je n'avais jamais réussi à concevoir que l'univers puisse être infini : mon esprit limité m'imposait la règle logique du contenant et du contenu. Selon moi, l'infinité que soulevait cette règle ne pouvait être contrée que dans le cas où le contenant de l'univers ne serait ni plus ni moins que le néant. Mais je n'avais jusqu'ici jamais pu me convaincre de la tangibilité de ce genre de supputation. Je comprenais enfin à quel point le néant, à l'instar de l'univers, pouvait être infini tout en n'étant qu'un seul petit point centralisé. C'était comme de diviser un nombre par zéro. Il y avait une telle infinité de probabilités qu'il était absolument impossible d'en proposer une seule.

Au bout de quelques minutes d'interrogations de ce genre, je notai un élément curieux, qui ne m'avait pas choqué de prime abord. J'entendais quelque chose. Rien qui n'avait de rapport avec ce que j'avais laissé derrière moi, mais plutôt ce genre d'acouphène que l'on entend toujours malgré le fait qu'il n'y ait plus un son autour de soi. Or, mon corps avait définitivement disparu. Était-ce un simple souvenir ou l'effet de mon imagination ? Alors que j'en étais encore à réfléchir, je sentis un changement s'opérer autour de moi. C'était comme si j'avais été ensevelie sous une roche qui commençait à se fissurer dangereusement. Les failles devinrent de plus en plus profondes, jusqu'à ce que je sois en mesure de me glisser entre elles. Et bientôt, je fus assaillie par une myriade de sensations que je croyais définitivement perdues.

L'avalanche d'informations auditives et sensorielles qui déferla en moi provoqua une sorte d'électrochoc. Si le fait de comprendre que j'étais toujours à l'intérieur de mon corps ne m'avait donné la motivation nécessaire pour résister, je serais aussi tôt rentrée sous terre, à la place que j'occupais encore à l'instant. Je tâchai de démêler le flot d'information et finis enfin par percevoir quelque chose de clair.

- Kyle, je t'en prie, calme-toi, le suppliait quelqu'un - Megan ? – non-loin de moi.

- Fais quelque chose, l'adjura celui-ci d'une voix désespérée. Tu en es capable, je t'ai déjà vu à l'œuvre !

- J'ai fait tout ce que j'ai pu, se désola l'autre. Nous avons réussi à faire repartir leur cœur, mais on ne peut rien faire de plus.

- Elle va s'en sortir ? demanda-t-il sur un ton qui laissait présager que son chagrin n'allait plus tarder à imploser.

- Son corps fonctionne, c'est tout ce que je peux te dire. C'est à elle de s'accrocher, à présent.

- Et mon frère ? continua-t-il.

- Je n'ai pas d'autre choix que de te faire la même réponse.

J'entendis Skyler étouffer un sanglot, alors que des bruits de pas s'éloignant faisaient crisser les cailloux.

PHENOMENE - Parce que le combat ne sera jamais terminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant