Orlet

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Le soleil offrait ses premiers rayons à la plaine lorsqu'elle sortit enfin de la forêt de sapins, à la base de toutes les montagnes, continuant de suivre le sentier qui serpentait avec force. À quelques centaines de mètres devant elle, apparaissait la cinquantaine de maisons qui formaient le village de Orlet: des maisons hautes et serrées les unes contre les autres, à plusieurs étages, dans des rues sinueuses et étroites, avec une petite place centrale où se trouvaient le bâtiment de la mairie et l'auberge.

Ce village était un village triste. C'était un village gris, autant dans les briques des maisons que dans la mentalité des gens. Les hautes murailles qui entouraient le village en était la preuve: les étrangers n'étaient pas les bienvenus. Personne n'était bienvenu, d'ailleurs. Le village grinçait. Le village pleurait. Le village hurlait. Mais, tout cela se faisait toujours en silence, un silence glacial qui sentait la mort.

Le seul atout de ce village était la rivière d'argent, brillante de mille scintillements, qui le traversait et descendait droit des montagnes. La rivière n'était pas large, mais elle était profonde. D'expérience, la jeune femme savait que personne ne pouvait avoir pieds dans cette rivière, à aucun endroit. De plus, l'eau était froide. Elle était même glacée! Cette eau descendait directement des montagnes et des neiges éternelles qui siégeaient au sommet de celles-ci, une glaciale neige qui était tellement blanche et tellement pure que le soleil la faisait scintiller de mille feux lorsqu'il brillait dans le ciel. Et, cette eau était claire et translucide. Elle était tellement belle. Elle contrastait fortement avec l'ombre et la grisaille qui régnait dans l'ensemble de ce village qu'elle détestait tellement.

Levah était déjà venue dans ce village, deux ou trois fois, avec son père afin de vendre différents produits comme les céréales en surplus qu'ils faisaient pousser ou les produits artisanaux que sa mère avait toujours fabriqués pour les aider à faire des économies. Elle connaissait ces rues sinueuses tellement sombres, à toutes les heures de la journée, qui étaient recouvertes de pavés sur lesquels de la boue s'accumulait et faisait glisser les pieds et fléchir les chevilles. Heureusement pour elle, Levah avaient toujours aux pieds ses grandes bottes marrons, à petits talons, qui montaient jusqu'à ses genoux et avaient des rigidités sur le côté des chevilles afin de lui assurer un bon maintien et une forme de protection. Des chaussures faites pour marcher pendant des heures sur des dizaines de kilomètres. Ces bottes étaient absolument parfaites pour évoluer dans ce genre d'endroits.

Et, elle connaissait aussi les gens qui avaient toujours vécus dans ce village aux maisons hautes: ces gens étaient des gens froids, durs et hostiles envers toutes les personnes externes au village. Ils n'aimaient pas les étrangers. Ils acceptaient la présence de gens qui venaient faire du commerce dans leur village, sans aucune gentillesse, encore moins de bienveillance. Mais, les étrangers qui voulaient s'installer dedans étaient souvent éconduits par les habitants, voire même chassés de manière violente. C'en était même à se demander comment Lenah et Vatki avaient réussi à les convaincre de les laisser s'installer en plein milieu de ce village, quelques quinze années auparavant...

Derrière le village, la plaine était recouverte d'une fine couche de neige, montrant que l'hiver était arrivé aussi dans cette région: au loin, on pouvait voir quelques vestiges: des ruines et des décombres des anciennes villes des précurseurs dont personne ne comprenait l'utilité. Elle n'avait jamais été plus loin que ce village. Orlet était la limite de son monde, de ce qu'elle connaissait. Après cela, le monde qui s'étendait était un monde inconnu et forcément dangereux pour elle, avec ces hommes en noir, ces esclavagistes, ces rôdeurs et ces bandits qui étaient prêts à l'attaquer et à la soumettre à la moindre occasion qui allait se présenter. Mais, elle se sentait totalement prête à tout cela. La profonde haine qu'elle ressentait était sa meilleure arme défensive dans ce monde hostile et violente.

Les Mondes Séparés: La ChasseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant