Orlet (6)

38 4 0
                                    


Elle finit par se tourner de nouveau en direction de la route. La lune était encore assez pleine et le ciel était toujours dégagé. La plaine légèrement enneigée était recouverte d'une pénombre claire qui lui permettait de voir parfaitement sur des kilomètres et de savoir où elle devait aller. Deux routes se présentaient devant elle: la première semblait se rendre vers le nord-ouest et elle-ne-savait-où. La seconde allait en direction du nord-est, quasiment en ligne droite parfaite, et semblait aller tout droit vers la ville de Pléna. Cette route était parsemée d'énormes blocs, comme des rochers immenses, qui semblaient être des vestiges du temps des précurseurs, des restes de bâtiments qu'ils ne pouvaient même pas imaginer, des bâtiments tellement grands et tellement spacieux qu'on pouvait y mettre certainement des milliers de personnes. Et, ces vestiges le montraient. Des blocs de pierre parfaitement lisses qui semblaient faire plusieurs dizaines de mètres de haut qui étaient là pour le prouver.

La femme soupira avec force et sentit le renard blanc descendre de son épaule afin de se retrouver sur le sol et de se mettre à marcher en direction de la bonne route, comme s'il savait exactement où il devait aller. Elle se décida alors à se mettre à marcher à son tour, suivant le renard qui se mettait à courir de plus en plus vite sur la route, la forçant à marcher elle-aussi de plus en plus vite pour ne pas le perdre.

Ce gardien n'avait-il pas dit que Altarik était capable de sévir contre eux et contre leur famille? Qu'avait-il voulu dire par là? Avait-il voulu dire qu'il était capable de les torturer et de les tuer pour ce qu'ils avaient fait? Elle avait toujours vu Altarik comme un homme dangereux et pervers, mais elle n'aurait jamais cru que ce fusse à ce point-là. Elle ne pensait pas qu'il fut un homme qui était capable de soumettre les autres et de les terroriser comme il semblait le faire actuellement avec ce village.

Son père avait toujours eu raison: les monstres existaient réellement. Ils vivaient parmi eux. Ils ressemblaient aux humains à s'y méprendre. Ils étaient à l'intérieur de tous les humains. Et, ils persécutaient les humains, les détruisant et les envoyant dans une détresse sans fin. Était-cela que ses parents avaient essayé de fuir: les monstres de ce monde? Était-ce pour cela qu'ils avaient décidé de vivre dans des terres reculées dans les montagnes isolées, loin de tous les autres humains? Elle n'en avait aucune idée, mais elle brûlait d'envie de le découvrir. Elle voulait connaître ce qui faisait le passé de ses parents et quels étaient les secrets qu'ils avaient décidé de cacher à leurs enfants.

Sa sœur était-elle passée par cette route avant elle? Ou, les hommes en noir avaient-ils déjà décidé de passer par une autre route? Elle n'avait aucun moyen de le savoir. Des dizaines de chevaux devaient passer sur cette route chaque jour. Il était quasiment impossible de retrouver la trace de cinq chevaux là-dedans. Tout ce qu'elle espérait, c'était que sa sœur allait bien, aussi bien qu'on pouvait aller quand on était enlevé. Tout ce qu'elle espérait, c'était qu'elle était plus forte et plus résistante que ce qu'elle avait toujours paru aux yeux de la jeune femme. Elle devait être forte. Elle n'avait pas le choix, à présent. Elle allait devoir être forte encore pendant quelques semaines avant que la jeune femme ne puisse faire quoi que ce soit pour la sortir de ce destin qui paraissait tellement cruel.

Levah arriva alors à la hauteur des premiers vestiges des précurseurs, ces grands rocs qui, vus de près, ressemblaient d'avantage à d'immenses murs épais et solides qu'autre chose. Elle n'avait jamais vu de telles choses. Elle se demandait à quoi cela pouvait servir. Elle se demandait pourquoi les précurseurs avaient construit quelque chose d'aussi grand et d'aussi imposant, et ce qu'ils avaient fait avec de telles choses. Que pouvait-on faire avec des blocs aussi grands et aussi lourds? Le monde des précurseurs avait semblé être totalement différent de leur monde, de ce qu'ils connaissaient tous. Et, aucune des personnes de ce monde ne semblait capable d'expliquer ce qu'étaient que ces vestiges, ce à quoi ils servaient et ce qu'ils racontaient des précurseurs et de comment ils avaient disparu dans ce que les gens des terres séparées appelaient maintenant le grand cataclysme.

Les Mondes Séparés: La ChasseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant