Les Mondes Séparés: La Chasse

Orlet (2)

En quelques minutes, elle arriva au centre du village, une place pavée qui faisaient quelques dizaines de mètres carrés sur laquelle les gens du village pouvaient se rassembler en diverses occasions. De l'autre côté, elle pouvait apercevoir un large bâtiment qui faisait la taille de quatre ou cinq maisons et qui étaient entièrement gris: l'auberge de Lenah et Vatki. Ce bâtiment était le plus grand et le plus luxueux de ce village. Personne ne pouvait l'éviter. Personne ne pouvait ne pas le voir. Il était un point de repère, pour tous les voyageurs des terres séparées, et un havre de paix pour chacun.

Le fait que les tenants de cette auberge ne soient pas des personnes de ce village, des gens brus, froids et durs, était un avantage certain. Lenah et Vatki étaient des nomades, des nomades qui venaient de l'est des terres séparées, bien loin des montagnes, du Littori et de l'immense océan qu'ils connaissaient tous. Son père lui avait expliqué qu'ils faisaient partie du groupe de personnes qui commerçaient à travers le désert, rassemblant leur partie du monde avec le monde qui se trouvait de l'autre côté des terres de feux. Ils avaient vu tout ce qu'il y avait à voir dans leur monde. Ils connaissaient tout. Ils étaient les personnes qu'il fallait à la jeune femme afin de savoir exactement où se trouvait la Capitale.

Lentement, elle s'avança en direction de l'auberge, sentant le renard blanc lever légèrement la tête afin de regarder ce qu'il se passait autour de lui. Elle arriva devant la porte de l'auberge et l'ouvrit en silence, se retrouvant soudainement dans l'atmosphère chaude et sèche de l'intérieur et sentant un sentiment de soulagement l'envahir. Elle avait soudainement faim. Elle avait soif. Elle avait besoin de prendre un petit-déjeuner avant de pouvoir faire quoi que ce soit d'autre, comme discuter avec les aubergistes.

Elle s'avança alors en direction d'une petite salle avec un bar dans le fond, plusieurs tables avec chacune plusieurs chaises dans lesquelles se trouvaient trois hommes qui déjeunaient en silence. Derrière le bar, elle reconnut tout de suite Vatki, ses longs cheveux blonds tressés, ses grands yeux bleus et sa peau brûlée par les années dans le désert. Il s'affairait à nettoyer des verres et des assiettes avec énergie. Elle s'avança jusqu'à lui et s'asseya sur un tabouret qui se trouvait devant le bar. L'homme l'observa du coin de l'oeil pendant un instant et lui demanda d'une voix calme et détachée:

_Levah! Que fais-tu donc ainsi chez moi? Et, que fais-tu dans mon auberge sans que ton père ne soit là?

_Mon père est mort, répondit simplement la jeune femme en posant les coudes sur le zingue du bar avec fatigue. Elle ne savait pas quoi dire d'autre pour le moment. Elle savait qu'elle devait se méfier de tout le monde, en permanence. Elle savait qu'elle ne devait pas tout dire, mais elle savait aussi qu'elle devait parler. Les hommes en noir étaient forcément passés par Orlet, depuis la veille. Un homme aussi attentif et observateur que Vatki les avait forcément vu passer. Peut-être allait-il pouvoir lui dire par où ils étaient passés, quelle était leur avance et ce qu'elle devait faire pour les rattraper et les tuer. Savait-il aussi où était la Capitale? Elle le sentait. Et, il devait aussi le lui dire. Mais, qu'avait-il besoin de savoir pour lui donner toutes ces informations? Là était la question. En attendant, elle était obligée d'improviser, comme elle avait l'impression de devoir improviser dans tout ce qu'elle faisait jusqu'au moment où elle allait pouvoir rattraper sa sœur et où elle pourrait la libérer.

_Ma mère aussi est morte, finit par ajouter la jeune femme avec calme qui l'étonnait un peu elle-même...

_Je suis désolé pour tes parents, répondit alors l'homme en s'arrêtant de nettoyer la vaisselle et en se tournant complètement vers la jeune femme afin de la regarder. Tes parents étaient des gens bons et justes. Ils nous ont aidé alors que personne ne voulait plus le faire. Je chanterais pour leur mémoire ce soir, si tu me le permets... Raconte-moi un peu ce qu'il a pu se passer pour qu'ils meurent, tous les deux?