Les Mondes Séparés: La Chasse

La sortie de Kortat (5)

_Merci Levah, s'exclama Lorya avec force. Ne t'inquiète pas. Je peux me défendre toute seule. J'ai mon bâton de combat avec moi... La jeune femme se sentit gronder avec force et commença à s'avancer en silence sur la route. Un bâton? Avait-elle réellement dit qu'elle avait un bâton pour se défendre de leurs ennemis potentiels, même s'il s'agissait d'un bâton de combat, comme elle venait de le dire?

Que pensait-elle pouvoir faire avec un bâton? Aux yeux de la jeune femme, c'était complètement inutile. Elle ne pourrait rien faire avec ce genre d'arme. Seule, elle se serait faite écrasée par les hommes en noir en quelques secondes. Elle avait raison de vouloir être avec les trois femmes, qui étaient lourdement armées contrairement à elle. Un bâton? Elle trouvait cela complètement futile, voire stupide.

Elle sentit alors Keenah venir se placer à ses côtés pour se mettre à marcher rapidement avec elle tandis que Zera courait légèrement devant elles et que Salvinah se mettait à marcher derrière elles avec Lorya, tout en se mettant à discuter avec elle à voix basse de choses dont elle ne se préoccupait pas.

_Tu n'aimes que ton renard blanc, c'est cela, demanda Keenah avec le calme et la lassitude qui la caractérisait?

_Je l'aime plus que la plupart des gens, c'est certain, rétorqua sèchement Levah, presque malgré-elle.

_Pourquoi?

_Peut-être parce qu'il ne pose pas de questions stupides... Que cherchait à faire cette jeune femme exactement? Que voulait-elle obtenir de Levah? Essayait-elle de lui faire comprendre son point de vue sur les animaux comme Zera: qu'il s'agissait seulement de monstres qu'il fallait absolument détruire?

Cela ne fonctionnerait jamais avec elle.

Elle ne voulait pas penser comme eux. Elle ne voulait pas ressentir ce qu'ils ressentaient. Eux, semblaient détester les animaux. Ils n'accordaient aucun respect à ces êtres vivants, simplement parce qu'ils pensaient qu'ils n'étaient pas naturels. Elle détestait cela. Et elle détestait la manière dont ils voyaient ses animaux qui n'avaient rien demandé: eux-aussi avaient le droit de vivre dans ces mondes.

Quand elle pensait à ces pauvres loups des marais et à ce qu'on leur faisait subir, comment ne pas en devenir violent? Comment pouvaient-ils faire pour ne pas s'en prendre à tous les êtres vivants autour d'eux?

Elle était sûre et certaine que les loups des marais seraient moins dangereux, s'ils avaient assez de nourriture pour survivre et un endroit où ils pouvaient se sentir en sécurité. Elle était certaine que ces loups n'étaient pas aussi mauvais que ce que les hommes en noir les forçaient à être en les torturant.

Elle, lorsqu'elle regardait Zera, tout ce qu'elle voyait, c'était un animal incapable de faire du mal à qui que ce soit. Mais, lorsqu'elle pensait à tout le mal qu'on pouvait lui faire, elle sentait une rage folle naître en elle. Zera n'était pas un monstre. Zera était un animal merveilleux. Les rôdeurs étaient juste beaucoup trop aveugles pour voir les évidences que la jeune femme avait sous les yeux...

_Tu sais ce que sont les animaux mutants, s'exclama subitement Keenah avec violence? Est-ce que tu sais seulement ce que les précurseurs ont fait pour qu'ils apparaissent? Et de quoi ils sont capables?

_J'en ai rien à carrer, rétorqua la jeune femme. Et si tu ne tais pas rapidement, c'est à l'intérieur de toi que je risque de carrer quelque chose. Et, je peux t'assurer que ça ne sera pas très agréable à voir...

_Fais comme tu veux, mais ne viens pas te plaindre lorsque les choses tourneront mal pour toi... Et Keenah s'éloigna de la jeune femme afin d'aller rejoindre Salvinah et Lorya afin de leur parler à voix basse. Levah se sentit alors soupirer avec soulagement: elle préférait largement marcher toute seule, sans les bruits de qui que ce soit pour venir lui embrouiller l'esprit et l'empêcher de penser correctement.

Plus elle avançait, plus elle se rendait compte qu'elle ne supportait plus les gens et leurs causeries incessantes: elle ne supportait plus de les entendre se plaindre, de les entendre lui donner des conseils et des leçons de morale à tout va. Pour qui se prenaient-ils tous pour faire de telles choses aux autres?

Comme elle regrettait les moments précieux où elle avait été seule avec Salvinah dans un silence complice. Salvinah était la seule qui comprenait qu'elle avait besoin de garder le silence plutôt que d'exprimer tout ce qu'elle ressentait. Ce qu'elle ressentait, elle devait le garder au fond d'elle. Elle ne voulait pas parler, pas s'épancher sur ses sentiments. Et Salvinah semblait le comprendre parfaitement.

Personne ne devait savoir ce qu'elle ressentait.