L'arrivée à Séchane (5)

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Apparemment, elle n'était pas la seule à être agacée par les paroles et l'attitude de Rayak. Salvinah avait l'air particulièrement énervée par ce que venait de dire l'homme, comme si elle avait été insultée personnellement. Elle donnait l'impression d'avoir été atteinte dans sa chair et dans son cœur. Et, lorsqu'elle était en colère, cela se voyait. Finalement, elle était peut-être comme la jeune femme: elle ne cherchait pas à se cacher, ni à cacher ce qu'elle ressentait aux yeux de ce monde. Elle se fichait de ce que les gens pouvaient penser.

Mais pourquoi était-elle tellement en colère? Pourquoi était-elle tellement touchée par ce que Rayak pouvait dire sur les villages dans les marais et sur leurs habitants? D'après ce qu'elle comprenait, Salvinah connaissait les marais et les habitants de ceux-ci. Et, elle semblait attachée à ces gens, au point de vouloir les défendre face aux autres. Elle ne savait pas encore si elle avait confiance en la rôdeuse, mais elle ne pouvait pas s'empêcher de se dire que, si elle s'énervait autant, cela était forcément un signe rassurant et positif pour ce qui concernait leurs conditions de voyage et ce qu'elles allaient rencontrer.

Finalement, sans ajouter le moindre mot aux deux hommes, Levah s'avança vers le chameau qui portait sa besace et ses armes, et les remit à leur place en quelques secondes. Elle entendit alors Rayak se poster à quelques centimètres à peine d'elle dans son dos et lui déclarer, aussi calmement que possible:

_Vous ne devriez pas vous rendre dans les marais, juste toutes les deux. C'est trop dangereux! Vous ne savez pas sur quoi vous allez tomber. Vous ne savez pas ce que vous allez devoir affronter... Beaucoup de gens partent constamment dans les marais afin de pouvoir atteindre la Capitale plus rapidement. Mais, peu d'entre eux ne parviennent jusqu'au fleuve. Peu d'entre eux sont encore en vie, à l'heure actuelle.

_Et qu'est-ce que tu veux que je fasse, s'énerva-t-elle en se retournant brusquement en direction de l'homme? Tu veux que je reste ici et que j'abandonne ma petite sœur? Tu veux que je recule? Tu veux que je m'arrête dans ma lancée simplement parce que tu as peur de ce qu'il pourrait m'arriver là-bas?

_Attendez une journée! Je fais tous les achats avec Avok et je le renvoie en direction de Pléna. Ensuite, je vous escorte jusqu'à la Capitale personnellement. Je ne peux que vous être utile... Levah, tu ne peux pas le nier: tu as besoin de moi auprès de toi. La jeune femme sentit les sangs ne faire qu'un tour en elle. Comment osait-il lui dire une telle chose? Comment osait-il la rabaisser de la sorte? Il osait insinuer qu'elle n'était pas assez forte. Il osait insinuer qu'elle ne savait pas se débrouiller toute seule et qu'elle était forcément l'obligée des autres. Il osait lui dire en face qu'elle était faible et qu'elle n'avait pas d'autre choix que de se reposer sur les autres pour se permettre de survivre.

En plus, tout cela était faux! Qui était venu en aide à l'autre? Qui avait permis la délivrance de leur ville? N'avait-elle pas prouvé qu'elle savait se battre et qu'elle savait parfaitement se défendre toute seule? N'avait-elle pas prouvé ce qu'elle était? N'avait-elle pas prouvé sa valeur? Rayak oubliait-il soudainement tout ce qu'il s'était passé, ces dernières semaines? Elle, elle ne l'oubliait pas. Elle, elle savait ce qu'elle valait et elle savait qu'elle n'avait pas besoin d'être protégée par qui que ce soit, quelles que soient les circonstances. Pour être sauvée, elle avait juste besoin de la présence de Zéra à ses côtés. Il était le seul être vivant en qui elle avait confiance et avec qui elle voulait vraiment être.

Alors qu'elle pensait à lui, elle vit son meilleur ami apparaître dans son champs de vision, s'étirant tout du long sur le dos d'un chameau, puis descendant de cet animal afin de s'approcher lentement de la jeune femme de sa démarche gracieuse et délicate. Parfois, la jeune femme avait l'impression de le perdre de vue et de l'oublier, malgré-elle. Mais, il était toujours là, même s'il était caché. Il finissait toujours par revenir.

Et, en regardant l'animal s'approcher, elle ne pouvait pas s'empêcher de se dire qu'elle savait exactement pourquoi Rayak réagissait de la sorte avec elle et les autres. Et, ça l'énervait tellement contre lui!

Rayak disait tout cela pour une seule raison, la même raison qui avait fait qu'il lui avait attrapé la main avec fermeté: il voulait que la jeune femme ne soit à personne d'autre qu'à lui. Il voulait la posséder. Il voulait qu'elle soit réellement à lui. Il avait envie d'elle, d'une façon qui déplaisait fortement à Levah. Maintenant, elle avait la certitude qu'il ne pensait qu'à cela et qu'il ne l'aidait que pour y parvenir.

Mais l'homme ne voyait pas la chose la plus importante: Levah ne serait jamais à lui, comme elle n'appartiendrait jamais à personne. Elle ne pouvait pas supporter l'idée d'être l'obligée de qui que ce soit. Elle ne pouvait pas supporter de laisser qui que ce soit avoir le dessus sur elle. Elle, elle était une personne parfaitement libre. Elle était la seule maîtresse de son corps et de son âme. Rayak n'y pouvait rien.


Et tout cela faisait que la colère et l'énervement de la jeune femme ne faisait qu'augmenter en elle. Elle était tellement en colère qu'elle avait envie de frapper cet homme en plein visage. Elle avait envie de faire claquer sa main contre sa joue afin de lui faire comprendre la force de son ire... En fait, elle n'était pas en colère contre lui. Ce n'était pas aussi basique que cela. Elle était simplement furieuse.

Les Mondes Séparés: La ChasseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant