La caravane

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La caravane dépassa lentement les vestiges des précurseurs avec lenteur. Elle ne comprenait pas ce qu'il se passait avec tous ces vestiges: cela faisait six jours qu'ils étaient partis de la ville de Pléna. Et, à chaque jour qui passait, ils croisaient toujours les mêmes vestiges encore et encore: de grandes poutres en ferrailles qui faisaient plusieurs dizaines de mètres de haut, avec de longues hélices en métal qui rappelaient les hélices des moulins-à-vent, elles-mêmes faisant plusieurs mètres de long. Ces monstres de construction étaient tous couchés sur le sol, mais la jeune femme les imaginaient facilement debout en direction du ciel, avec ces hélices qui ne cessaient jamais de tourner en rond dans les airs.

Mais, à quoi servaient ces monstres d'acier et de métal? Elle n'en avait aucune idée. Salvinah lui avait rapidement avoué que personne n'en savait rien. Des dizaines et des dizaines d'explorateurs étaient venus dans le désert pour tenter de percer le mystère de ces statues, mais aucun d'entre eux n'avait réussi à y comprendre quoi que ce soit. Le mystère restait entier. Tout ce qu'ils savaient, c'était que cela provenait des précurseurs.

Dans le fond, elle se fichait pas mal de ce que pouvaient être ces immenses objets des précurseurs. La seule chose qui la dérangerait avec ces choses était leur répétition dans le désert qui donnait l'impression à la jeune femme qu'ils ne cessaient de tourner en rond. Elle avait l'impression qu'ils n'avançaient pas le moins du monde et qu'ils n'arriveraient jamais à atteindre la ville de Séchane rapidement.

Elle en avait assez de ce désert, de tout ce sable qui s'accumulait sans cesse partout autour d'eux et de ce soleil qui frappait sur leur tête de manière beaucoup trop violente à son goût. Elle comprenait mieux pourquoi personne n'habitait dans cet endroit: dans ce désert, tout était mort. Il n'y avait pas la moindre plante, pas le moindre animal. Rien n'existait que le sable. Cela ressemblait à un cauchemar plus qu'à autre chose: le jaune du sable et la répétition. À ses yeux, cet endroit était le pire de toutes les terres séparées.

Plus les jours passaient, plus elle se sentait fatiguée. Elle avait l'impression de ne plus pouvoir respirer normalement, obligée de tousser pour pouvoir avaler de l'air. Elle avait une migraine qui devenait de plus en plus intense au fil des jours. Et, elle avait tellement mal au ventre. C'était comme un supplice. Depuis leur départ du matin,elle avait mal au ventre. Elle pensait qu'elle n'avait jamais eu mal comme cela, auparavant. Son esprit était obligé de se tourner de plus en plus vers cela, se mettant à oublier tout le reste, notamment ce qu'ils étaient en train de faire dans cette caravane.

Et maintenant, elle sentait que ses membres devenaient de plus en plus faibles: ses jambes devenaient flageolantes et ses bras commençaient à trembler d'eux-mêmes, sans qu'elle ne puisse les contrôler: et, elle avait terriblement chaud. Elle avait terriblement froid, dans le même temps. Elle avait l'impression qu'elle avait de la fièvre. Que lui arrivait-il? Elle n'en était pas sûre. Cela ressemblait aux maladies que sa petite sœur attrapait tous les hivers. Mais, ça ne pouvait pas être cela. Dans le désert, il ne faisait pas froid. C'était le contraire: il faisait une chaleur à faire suffoquer toute personne.

De ses yeux entrouverts, elle vit Rayak amener son chameau à côté du sien afin de pouvoir être à sa hauteur tout en se déplaçant. Il l'observait avec une grande attention, les yeux remplis d'inquiétude et de sérieux. Il devait certainement se rendre compte qu'elle n'était pas au mieux de sa forme. Mais, il ne devait pas s'en faire pour elle. Elle avait encore beaucoup de force. Elle était capable de résister et de continuer à avancer, même dans l'état dans lequel elle était. Elle avait plus d'énergie qu'il le croyait.

_Tu vas bien, finit-il par lui demander sans cesser de la fixer de son œil valide, avec une extrême attention?

_J'ai connu mieux, ne put s'empêcher de répondre la jeune femme. Je suis juste un peu fatiguée de ce périple sous le soleil. Mais, je vais me reposer un peu et tout ira bien mieux. Rayak la regarda d'un air dubitatif. De toutes évidences, il ne croyait pas un seul mot de ce qu'elle disait. Et ça tombait bien parce qu'elle ne croyait non-plus à ce qu'elle disait. Elle essayait juste de relativiser les choses et de paraître positive. Elle n'avait aucune envie de voir qui que ce soit se faire du soucis pour elle. Cela n'en valait pas la peine. Elle allait se remettre. Elle n'avait jamais été malade. Elle ne l'était toujours pas.

Ce n'était qu'un coup de fatigue, un simple coup de fatigue. Il n'y avait pas d'autre explication. Il ne fallait pas chercher des choses là où elles n'existaient pas. La seule chose qu'il fallait faire était de trouver un moyen d'aller plus vite afin de pouvoir rejoindre le plus rapidement possible la ville de Séchane.

Lorsqu'elle pensait à ce que sa sœur subissait en ce moment-même, elle oubliait totalement les quelques douleurs qu'elle ressentait et le mal de crâne qu'elle avait. Tout d'un coup, tout cela n'avait plus la moindre importance. Christie devait tellement souffrir et tellement avoir peur toute seule, sans sa famille pour l'aider. Soudainement, un mal de crâne et des douleurs aux jambes paraissaient comme des choses tellement futiles. Elle pouvait tenir si elle savait que sa sœur pouvait résister aux hommes en noir.

_On ne dirait pas, ajouta alors Rayak. Tu es vraiment pâle, Levah. Je m'inquiète réellement pour toi...

_J'ai juste un peu mal à la tête, dit la jeune femme en haussant les épaules, sentant le mal de crâne et les tremblements de ses bras devenir de plus en plus importants.

_Depuis combien de temps?

_Depuis un ou deux jours...


_Pourquoi tu ne l'as pas dit avant, Levah? 

Les Mondes Séparés: La ChasseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant