L'Addus (2)

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Salvinah avait déjà passé le châle sur sa longue tresse noire, laissant un pli assez grand devant son cou, certainement pour pouvoir se cacher la bouche et le nez lorsque le vent soulevait d'autres choses, comme le sable. Elle ne pensait pas avoir le choix. Elle devait le faire, elle-aussi. Ça ne lui plaisait pas, mais il fallait d'abord qu'elle pense à se protéger de toutes les agressions possibles. Elle avait déjà perdu assez de temps comme cela. Elle ne pouvait pas se permettre de perdre une seule minute de plus à cause du sable, ou même à cause de quoique ce soit d'autre provenant de la nature...

Avec un soupir, elle attrapa le châle que lui tendait Rayak et le passa autour de son cou, veillant à ce que celui-ci recouvre au maximum ses cheveux. Elle avait eu peur d'avoir chaud avec ces affaires sur la tête, mais cela allait. Elle n'avait pas si chaud que cela, pas vraiment plus que sans cet objet sur la tête. Elle pouvait le supporter. Et elle enlèverait cette choses dès qu'elle aurait quitté le désert dans deux semaines.

Rayak passa alors à son tour un châle autour de sa tête, recouvrant sa nuque et son front. Puis, il sourit discrètement à la jeune femme. Elle se demandait pourquoi il lui souriait de cette manière. Que cachait-il derrière cela? Que voulait-il lui dire avec cela? Pour l'instant, elle ne le savait pas. Et, elle n'avait pas envie de le savoir. Elle ne pouvait pas s'embrouiller l'esprit avec ce genre de questions. Elle n'avait qu'une chose en tête: retrouver sa sœur. Le reste ne l'intéressait pas. Et, Rayak devait finir par comprendre cet état d'esprit dans lequel elle avait choisi de se retrouver.

Au bout de quelques secondes, elle vit Avok sortir de la ville par les grandes portes avec trois autres personnes, chacune tenant un animal dont elle avait déjà entendu parler sans jamais les voir dans chaque main: ils'agissait de huit chameaux, ces animaux au pas lent et lourd dont les bosses étaient, disait-on, remplies d'eau et dont les pattes paraissaient tellement fines qu'elles semblaient perpétuellement manquer de s'effondrer. L'un des chameaux traînait derrière lui une petite roulotte qui était à peine remplie d'affaires, certainement pour pouvoir ramener toutes les vivres que Rayak allait acheter dans la ville de Séchane. Il y avait largement de quoi faire avec une roulotte aussi grande.

Avok se rapprocha rapidement des trois personnes, suivi par les deux chameaux qu'il tenait et leur déclara:

_C'est moi qui vais venir avec vous jusqu'à Séchane. Rayak, tu auras besoin de mon aide pour ramener les vivres jusqu'à la ville... J'imagine que vous savez tous comment on monte sur des chameaux et comment on arrive à les faire avancer dans le sable, d'une manière efficace et plus rapide...

_Non, pas moi, répondit simplement Levah en haussant les épaules avec lourdeur tandis que les deux autres personnes acquiesçaient avec vivacité, montrant qu'ils savaient parfaitement vivre avec ces animaux.

_Alors, on va commencer par toi, avant de nous mettre en route. Tu vas monter la première... Levah acquiesça en silence. Avok demanda alors à l'un des deux chameaux à côté de lui de s'agenouiller au sol, ce qu'il fit en un instant seulement, sans aucune difficulté. Cet animal semblait beaucoup plus souple quand il bougeait que lorsqu'on le voyait de prime abord. Il semblait puissant aussi, d'une puissance calme et douce. Certains êtres vivants n'étaient pas du tout ce qu'ils paraissaient. Elle le savait bien. La vision de cet animal ne faisait que confirmer ce qui n'était qu'une évidence à ses yeux.

Avok fit alors signe à la jeune femme de venir s'asseoir à califourchon sur la selle qui se trouvait entre les deux bosses dorsales du chameau. Celle-ci s'avança lentement vers l'animal, lui caressa la tête avec douceur afin d'essayer de le mettre en confiance, surtout avec la présence du renard blanc sur son épaule. Puis enfin, elle s'approcha de son dos et monta sur la selle d'un seul geste de l'ensemble de son corps.

Le chameau se releva d'un seul coup, secouant prestement la jeune femme d'arrière en avant pendant une seconde à peine. Mais, une fois qu'il fut complètement relevé, tout était stable et tout était agréable. La selle installée sur son dos était plutôt confortable. Elle sentait qu'elle était capable de passer des heures sur cette selle, des heures et des heures de voyage dans le désert de l'Addus, ce désert qui lui apparaissait comme étant tellement hostile et tellement vide de la moindre existence humaine.

Était-ce réellement cela qu'ils appelaient des caravanes? Des transports faits sur le dos de ces animaux? Elle trouvait cela étrange, mais elle devait se faire à l'idée que c'était dans l'ordre des choses. Ces gens-là faisaient cela. Et, s'ils le faisaient, c'était que cela devait être efficace. Des caravanes? Une série d'animaux transportant des vivres et des produits à travers le désert? S'ils devaient utiliser ce moyen de transport, cela lui allait. Elle pouvait parfaitement le faire. Elle n'avait même aucune difficulté à faire tout cela, que ce soit au niveau de son physique qu'au niveau de son mental.

_Y'a-t-il une seule chose que tu ne sais pas faire, fille du crépuscule, s'exclama alors Rayak avec force et admiration tout en s'approchant d'un chameau à son tour? Ça fait seulement cinq minutes que tu vois cet animal et tu sais déjà parfaitement monter dessus, sans même tomber une seule fois!...

_Cette femme est juste exceptionnelle, rétorqua alors Salvinah avec un sourire amusé sur les lèvres. Tout le monde s'en est rendu compte en ville...Levah se mit alors à regarder les vestiges des précurseurs avec une grande attention, n'écoutant plus réellement ce que disaient les trois personnes autour d'elle. Ils pouvaient bien penser et dire tout ce qu'ils voulaient d'elle, elle s'en fichait. Cela n'avait pas d'intérêt. Cela n'était que des paroles, des paroles vaines qui n'avaient pas de sens. Elle n'avait pas de temps à perdre avec toutes ces choses qui la détournaient de ses objectifs principaux actuels.


Puis, ce qu'ils disaient était forcément faux: elle n'avait rien d'exceptionnel. Il y avait des tas de choses qu'elle ne savait pas faire. Elle était exactement comme les autres femmes de son âge, voire même moins qu'elle. Elle, elle n'était pas excellemment belle. Elle, elle n'était pas baignée de lumière. Elle était toujours plongée dans l'ombre. Elle était ténébreuse. L'obscurité était son alliée. Et, la colère son seul sentiment véritable. Cela l'empêchait d'être exceptionnelle. Pourquoi ne le voyaient-ils pas? Ils se trompaient sur son compte. Ils ne la voyaient pas telle qu'elle était réellement. Et, elle ne comprenait pas pourquoi ils avaient cette vision totalement fausse de ce qu'elle était

Les Mondes Séparés: La ChasseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant