Les Mondes Séparés: La Chasse

Les sous-sols

Sans attendre de réponse de la part de cet homme, elle retira sa longue dague du bureau et se retourna afin de sortir de la salle avec vitesse, suivie de près par Salvinah. Elle se fichait totalement de ce que cet homme devenait ou non. Ce n'était plus de son ressort, à son grand soulagement. Elle avait fait ce qu'elle avait à faire. Elle avait neutralisé les hommes en noir de cette ville.

Les quelques hommes en noir qui restaient encore dans cette ville allaient être rapidement appréhendés par les nomades encore valides et les habitants opposants et neutralisés de la meilleure des manières. Ce n'était qu'une question de temps pour qu'ils ne soient plus un danger pour qui que ce soit. Cette idée seule était une source de satisfaction pour la jeune femme, comme la genèse de la vengeance qu'elle voulait tellement avoir depuis que les hommes en noir avaient attaqué les membres de sa famille et avait détruit toutes les choses qui avaient toujours été importantes dans sa vie.

Elle se demandait ce que cet homme avait voulu dire en lui disant que certaines personnes étaient un danger pour la planète et qu'ils allaient tout détruire. Que signifiait ce genre de phrases? Ça n'avait pas de sens. Comment pouvait-on penser que certaines personnes étaient des dangers pour les autres? Comment pouvait-on penser que certaines personnes ne méritaient pas de vivre à cause de cela? Plus elle découvrait les hommes en noir, plus ces personnes la dégoûtaient profondément. Ils étaient encore plus horribles et encore plus terribles que tout ce qu'elle avait pu penser existant dans ce monde.

La jeune femme arriva alors auprès de Rayak qui était toujours étalé sur le sol, encore conscient. Deux hommes nomades étaient arrivés auprès de lui et le soignaient avec des bandages blancs et pommades qu'elle ne connaissait pas. Zéra se tenait à quelques centimètres d'eux, assis, les regardant faire en silence. Il semblait aller un peu mieux. Mais, sa blessure semblait grave. Il allait certainement garder une cicatrice importante sur le visage: une cicatrice qui allait défigurer son visage. Mais, il avait de la chance: avec un tel coup, il aurait pu avoir une blessure très grave, voire même en mourir. Une cicatrice était certainement une moindre mal pour un homme comme lui, un guerrier.

Décidant de laisser l'homme se faire soigner tranquillement, la jeune femme continua sa route en se mettant à marcher plus vite. Salvinah accéléra elle-aussi son pas. Elle avait hâte que cette nuit se termine. Elle avait déjà assez duré comme cela. Elle se sentait particulièrement exténuée. Combattre de cette manière était l'une des choses les plus difficiles qu'elle n'avait jamais faite de son existence. Cette vie-là, que la plupart des gens étaient forcés de vivre, était une vie de souffrance et de labeur, mais aussi de peine: plus difficile que toutes les choses qu'elle avait vécues jusque là. Et, elle sentait déjà que mener cette vie-là était en train de l'user tout doucement, beaucoup plus moralement que physiquement.

Heureusement, très bientôt, elle allait pouvoir avoir l'impression d'avancer. Maintenant que cette ville était libérée des hommes en noir, elle allait enfin pouvoir traverser le désert de l'Addus et atteindre la ville Séchane, la porte d'entrée des Terre Verda. Et, c'était tout ce qu'elle voulait! Avancer était la seule chose importante à ses yeux. Elle n'attendait plus que cela. C'était pour cette raison qu'elle avait fait tout ce qu'elle avait durant cette nuit. Et, elle voulait partir le plus rapidement possible en direction de Séchane: deux semaines de trajet était déjà assez long comme cela.

Dans combien de temps allait-elle enfin pouvoir retrouver sa sœur? Deux mois si tout allait bien? Elle n'arrivait pas à croire que cela allait encore prendre autant de temps. Elle ne pouvait pas s'empêcher de se demander si sa sœur allait être capable de tenir tout ce temps seule face à ces gens, ces monstres d'hommes en noir. Avec tous ces mauvais traitements et toutes ces tortures, elle ne pouvait pas s'empêcher d'avoir peur de ce qu'il pouvait arriver à sa petite sœur. Elle ne pouvait pas s'empêcher d'imaginer toutes les pires choses que ces hommes pouvaient être capables de faire à une femme.

Alors qu'elles étaient en train de descendre l'escalier dans le hall d'entrée du bâtiment, elle sentit les pattes et les griffes de Zéra s'accrocher à ses cuisses et venir grimper sur son épaule pour s'y asseoir et venir entourer son cou de sa queue. Il avait besoin d'être avec elle pendant quelques instants. Et, elle devait avouer qu'elle aimait sentir la présence de son ami auprès d'elle. Quand il était près d'elle, elle se sentait plus sûre d'elle et plus déterminée. Pour beaucoup, Zéra n'était qu'un animal. Mais, pour elle, il était bien plus que cela: il était la seule famille qui lui restait tant qu'elle n'avait pas retrouvé sa sœur.

Les deux femmes arrivèrent en bas des escaliers en quelques secondes. Levah jeta un regard circulaire sur la pièce et vit, tout de suite, des escaliers qui descendaient vers un sous-sol. Ce devait être ce qu'elles cherchaient: l'escalier qui menait aux geôles, d'après ce qu'elle pouvait comprendre. Elles y étaient presque! Elles n'avaient plus que quelques pas à faire. Et, si comme elles le pensaient, des innocents étaient enfermés dans ces geôles, il fallait leur venir en aide le plus rapidement possible car ils devaient être en très mauvais état, voire même encore bien pire que cela...

Salvinah acquiesça en direction de Levah et s'avança rapidement en direction des escaliers afin de les descendre. Rapidement, elle décida de la suivre. Elle descendit les escaliers aussi rapidement qu'elle le put, s'enfonçant de plus en plus profondément dans les antres de la nuit et dans son obscurité.

Au sous-sol, tout était sombre. Tout était froid. Elle distinguait à peine la grande allée centrale qui semblait séparer le sous-sol en deux, sur plusieurs dizaines de mètres de long. De faibles torches étaient suspendues sur les murs, mais éclairaient à peine la grande allée qui ne semblait pas en finir. L'ambiance de ce sous-sol était poussiéreuse et irrespirable, humide et sale. Elle voyait des toiles d'araignées sur les plafonds. Elle voyait des moisissures sur les murs. Elle voyait des tâches de saleté sur le sol. Elle s'attendait même à tout moment à voir des rats et des souris passer devant elle...

Sur les deux murs latéraux de l'allée, elle pouvait apercevoir de vieilles portes en métal, cinq ou six sur l'ensemble de l'allée de chaque côté. Ces portes en métal étaient des portes lourdes et épaisses, particulièrement en mauvais état: elles étaient recouvertes de rouille. Tout dans cet endroit semblait en mauvais état, comme laissé à l'abandon. Elle n'arrivait pas à croire que l'on puisse mettre des gens dans un tel endroit, fussent-ils des prisonniers. Ici, la moindre détention devait devenir un vrai calvaire. Elle en était sûre et certaine. Comment pouvait-il en être autrement avec de telles conditions?

Salvinah s'approcha de la première porte en métal et défit la clenche verrouillée avec lenteur. Dans un fracas métallique assourdissant, le verrou sauta et s'ouvrit. Elle poussa la porte avec force afin de l'ouvrir en grand et se mit à regarder avec attention ce qu'il y avait dedans. Elle poussa alors une exclamation de stupeur et murmura:

_Par toutes les étoiles du ciel, ce n'est pas possible...