Soudainement, elle vit cette chose étrange apparaître dans son champs de vision, se voyant de très loin en cette journée où le brouillard était quasiment absent. Et ça leur faisait énormément de bien. Les rayons du soleil étaient tellement vivifiants et doux. Elle en avait presque oublié le bien que ça faisait.
Cela faisait déjà deux semaines qu'elles marchaient sans cesse depuis qu'elles avaient quitté la forteresse de Kortat, deux semaines qu'elles déambulaient sur les chemins étroits à travers l'eau et le brouillard sans voir la fin de ces marais. Elles ne croisaient quasiment plus personne sur leur route, comme si les rôdeurs qui avaient réussi à s'enfuir ne savaient pas du tout où aller après le drame qui avait frappé leur ville. Personne ne semblait capable de savoir où était le fleuve et de s'y rendre sans aide.
Maintenant elles étaient quasiment seules. Parfois de loin, elles pouvaient apercevoir une ombre se déplacer rapidement, voire même deux. Certaines de ces personnes s'arrêtaient aussi parfois dans les ruines des villages qui avaient déjà été attaqués par les loups des marais. Et elles se reposaient comme elles le pouvaient au milieu des habitations brûlées et des cadavres, et devaient forcément avoir des cauchemars plus terribles les uns que les autres, des cauchemars sur les ignominies des hommes en noir.
Elles, elles ne s'arrêtaient dans les villages que pour récupérer quelques vivres comme elles le pouvaient. Levah préférait dormir sur les chemins avec une personne qui faisait une garde pour veiller sur celles qui dormaient. Et la journée, elles marchaient. Elles marchaient sans cesse. Et elles marchaient aussi vite qu'elles le pouvaient, sans s'arrêter pour se soucier de qui que ce soit sur leur route.
Levah n'avait qu'une seule envie: arriver le plus rapidement possible jusqu'au fleuve et se débarrasser de Lorya et Keenah. Les deux femmes ne faisaient que parler sans cesse. Du matin au soir, elles déblatéraient. Elles parlaient de tout et de rien, le plus souvent de choses futiles qu'elle n'écoutait pas. Elle en avait toujours mal à la tête, ce qui faisait sourire Salvinah à chaque fois qu'elle le voyait et qu'elle remarquait que la jeune femme était en train de soupirer de dépit suite à une phrase.
Mais en ce moment, devant cette chose, les quatre femmes s'étaient tu: devant elles, s'élevait ce qui semblait être un vestige des précurseurs, certainement le plus grand vestige qu'elle n'avait jamais vu...
Il s'agissait d'un bâtiment dont elle ne pouvait pas comprendre l'utilisation, mais qui se composait d'une espèce de grand cube en béton aussi gris que la tristesse et qui semblait faire cent fois la taille d'une maison. À côté de cet espèce de bâtiment, se trouvaient deux immenses... Elle pensait qu'il s'agissait de deux immenses cheminées, qui faisaient une centaine de mètres de haut, elles-aussi en béton gris.
Elle n'osait même pas imaginer toute la fumée qui avait du sortir de cheminées aussi grandes et massives. Elle n'osait imaginer la chaleur. À quoi pouvait servir une telle chose? Que les précurseurs avaient-ils pu essayer d'entreprendre avec une chose telle que celle-ci, une chose aussi grande?
Cette construction lui faisait froid dans le dos. Elle ne savait pourquoi, mais ça lui faisait peur. Elle sentait que c'était mauvais: autant pour les quatre femmes que pour tous les êtres vivants qui passaient dans la forêt. Il ne fallait pas s'approcher de cette chose. Elle préférait faire le tour. Qui savait ce qui pouvait se cacher dans un endroit tel que celui-ci? Qui savait ce que cette construction cachait?
_C'est à cause d'endroit comme celui-ci que les animaux sont devenus des mutants, de ce que disent les légendes, déclara Keenah en venant se placer aux côtés de la jeune femme. On dit que lorsque le grand cataclysme est apparu, toutes les machines des précurseurs se sont arrêtées en même temps. On dit que ces gros bâtiments ont explosé et qu'ils ont déversé des choses mauvaises pour tout le monde, i compris les animaux. On dit qu'à cause de cela, des parties entières des terres séparées ont disparu et que Verda Terra est devenu un marais. On dit que tous les êtres vivants sont morts dans cet endroit et qu'on peut voir leurs ombres errer à l'intérieur de ces bâtiments, coincés au-dessus de la terre pour l'éternité. Et on dit que les animaux mutants, sans aucune exception, sont leurs sbires directs...
_C'est complètement débile, ne put s'empêcher de s'exclamer Levah en haussant les épaules avec lourdeur!
_Tu insultes toutes nos croyances!! Fais bien attention à ce que tu dis lorsque tu es devant nous ou tu auras affaire à moi...
_Ce sont vraiment ce que disent nos légendes, expliqua alors Salvinah. Je ne sais pas ce qui est vrai ou non dedans. Avant, je pensais que tous les animaux mutants étaient des monstres. Mais depuis que je connais Zera, je me demande comment j'ai fait pour penser comme cela: il est l'animal le plus noble, le plus gentil et le plus intelligent que je connaisse. On ne peut que aimer cet animal... Comme une réponse aux phrases d'une grande gentillesse de Salvinah, Zera apparut dans son champs de vision, grimpa le long du corps de celle-ci et vint s'enrouler autour de ses épaules afin de la câliner doucement.
Elle était heureuse de voir que la rôdeuse avait compris l'essentiel en ce qui concernait ces animaux: peu importait ce qu'ils étaient censés être, l'important n'était pas là. Le fait qu'ils étaient des mutants n'avait aucune importance. Et elle était soulagée de savoir que c'était le cas aussi pour Salvinah, tout comme Zera.
Que Keenah essayait-elle de faire exactement? Voulait-elle toujours essayer de la convaincre que les mutants étaient des monstres qu'il fallait supprimer? Elle lui avait dit déjà plusieurs fois qu'elle se fichait de toutes ces considérations qu'elle pouvait avoir. À vrai dire, tout cela commençait à réellement l'énerver.
Elle ne voulait pas parler de toutes ces choses avec une personne aussi obtuse et cruelle que Keenah. Elle avait l'impression que cette femme ne pouvait pas comprendre ce qu'elle vivait. Parfois, les mots étaient inutiles. Les discussions étaient des pertes de temps. Et avec Keenah, elle avait l'impression que tous les mots et tous les concepts ne servaient à rien. Elle ne voulait pas comprendre.
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Les Mondes Séparés: La Chasse
Abenteuer_Tu es une femme extrêmement forte, Lévah, déclara alors soudainement la mère de la jeune femme en plantant ses yeux dans les siens. Tu es la personne la plus forte et la plus résistante de cette famille, bien plus que ton père, bien plus que moi, b...