Sur le sentier

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La jeune femme ferma rapidement sa besace, serrant instinctivement le manche de son long couteau dans sa main avant de commencer à s'enfoncer dans l'immense forêt qui se présentait sur sa route, maintenant. Elle se sentait sur la défensive, capable de sortir ses armes et de se battre à chaque instant. Tout ce qui se trouvait autour d'elle lui semblait obscur et oppressant. Chaque arbre, chaque branche, chaque feuille semblait se pencher dans sa direction pour la recouvrir et la mettre en danger. Il y avait quelque chose de dangereux dans cette forêt. Il y avait quelque chose d'étrange aussi: comme une odeur sèche et lourde qui traînait dans les airs, une odeur de sang et de bataille, une odeur qui faisait frissonner l'ensemble de son corps et lui donnait en permanence la chair de poule.

Elle avait l'impression que les arbres eux-mêmes allaient s'en prendre à elle! Tout était tellement dense dans cette forêt que c'en était dérangeant. La route, qui avait été bien jusque là, ne devenait plus qu'un sentier étroit qui zigzaguait parmi les racines, les mousses et les fougères, ne laissait que très peu de place au passage des gens. Et, tout était tellement sombre! Il faisait encore jour, et pourtant, l'ensemble de la forêt était plongée dans une pénombre qui n'était pas agréable et qui donnait l'impression d'être quasiment au milieu de la nuit. Levah était obligée d'avancer lentement afin de s'éviter de tomber et de se blesser, parla même occasion, ce qui serait une très mauvaise chose.

Mais, ce n'était pas toutes ces choses qui l'inquiétaient le plus! La seule chose qui l'inquiétait réellement était le silence. Cette forêt était affreusement silencieuse. Pas un seul bruit ne venait perturber la quiétude de cette fin d'après-midi. Levah avait presque l'impression que rien de vivant n'existait dans cet endroit. Le vent qui soufflait relativement fort sur la plaine ne semblait pas rentrer à l'intérieur de la forêt. Il ne semblait y avoir le moindre cours d'eau qui coulait dans le cœur de la forêt, au milieu des arbres. Et, il ne semblait pas y avoir le moindre animal qui venait parcourir les distances sous les bosquets de la forêt: que ce soient les plus petits ou les plus grands. Il ne semblait pas y avoir quoi que ce soit de vivant dans les entrailles de cette forêt terriblement silencieuse.

Et, de ce qu'elle savait, rien de tout cela n'était normal. Depuis qu'elle était une enfant, elle avait eu l'habitude de vivre à proximité d'une forêt: la forêt des montagnes isolées qui menait chez elle jusqu'à Orlet. Et, elle savait que de nombreux animaux habitaient dans la forêt: des cerfs, des loups, des cochons ou encore des oiseaux. Zéra faisait partie de ces animaux. Elle avait toujours été habituée à entendre les cris et les pas de tous ces animaux. Parfois, elle s'était même rendue à l'intérieur de la forêt afin de chasser ces animaux. Et, elle savait que certains d'entre eux étaient dangereux et d'autres parfaitement inoffensifs. Elle savait aussi que leur présence était obligatoire et même nécessaire pour la survie de l'ensemble de la forêt et pour la survie de tous les humains autour.

Dans cette forêt-ci, dans laquelle elle s'enfonçait de plus en plus profondément, elle n'entendait pas le moindre glapissement, pas le moindre cri, pas la moindre respiration, pas le moindre bruit de pas sur les feuilles mortes... Elle avait l'impression que tout était mort dans cet endroit, comme si tous les animaux s'étaient enfui. Ou pire encore, que les animaux se cachaient de quelque chose. Levah savait que si les animaux se méfiaient de quelque chose, elle devait s'en méfier elle-aussi. Ces derniers avaient un instinct bien plus développé que celui des humains et elle se devait de le suivre sans se poser la moindre question.

Au bout de quelques instincts de marche, elle sentit Zéra sauter à terre et se mettre à glapir avec une grande force, glapissement qui résonnait avec force dans l'ensemble de la forêt. Aussitôt, elle prit son arc en main, ainsi qu'une flèche, qu'elle arma, prête à tirer à la moindre chose qu'elle voyait bouger dans son champs de vision. Elle sentait la tension devenir de plus en plus forte au fond de son cœur. Elle avait peur. Elle avait peur d'être attaquée par elle-ne-savait-quel monstre de légende dont son père ne lui avait malheureusement parlé que trop peu souvent dans son enfance, soit parce qu'il ne connaissait pas assez ce sujet, soit parce qu'il avait eu peur de dire l'ensemble de la vérité à la jeune femme.

Pourtant, elle devait avancer. Elle devait avancer coûte que coûte. Elle n'avait pas d'autre choix pour aller jusqu'à la ville de Pléna et pour espérer retrouver sa sœur en vie. Peu importaient les dangers que pouvaient cacher cette forêt, ils n'allaient pas arrêter la jeune femme. Elle ne pouvait pas le permettre. Elle n'allait pas le permettre. Peu importait ce qu'il se trouvait dans cette forêt, s'il fallait le tuer pour avoir le droit d'avancer, elle n'allait pas hésiter à le faire une seule seconde. Avec son arc, elle se sentait même déjà prête à se battre contre toutes les choses possibles et inimaginables, en même temps.

Zéra glapit une nouvelle fois, regarda rapidement la jeune femme et commença à courir sur le sentier, en direction du nord-est. L'animal voulait certainement lui signifier quelque chose, certainement qu'ils devaient continuer à avancer coûte que coûte. Alors, la jeune femme se décida à le suivre, se mettant à courir à son tour. Elle n'avait aucune envie de rester plus longtemps dans cette forêt dont l'atmosphère était de plus en plus oppressante. Plus vite elle parcourait cette distance, plus vite elle sortait de cette forêt maudite, plus vite elle pouvait penser à la suite de son périple. C'était tout ce qui était important à ses yeux! Zéra avait raison de lui rappeler toutes ces choses.

Soudainement, alors qu'elle continuait de courir aussi rapidement qu'elle le pouvait,elle sentit un regard se mettre à peser sur son dos avec une grande lourdeur. Elle était observée par quelque chose ou quelqu'un. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle avait l'impression que ce n'était pas avec de bonnes intentions. Son père le lui avait dit et répété: les gens avaient rarement de bonnes intentions les uns envers les autres. Si les autres s'intéressaient à soi, c'était pour soumettre ou pour détruire. Sa mère, elle-même, le lui avait encore dit et répété avant de mourir, à cause de ces autres personnes mauvaises.


Elle ne pensait pas avoir encore le choix: elle allait être obligée de se battre contre ces personnes. Car, elle le sentait au plus profond d'elle, ils'agissait d'humains qui la suivaient et voulaient l'attaquer.

Les Mondes Séparés: La ChasseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant