Que se passait-il? Qu'avait-elle découvert? Levah sentit son cœur se mettre à battre un peu plus vite dans sa poitrine. Soudainement, elle avait une peur de découvrir ce qu'il y avait à l'intérieur de cette cellule. Ce devait être terrible pour que Salvinah ait cette réaction. Elle ne connaissait pas beaucoup cette femme, mais elle n'imaginait pas qu'elle puisse être le genre de personnes facilement impressionnable. Alors, elle n'osait même pas imaginer ce qu'elle avait découvert dans cette cellule, juste devant ses yeux: quelque chose qui ne se disait pas...
Levah prit une grande inspiration et s'avança en direction de Salvinah, qui s'écarta afin de la laisser passer pour qu'elle puisse regarder ce qu'il y avait à l'intérieur de la cellule. Cette dernière était plongée dans la pénombre. Il était difficile d'apercevoir les choses avec clarté. Mais, ce ne fut pas ce qui la saisit en premier:
Dès qu'elle se tourna afin de faire face à l'intérieur de la cellule, elle sentit une forte odeur lui saisir les narines, une odeur de putréfaction qui était absolument nauséabonde. On sentait parfaitement l'odeur des corps en décomposition, l'odeur des défection et de l'urine, l'odeur de la peur et de la misère... Et, l'odeur du sang! Elle reconnaissait cette odeur parmi cent au milieu de n'importe quel endroit. Cette odeur était tellement insupportable: une odeur de mort et de souffrance. Ça lui piquait le nez et les yeux. Ça lui donnait envie de vomir. Elle sentait qu'elle avait des montées dans la gorge. L'odeur de la torture était sans aucun doute la pire des odeurs qu'elle n'avait jamais connu de sa vie.
Au bout de quelques secondes, ses yeux commencèrent à s'habituer à la pénombre et l'obscurité, et elle put commencer à distinguer ce qu'il y avait à l'intérieur de la cellule: la pièce faisait vingt-cinq à trente mètres carrés. Mais dedans, se trouvaient trente à quarante hommes qui étaient dans un état déplorable. La plupart d'entre eux était à moitié nus, ne portant que des pantalons ou des caleçons. Cela laissait paraître l'état famélique dans lequel ils étaient: leurs côtes étaient parfaitement visibles, leurs torses étaient rentrés vers l'intérieur, leurs ventres semblaient remplis d'eau et d'air. Ils n'avaient que la peau sur les os. Ils étaient en train de mourir de faim. Cela était facile à voir.
Par certains traits, ils ressemblaient aux nomades dans le camp devant la ville de Pléna: les os des pommettes extrêmement saillants, des yeux énormes qui prenaient de plus en plus de place, une expression hagarde et sans vie. On pouvait voir la forme de leurs crânes sans aucune difficulté. Leur peau était devenue presque translucide, certainement à cause de la faim et du manque de lumière combinés. Tout cela était tellement désolant à voir. Tout cela était tellement terrible, dans le même temps.
Mais, de ce qu'elle voyait, ils étaient aussi différents d'eux: elle pouvait voir sans aucune difficulté les blessures sur leurs peaux, des griffures, des lacérations et des hématomes profonds. Certains avaient des plaies ouvertes tellement grandes que l'on pouvait presque voir leurs os au travers. D'autres avaient des plaies infectées. D'autres encore avaient des hématomes tellement importants qu'ils en étaient devenus noirs, un peu comme une peau complètement nécrosée. Ces gens avaient été affreusement torturés. Il n'y avait pas de doute à avoir la-dessus en voyant toutes leurs blessures...
Ils devaient certainement être les opposants aux hommes en noir qui avaient été arrêtés à l'arrivée de ces derniers dans la ville. Et, ils avaient besoin d'aide, à présent, d'aide et de soins médicaux le plus rapidement possible. Malheureusement, de ce qu'elle voyait à cet instant, pour un certain nombre d'entre eux, il était déjà trop tard. Le seul soulagement qu'elle pouvait leur donner, à présent, était de leur permettre de mourir libres. Mais, tout cela n'était qu'un très maigre soulagement.
Le groupe d'hommes regardait les deux jeunes femmes avec des yeux écarquillés, regardant parfois la lumière derrière eux en clignant des yeux avec difficulté. Ils ne semblaient pas croire que les deux jeunes femmes soient vraiment là. Ils ne semblaient pas encore se rendre compte qu'ils étaient hors de danger et qu'ils étaient libres. Elle imaginait qu'il allait leur falloir du temps pour comprendre ce genre de choses et pour essayer de reprendre le cours de leur vie là où elle s'était brusquement arrêtée. Il leur fallait un peu de temps pour réapprendre à être dehors, tout simplement...
_Qui êtes-vous, s'exclama alors un homme à la peau mate qui les regardait sans ciller? Vous n'êtes pas des annihilateurs. Ça, j'en suis sûr et certain. Alors, qui êtes-vous? Et, pourquoi êtes-vous venues là?
_Nous sommes simplement des voyageuses et nous sommes venues vous libérer de cet endroit, répondit simplement Salvinah. Les annihilateurs et leurs complices ont été neutralisés. La ville a été reprise par les nomades et une partie des habitants. Quant à vous, vous êtes libres de sortir de cette cellule afin de pouvoir rentrer vous faire soigner ou bien de retourner chez vous, parmi votre famille.
_Vous êtes sérieuse?
_Parole de rôdeuse n'est jamais vaine... Une rumeur de soulagement traversa alors l'ensemble des hommes. Ce n'était pas vraiment de la joie, mais plutôt du soulagement et de l'ahurissement total. Il leur fallait du temps afin de reprendre le cours de leurs existences, et de retrouver le goût de la joie. Pour le moment, ils avaient surtout besoin de reprendre des forces et de se reconstruire aussi bien physiquement que mentalement. Après-tout, comment pouvait-on être pleinement heureux après avoir vécu tout ce qu'ils avaient vécu? À ses yeux, cela semblait impossible. Pour le moment, en tout cas, ça l'était.
_Vous pouvez sortir quand vous le voulez, dit alors Levah avec calme. Nous allons libérer les personnes qui sont dans les autres cellules, tout de suite. Faites ce que vous voulez, de votre côté, messieurs.
_Merci, dit alors l'homme. Nous ne pourrons jamais assez vous remercier pour tout ce que vous avez fait.
_Tu sais, plus je connais les annihilateurs, plus je me rends compte des choses horribles qu'ils font aux autres, plus je partage la haine que tu as contre eux, murmura alors Salvinah alors que les deux jeunes femmes se remettaient en route. Malgré-elle, la jeune femme ne put s'empêcher d'acquiescer en silence. C'était exactement ce qu'elle ressentait au fond d'elle-même, en ce moment-même.
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Les Mondes Séparés: La Chasse
Adventure_Tu es une femme extrêmement forte, Lévah, déclara alors soudainement la mère de la jeune femme en plantant ses yeux dans les siens. Tu es la personne la plus forte et la plus résistante de cette famille, bien plus que ton père, bien plus que moi, b...